Friday, January 20, 2006

Zimbabwe: la vice-presidente Joyce Mujuru prête à succéder à Mugabe

Zimbabwe: la vice-présidente prête à succéder à Mugabe

Joyce Mujuru le 2 décembre 2004

HARARE (AFP) - 20/01/2006 11h39 - La femme la plus puissante du Zimbabwe, Joyce Mujuru, s'est déclaré prête à devenir la première présidente de ce pays d'Afrique australe, mais seulement avec la bénédiction de la Zanu-PF, le parti de l'actuel chef de l'Etat, Robert Mugabe, au pouvoir depuis plus de 25 ans.

"En Afrique, la tradition culturelle voulait que les femmes nourrissent la famille. Nous n'étions pas mises en avant comme nos partenaires masculins, c'est pourquoi il nous a fallu plus de temps pour nous impliquer en politique", a déclaré la vice-présidente zimbabwéenne jeudi lors d'une interview à l'AFP, en présence de médias locaux.

"Il appartient au peuple zimbabwéen par l'intermédiaire de mon parti (...) de voir si je suis capable d'aller au delà de ce que je suis", a-t-elle ajouté. "Je ne veux pas paraître trop ambitieuse, mais quelle que soit la responsabilité que m'assigneront mon parti, le gouvernement et le peuple du Zimbabwe (...) je serai capable de l'assumer." Mme Mujuru, 50 ans, a salué l'élection de la première femme à la tête d'un pays africain, la présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf qui vient de prendre ses fonctions, estimant qu'il vaut "mieux tard que jamais".

Ce pays ouest-africain, ravagé par des années de guerre civile, va s'en sortir sous cette "direction maternelle", a-t-elle ajouté, soulignant que "les femmes sont des artisanes de paix". "Par nature, nous ne sommes pas des guerrières. Avec les femmes, il y a une manière maternelle de résoudre les problèmes et les femmes ont le coeur tendre." Ancienne commandante de la guérilla, durant la lutte de libération contre le régime colonial britannique qui a abouti à l'indépendance en 1980, Joyce Mujuru est devenue la première femme vice-présidente de son pays en décembre 2004.

Quand l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) l'a élue à ce poste, Robert Mugabe, qui a annoncé sa retraite politique pour 2008, a laissé entendre qu'elle était faite pour de plus hautes fonctions. "En la choisissant comme vice-présidente, vous ne voulez pas qu'elle reste à ce poste, n'est-ce pas?", a-t-il lancé lors du congrès annuel du parti. Mme Mujuru affirme qu'en dépit de son ascension politique, elle est restée la même et continue à se consacrer à sa famille.

"J'adore me mêler aux gens, discuter, comprendre leurs besoins", a déclaré cette femme qui apparaît souvent à la télévision, chantant et dansant avec la foule et parlant aux gens dans leur langue locale, lors des meetings politiques. "Je veux continuer à être considérée comme une mère, comme le pilier principal de la famille et je ne veux pas qu'on m'enlève cela (...) Je joue aussi mon rôle de grand-mère", a-t-elle ajouté.

Née le 15 avril 1955 dans une famille de paysans près de Mount Darwin, à environ 200 km de Harare, Joyce Mujuru a rejoint à 18 ans les combattants de la guérilla contre le régime colonial. Elle devient rapidement commandante d'un camp d'entraînement de l'autre côté de la frontière, à Chimoio, au Mozambique. Son exploit le plus célèbre a été d'abattre un hélicoptère des forces rhodésiennes de la minorité blanche en 1974.
Durant la guerre, elle rencontre son futur mari, le commandant Solomon Mujuru, devenu haut responsable dans l'Armée nationale zimbabwéenne lors de l'indépendance en 1980. En raison de son engagement dans la guérilla, Joyce Mujuru a abandonné l'école sans aucune qualification. Mais elle a repris ses études ensuite, obtenant plusieurs diplômes en gestion des affaires notamment, la plupart par l'enseignement à distance.

Wednesday, January 18, 2006

La Congressiste americaine Cynthia McKinney fait des révélations sur l'attentat du 6 avril 1994 au Rwanda


Les révélations de la congressiste américaine Cynthia McKinney

(Afrique Education du 01 au 31 janvier 2006)

La Congressiste américaine Cynthia McKinney, l’envoyée spéciale de Bill Clinton en Afrique révèle que l’attentat du 6 avril 1994 contre le président rwandais est un coup d’Etat. Elle affirme que le gouvernement Clinton avait décidé de changer de régime au Rwanda. C’est pour cela que Paul Kagame est arrivé au pouvoir par la violence et la guerre. Selon elle, le Tribunal Pénal International qui prétend juger les Hutu est un cirque judiciaire lamentable. Elle est la seule élue à avoir organisé une table ronde au Congrès américain sur l’attentat du 6 avril 1994 avec des agents du FBI, des éléments de la CIA, des enquêteurs du Tribunal Pénal International et des témoins de l’attentat. Elle a remis des preuves au juge Bruguière et est un témoin important, avec le prix Nobel de la paix argentin Adolpho Pérez Esquivel, dans l’enquête que mène la justice espagnole sur le pillage de la RDC et les crimes commis par Kagame au Rwanda et en RDC contre les prêtres espagnols, les Rwandais et les Congolais.
Connue aux Etats-Unis pour ses prises de position courageuses contre la guerre en Irak et le pillage de l’Afrique par les pays occidentaux, Cynthia McKinney qui est la première élue noire américaine du Congrès à avoir demandé une commission d’enquête sur les événements sur le 11 septembre à New York, a longuement enquêté sur la tragédie des Grands Lacs. Elle dénonce une politique étrangère américaine brutale et irresponsable en Afrique noire.
Pourquoi avez-vous organisé en 2001 une table ronde sur l’attentat du 6 avril 1994 ?
Ce qui s’est passé au Rwanda n’est pas un génocide planifié par les Hutu. C’est un changement de régime. Un coup d’Etat terroriste perpétré par Kagame avec l’aide de forces étrangères. J’ai suivi de près la tragédie des Grands Lacs et je pense qu’il fallait faire éclater la vérité aux Etats-Unis. C’est pour cela que j’ai décidé à l’époque de réunir des fonctionnaires de l’ONU, des enquêteurs américains, experts de la CIA, des témoins rwandais et des élus américains préoccupés par cette souffrance et cette violence infligées à l’Afrique et aux Africains. J’avais personnellement écrit à Bill Clinton pour lui dire que sa politique était un échec en Afrique. Je continue de ne pas comprendre pourquoi le peuple rwandais a été traité de cette façon alors que le pays était relativement stable. Je ne comprends pas pourquoi le Tribunal Pénal International refuse d’enquêter sur l’attentat alors qu’il est reconnu par l’ONU comme l’événement déclencheur des massacres. Je ne comprends pas pourquoi les pays occidentaux et les Etats-Unis en particulier laisse faire Kagame en RDC. Je comprends pas pourquoi l’Armée Patriotique Rwandaise massacre, pille et viole les femmes en RDC sans que le monde entier s'en émeuve. Je ne comprends pas ce silence en forme d’encouragement de la communauté internationale à l’égard de crimes abominables perpétrés par Kagame et ses hommes.
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda poursuit aujourd’hui les Hutu croyez-vous qu’il fait du bon travail ?
Ce tribunal est une honte internationale. C’est une véritable escroquerie comme le montre l’excellente enquête du journaliste Charles ONANA. Ce livre que j’ai reçu et qui est fortement documenté met à nu les pratiques douteuses du Tribunal d’Arhusha. Comment peut-on prétendre juger des criminels hutu alors que Paul Kagame et les éléments de l’APR qui ont abattu l’avion et assassinés des milliers de hutu ainsi que des Tutsi, des Espagnols et des Congolais sont libres ? Je ne peux pas concevoir que ces gens qui ont bénéficié d’une formation militaire aux Etats-Unis depuis 1990 utilisent ces compétences à des fins criminelles. C’est pour cette raison que nous avons déposé une plainte avec constitution de partie civile en Espagne avec le prix Nobel de la paix argentin Adolfo Pérez Esquivel, Juan Carréro, candidat espagnol au prix Nobel de la paix et trois municipalité espagnoles pour élucider les crimes commis en RDC et au Rwanda de 1990 à 2002. Ayant personnellement suivi le dossier des grands Lacs au sein du parti démocrate et au Congrès, je pense que le travail que font les magistrats espagnols sera utile à la vérité.

© Copyright Afrique Education

--------------------------------------------------------------------------

Tuesday, January 17, 2006

Genocide du Rwanda : POURQUOI CARLA DEL PONTE A ETE JETEE DU TPIR PAR L’ONU (Afrique Education du 01 au 31 janvier 2006)


Les confidences de Carla del Ponte à Charles Onana expliquent pourquoi l’ex-procureure du TPIR, Carla Del Ponte, a été renvoyée d’Arusha et pourquoi l’ONU pour la remplacer a préféré jeter son dévolu sur un paisible magistrat gambien proche de la retraite. Une trouvaille du secrétaire général Kofi Annan.

Interrogée par le quotidien suisse « La Liberté » sur la version de Charles Onana, Carla Del Ponte confirme les révélations du journaliste. « La procureure affirme avoir rencontré le journaliste et reconnaît lui avoir bien tenu les propos cités dans son livre » intitulé Les secrets de la justice internationale, Editions Duboiris, 480p. 20 euros.
Comment Paul Kagame a saboté le travail de Carla del Ponte
Dans une interview au quotidien italien La Republica, Carla del Ponte dira avoir été menacée pour ses enquêtes au TPIR par le chef de l’Etat rwandais. Interrogée sur le malaise et la nervosité de Kagame à propos des crimes commis par l’APR, qu’il dirigeait en 1994, Carla del Ponte nous a raconté :
« Lorsque nous avons commencé à mener nos enquêtes sur l’APR, nous nous sommes demandé s’il était nécessaire d’informer le gouvernement du Rwanda. Après réflexion, nous avons décidé qu’il fallait non seulement avertir le gouvernement de nos investigations mais qu’il fallait surtout essayer d’obtenir sa collaboration dans ces investigations. J’ai donc décidé de rencontrer le président Kagame à ce propos. […] Je dois préciser que nous avions identifié treize sites correspondant à des lieux où des crimes avaient été commis par l’APR. Parmi ces sites, nous avons choisi de travailler sur deux sites importants où nous avions recueilli le plus d’indices concrets et d’éléments de preuve.
Lors de notre première rencontre, le président Kagame m’a assurée de sa coopération en me disant qu’il demanderait à l’auditeur militaire de coopérer avec nous. A mon grand étonnement, lorsque j’ai rencontré l’auditeur militaire, il semblait me dire qu’il n’était pas sûr que le président Kagame avait vraiment accepté une quelconque coopération avec le TPIR à propos de nos enquêtes portant sur l’APR. Après plusieurs mois de silence, je suis repartie à Kigali pour rencontrer le président Kagame. Je me souviens bien qu’il avait demandé à l’auditeur militaire d’être présent à notre entretien. Le procureur rwandais M. Gahima était également venu. J’ai à nouveau fait état du manque de coopération du Rwanda par l’intermédiaire de l’auditeur militaire à nos enquêtes sur l’APR.
Dans une attitude assez catégorique, le président Kagame a dit à la fois à l’auditeur militaire et au procureur Gahima de coopérer avec le TPIR. En sortant de cette rencontre, je croyais que les obstacles étaient levés. J’avais même envoyé une requête écrite à l’auditeur militaire. Malheureusement, il n’y a plus eu de suite. Nous avons naturellement continué nos enquêtes à l’étranger.
J’ai recueilli des preuves suffisantes sur les crimes commis par l’APR mais j’avais aussi besoin de poursuivre mes investigations sur le territoire rwandais. J’ai donc demandé une troisième rencontre avec le président Kagame. Lors de cette nouvelle entrevue, son attitude a complètement changé. Il m’a clairement dit que ce n’était pas ma tâche de conduire les enquêtes sur l’APR.
Il a souligné que de telles enquêtes relèvent plutôt de la compétence des autorités rwandaises et pas du TPIR. Il me dira donc d’abandonner ce travail. Je lui ai néanmoins rappelé que le TPIR est indépendant et que si les enquêtes sur l’APR relevaient vraiment de la juridiction nationale rwandaise, je n’avais pas de preuve que la moindre enquête avait été menée jusque-là sur l’APR.
Par conséquent, je réaffirmai mon intention de continuer à enquêter sur l’APR ».
Dès cet instant, Carla del Ponte devient l’ennemie jurée du chef de l’Etat rwandais. L’entêtement du procureur à conduire un travail impartial sera perçu comme un défi, un affront insupportable à celui qui n’a jamais hésité à faire assassiner ou à emprisonner ceux qui lui tiennent tête. […] Comment les ennemis de Carla del Ponte vont-ils se manifester ? Le procureur raconte ainsi les premiers coups tordus de Kigali :
« Je me souviens bien qu’on a immédiatement commencé à avoir des problèmes dans nos procès à Arusha. Nos témoins ne pouvaient plus venir du Rwanda, certaines lois ont été modifiées par le gouvernement rwandais. Les difficultés devenaient trop nombreuses. Naturellement, personne ne m’a dit que c’était à cause des enquêtes spéciales contre l’APR. J’ai quand même bien compris qu’elles jouaient évidemment un rôle non négligeable dans tout ce qui nous arrivait. Comme les ennuis s’accumulaient et que la situation ne se débloquait pas, j’ai dit à la présidente du TPIR, Mme Nevanethem Pillay qu’il devenait urgent d’aller devant le Conseil de sécurité pour expliquer la situation ». Kofi Annan a empêché Carla del Ponte de poursuivre les criminels du FPR La Suissesse avait mis la main sur un autre dossier gênant qui montre indiscutablement que les extrémistes tutsi de l’APR ont commis des crimes atroces au cours de l’année 1994. Ce dossier communément appelé « rapport Gersony » a été rédigé par un expert américain mandaté par l’ONU. Une fois achevé, ce rapport a été remarquablement étouffé par le gouvernement Clinton. […] Soucieux d’en savoir davantage sur le rapport Gersony et sur l’étrange comportement de l’ONU et des Etats-Unis devant les crimes contre l’humanité commis en 1994 par l’APR, nous avons demandé des détails à Mme Carla del Ponte. Son témoignage est stupéfiant :
« Ce que je peux dire est que le fameux rapport Gersony est très important. Nous l’avons retrouvé et il est aujourd’hui dans les dossiers du TPIR. Il y a tout de même une lettre de quelqu’un qui nous a fait croire que ce rapport n’avait jamais existé. Nous avions surtout retrouvé M. Gersony, l’auteur dudit rapport. Il nous avait avoué que son rapport existait bel et bien.
Un jour, nous avons reçu un document expurgé qu’on nous a présenté comme étant le rapport Gersony. Nous avons finalement interrogé M. Gersony. Il était prêt à répondre à nos questions, mais il lui fallait une autorisation de l’ONU. L’ONU lui a malgré tout refusé l’autorisation de nous parler. Nous avons tout fait pour obtenir le droit d’entendre M. Gersony. On nous a dit non. J’en ai parlé personnellement au Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Mais il n’y avait rien à faire. C’était non !
Comment comprendre que c’est l’ONU qui refuse que le TPIR recueille le témoignage d’un homme qui a enquêté sur les crimes de l’APR en 1994 ? ».
En définitive, rien ne justifie l’absence de l’APR dans le box des accusés du TPIR. Accusée par Kagame de « mettre sur un même pied d’égalité les présumés génocidaires et les gens qui ont arrêté le génocide » par le ministre rwandais de la Justice, M. Jean de Dieu Mucyo, Carla del Ponte précise :
« Vous savez, Kagame a aussi dit cela à maintes reprises. Il me l’a d’ailleurs répété. En réalité, je ne suis pas là pour faire une évaluation politique. Je ne mets personne sur le même niveau. Je travaille sur la responsabilité personnelle et je traduis en justice ceux contre qui j’ai des preuves. Mais, enfin, qu’est-ce que ça veut dire mettre ‘‘sur le même pied d’égalité ?’’. Je n’ai jamais compris ce que cela signifie vraiment. Car le mandat du Conseil de sécurité ne fait pas de distinction entre les criminels. Ce mandat n’a jamais dit qu’il fallait mettre en accusation seulement les Hutu pour le génocide du Rwanda. Le mandat dit clairement que chaque Rwandais coupable de crime en 1994 doit être poursuivi par la justice internationale. Les preuves que j’ai recueillies sur l’APR ont été remises à mon successeur, le nouveau procureur Hassan Bubacar Jallow. C’est à lui de continuer le travail »1.
A vrai dire, le procureur gambien, Hassan Bubacar Jallow, n’a pas été nommé pour poursuivre le travail initié par Carla del Ponte, même s’il voulait donner l’impression qu’il était ouvert à tout dialogue. Le 17 janvier au cours d’un entretien à Radio France Internationale, il n’a pas hésité à dire que son mandat ne lui permettait pas d’engager des poursuites contre l’APR. Sa position est donc claire …et l’ONU laisse faire.
Le rapport de la CIA qui accuse la France dans l’attentat du 6 avril 1994
Voici comment la CIA a remis un rapport erroné à l’ancien Premier ministre Jean Kambanda pour brouiller les pistes et compromettre la France dans un attentat terroriste. C’est en novembre 1994, lorsque le gouvernement intérimaire prend le chemin de l’exil vers l’Est du Zaïre, que des agents de la CIA entrent en contact avec l’ambassadeur du Rwanda à Ottawa (Canada), le docteur Ségasayo. Ils lui demandent de servir d’intermédiaire entre eux et Jean Kambanda. Ils savent que l’ambassadeur rwandais est très proche du Premier ministre et qu’il facilitera la prise de contact. L’accès à Jean Kambanda ne se fait cependant pas sans difficulté car il se trouve dans les camps de réfugiés installés à Bukavu, dans le sud-Kivu (Est du Zaïre). Les agents de la CIA se font alors passer pour des hommes d’affaires américains qui veulent organiser un voyage avec le Premier ministre rwandais aux Etats-Unis. […]
Jean Kambanda se résout à effectuer le voyage non sans se demander pourquoi tant d’attention à son égard et surtout pour son pays, que l’on vient d’abandonner à la folie génocidaire. Lorsqu’il arrive à Nairobi, les agents de la CIA lui présentent une série de documents dans lesquels on trouve un rapport intitulé : Résultats de l’enquête sur l’assassinat des présidents Cyprien Ntaryamira du Burundi et Juvénal Habyarimana du Rwanda, le 6 avril 1994. […] Une chose est aujourd’hui sûre : ce rapport, venant d’une agence canadienne dénommée ISTO (International Strategical and Tactical Organization) et travaillant pour le compte de la CIA, est un faux. C’est un modèle du genre comme savent en fabriquer les services de renseignements de tous les pays. Quelques noms connus, un scénario invraisemblable, des événements et des dates imaginaires, mêlés à une logique apparente. Juste ce qu’il faut pour laisser croire à l’ancien Premier ministre rwandais qu’il détient un scoop. C’est ainsi que la conviction de Jean Kambanda sera faite, que les Français ont préparé l’attentat terroriste avec Kagame contre Juvénal Habyarimana. Il y a aussi, dans les valises des agents de la CIA, un dossier politique qui affirme que seuls les anciens pays colonisateurs sont responsables des conflits et de la dérive du continent africain. Le dossier souligne que les Etats-Unis, qui n’ont jamais eu de colonies sont seuls capables de sauver l’Afrique de l’abîme colonial. Il conclut que le FPR, pas très apprécié de la population hutu, n’est pas la solution ni à court, ni à moyen, et encore moins à long terme pour le Rwanda. En conséquence, les Etats-Unis, qui ont des intérêts immédiats à défendre dans la région, préfèrent nouer des liens profonds et rapides avec les Hutu, et précisément avec le gouvernement intérimaire en exil. Le discours des agents de la CIA, tissé sur mesure, est suffisamment éloquent pour persuader Jean Kambanda d’envisager un voyage aux Etats-Unis.
La bombe qui sème la panique à l’ONU et au TPIR
Selon l’enquête de Charles ONANAL’ONU n’a aucun fax du général Dallaire sur la planification du génocide
L’histoire commence le 10 janvier 1994 lorsque ce fameux Jean-Pierre rencontre le colonel Luc Marchal, commandant belge du secteur Kigali, et lui raconte qu’il est membre de la sécurité présidentielle d’Habyarimana, responsable de l’entraînement des miliciens hutu et membre de l’état-major des FAR. C’est sur la base de ces affirmations qu’il aurait été pris pour un informateur crédible et digne de foi par le général Dallaire. C’est aussi après les confidences de Jean-Pierre au colonel Marchal que le général Dallaire aurait acquis la certitude que les Hutu avaient planifié depuis un moment un génocide contre les Tutsi. A l’issue de cette rencontre, le général Dallaire aurait donc pris la décision d’alerter les Nations Unies d’un plan des Hutu visant à éliminer méthodiquement tous leurs compatriotes tutsi. Ce message de Dallaire est devenu la preuve qu’évoquent tous les experts et les journalistes sur « la planification du génocide ». Que disent donc les faits ? […]
En juin 2003, un avocat canadien, Me André Tremblay, commis à la défense d’un officier rwandais réputé être un des cerveaux de la « planification du génocide » dans le procès des militaires, veut retrouver l’original de ce fax. Il reçoit une réponse étonnante de l’assistant du Secrétaire général de l’ONU, Ralph Zacklin : « Nous avons mené une large recherche dans les archives de l’ONU pour retrouver à la fois l’original du document qui avait été signé par le général Dallaire et transmis de Kigali ainsi que l’original de la transmission qui avait été reçu à New York. Nous regrettons de devoir vous informer que ni l’un ni l’autre de ces documents originaux n’ont été retrouvés ».
Dallaire a-t-il donc réellement envoyé un fax sur « le plan d’extermination des Tutsi » le 11 janvier 1994 à l’ONU ? […]
Après le départ de Jacques-Roger Booh Booh en juin 1994, son successeur, M. Shaharyar Kahn, réagit aux vives attaques des autorités rwandaises qui accusent l’ONU de n’avoir rien fait pour empêcher le génocide alors qu’elle avait été alertée dès janvier 1994 par le fax du général Dallaire. […]. Voulant comprendre ce qui s’est réellement passé, M. Kahn diligente donc une enquête interne et demande la vérification de tous les télégrammes, fax, et autres correspondances échangés entre Kigali et New York. Il veut savoir si le prétendu fax alarmant du général Dallaire a été négligé. Il cherche surtout à savoir comment une information aussi importante qu’une « planification de génocide » a pu échapper à l’attention de tous les fonctionnaires de l’ONU. Il crée donc une commission d’enquête composée de trois officiers supérieurs. Le 9 novembre 1995, une note de l’un de ces officiers, le colonel J Fletcher, au représentant spécial du Secrétaire général, détaille tous les câbles de Dallaire à l’ONU depuis décembre 1993 […]. Le 20 novembre 1995, M. Kahn rend à son tour son rapport, non seulement sur le fax de Dallaire mais aussi sur la planification du génocide :
« Shaharyar Khan aux Nations Unies, New YorkObjet : mises en gardes de la MINUAR contre le génocide
Durant la récente conférence sur le génocide, les officiels rwandais en arrivèrent une nouvelle fois à la conclusion que les mises en garde du FPR sur un génocide planifié de longue date par le précédent gouvernement avaient été, soit supprimées [par le représentant spécial du Secrétaire général Booh Booh] soit négligées [au siège des Nations Unies après les rapports du général Dallaire]. Les accusations sont faites contre l’ONU, la MINUAR et les principales puissances notamment la Belgique.
J’ai nommé un comité constitué du colonel Fletcher, de monsieur Tikoca qui était l’observateur militaire en chef et présent au Rwanda durant la période et de Isel Rivero qui s’occupait du Rwanda à partir du siège des Nations Unies à cette époque. Les conclusions de ce comité sont jointes. Elles confirment le constat selon lequel il n’y a eu aucune information ni indication d’un génocide planifié. Il y a eu, bien sûr, des mises en garde contre des affrontements armés, de la violence et des tueries pour des raisons ethniques.
La note jointe avec les télégrammes vous est envoyée pour des informations sur le climat politique ».
Ce document est une véritable bombe au sein même de l’ONU. Tout le monde s’est assis sur ce rapport car l’on avait déjà diffusé partout que la tragédie du Rwanda était un « génocide planifié » et qu’un tribunal international était créé à cet effet. Acculé dans la présentation de preuves sur la « planification du génocide » et sur l’authenticité de son fax, le général Dallaire peine. Le TPIR aussi. Huit jours après les conclusions de M. Kahn, le fameux fax de Dallaire est mystérieusement introduit au département des opérations de maintien de la paix alors dirigé par Kofi Annan. Il viendrait d’une obscure ONG britannique dénommée Connaughton Camberley Surrey. Cette organisation aurait envoyé ce document le 27 novembre 1995 à partir du numéro 0127625210 à 20h16. L’objectif était probablement d’insérer le pseudo fax du 11 janvier 1994 dans les archives des Nations Unies un an après les événements du Rwanda et de valider ainsi la thèse d’un « génocide planifié ». L’administration onusienne va repérer ce fax douteux. Une note d’un employé de l’ONU affirme : Ce câble n’a pas été retrouvé dans les archives du département des opérations de maintien de la paix. La présente copie a été introduite aux archives le 28 novembre 1995.

Sunday, January 15, 2006

Mu Rwanda Muri Kaminuza i Butare iyo Bijuse Barakina


Ikibazo cy'Inda z'Indaro Muri Kaminuza i Butare Cyarahagurukiwe

Jeanne D'Arc Umwana

Kigali13/01/2006


Inda z’indaro zari zimaze kuba akarande muri kaminuza y’u Rwanda i Butare, UNR. Ni muri urwo rwego mu mwaka w’amashuri 2006, hafashwe ingamba zo kurwanya icyo cyorezo cy’inda z’indaro muri iyo kaminuza.

Kubona bourse yo kwiga muri kaminuza y’u Rwanda i Butare k’umwana w’umukobwa, byari bisigaye bitera impungenge ababyeyi. Ntibatekerezaga ku myigire ye, ahubwo batangiraga kwibaza ukuntu azagaruka abazaniye umwuzukuru.

Ibibazo umwana w’umukobwa ahura na byo muri kaminuza y’u rwanda biboneka cyane mu gihe cy’itangira ry’amashuri, aho abahungu bari mu myaka mikuru birara mu bana b’abakobwa baje mu ishuri ry’indimi, EPLM ; bakitwaza kubasobanurira, kubashakira amacumbi, bakabafatirana bakabashobora mu busambanyi bikabaviramo gutwara inda z’indaro no kwandura icyorezo cya sida.

Ingamba zarafashwe

Uwambaza Chantali, komiseri wa gender mu muryango rusange w’abanyeshuri ba kaminuza y’u rwanda , AGEUNR yatangarije Ijwi ry’Amerika ko bafatanije n’umuryango w’abari n’abategarugori muri kaminuza, UWASA, basabye ko abakobwa bose baza mu ishuri ry’indimi, EPLM, bahabwa amacumbi muri kaminuza. Ibyo byatangiranye n’umwaka w’amashuri 2006.

Uwambaza yakomeje atubwira ko kuba hanze kw’abana b’abakobwa baba bataramenyera neza kaminuza ari kimwe mu byabagwishaga mu busambanyi bigatuma batwara inda z’indaro. Ngo ikizere kirahari ko muri uyu mwaka inda z’indaro zizagabanuka muri kaminuza bikazaba byiza nta n’umwe uyitwaye.

Amahugurwa ku byerekeye ubuzima bw’imyororokere nayo azakoreshwa ndetse n’udukingirizo dukomeze gutangwa mu macumbi y’abanyeshuri yose.

Umubare w’abakobwa batwara amada y’indaro muri kaminuza y’u Rwanda buri mwaka ungana na 12 ku 100 y’abakobwa bose.

Central Africa News Summary - VOAnews.com/centralafrica

Kuvugurura Itegeko-Nshinga Byateje Icyuho mu Bucamanza
Bamwe baribaza igituma abadepite batarabutswe icyo kibazo
Aloys Rubuka Yatorewe Kuyobora UPRONA
Yungirijwe n'Antoine Cishahayo
Abana Batsindira Amashuri Ya Leta Baracyari Bacyeya Cyane
Munsi ya 25% ni bo batsindira ayo mashuri
Ikibazo cy'Inda z'Indaro Muri Kaminuza i Butare Cyarahagurukiwe
Ubu abatangira bemerewe amacumbi muri campus.

La tolerance comme devoir: Le «Schindler du Rwanda» Paul Rusesabagina à l'Université Concordia

Génocide rwandais

La tolérance comme devoir
Mise à jour le mercredi 11 janvier 2006, 15 h 37 .


Paul Rusesabagina
L'Université Concordia reçoit ce soir la visite de Paul Rusesabagina, connu pour son action héroïque lors du génocide rwandais de 1994.
L'ex-directeur de l'Hôtel des Mille Collines à Kigali, à qui plus de 1200 Hutus et Tutsis confondus doivent leur vie, y prononcera une conférence à l'invitation de la toute nouvelle organisation Students helping others understand tolerance (SHOUT), qui vient d'y élire domicile.
L'organisation, mise sur pied il y a à peine quelques mois, se voue à la promotion de la tolérance. Ses initiateurs espèrent que la présence, pour inaugurer ses activités, de celui qui a inspiré le film de Terry George, « Hôtel Rwanda », saura inspirer la communauté étudiante.
L'Université Concordia est connue pour ses débats et tensions entre étudiants d'origine juive et arabe. La relation entre ces deux groupes avait d'ailleurs dégénéré en violence lors d'une conférence de l'ancien premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en 2002. Les membres de SHOUT souhaitent d'ailleurs aborder éventuellement la question des relations judéo-arabes, mais aussi celle du génocide au Darfour.Dotée d'ambitions pancanadiennes, SHOUT a pris forme en mai 2005 à l'instigation d'un groupe d'étudiants canadiens invités en Pologne à l'occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz.
Radio-Canada - 11 jan 2006
L'Université Concordia reçoit ce soir la visite de Paul Rusesabagina, connu pour son action héroïque lors du génocide rwandais de 1994.

Le «Schindler du Rwanda» Paul Rusesabagina à Winnipeg


Génocide rwandais

L'homme qui a inspiré le film Hotel Rwanda à Winnipeg
Mise à jour le jeudi 12 janvier 2006, 16 h 11 .

Christian Butera veut que l'on se souvienne du génocide rwandais. Selon lui, il y a une leçon à retenir, une leçon d'humanité.

Paul RusesabaginaCette leçon, elle est racontée dans le film Hotel Rwanda. Christian a organisé un visionnement pour les étudiants de son université, suivi d'une rencontre avec l'homme qui a inspiré le film : Paul Rusesabagina, le gérant de l'Hôtel des Milles Collines, à Kigali, qui a sauvé la vie de plus d'un millier de Rwandais en les accueillant dans son hôtel.

Christian Butera, survivant, génocide rwandaisChristian n'était qu'un enfant en 1994, quand des extrémistes hutus se sont mis à tuer les habitants tutsis. Il a dû rester caché pendant quatre mois pour éviter la mort. Une grande partie des membres de sa famille ont été tués.« Mon propre père, mon grand-père, mes tantes, mes cousins, cousines presque une centaine. Même perdre une personne dans ta famille, c'est plus qu'on peut supporter. Une personne perdue, c'est une personne de trop. »Une de ses tantes a été sauvée par Rusesabagina, qui l'a abritée dans son hôtel. Christian espère que cet homme qui a risqué sa vie pour en sauver d'autres saura faire réfléchir. Au moins 900 personnes étaient attendues lundi soir.

Mylène Crête s'est entretenue avec Christian Butera, un survivant du génocide, avant la rencontre

L'homme qui a inspiré le film Hotel Rwanda à Winnipeg

Radio-Canada - 10 jan 2006

Christian Butera veut que l'on se souvienne du génocide rwandais. Selon lui, il ya une leçon à retenir, une leçon d'humanité.

Paul Rusesabagina -le «Schindler du Rwanda»- interpelle le Canada

Le jeudi 12 janvier 2006
L'HOMME QUI A INSPIRÉ LE FILM HÔTEL RWANDA CRAINT DE NOUVEAUX GÉNOCIDES

Paul Rusesabagina, le «Schindler du Rwanda», interpelle le Canada
Laura-Julie Perreault

Depuis que le film à succès Hôtel Rwanda a révélé au monde ses actes héroïques pendant le génocide du Rwanda, l'ancien gérant de l'hôtel des Mille Collines, Paul Rusesabagina, a fait le tour du monde 10 fois. Mais hier, à Montréal, il déplorait que ses appels à l'aide pour l'Afrique restent sans réponse. Notamment au Canada.
«Je ne suis pas satisfait. Le Canada pourrait faire beaucoup plus au Darfour et dans le nord de l'Ouganda», a dit hier celui qui a été surnommé le Schindler du Rwanda.
L'homme de 50 ans craint que le cauchemar qu'il a vécu il y a 11 ans se répète dans un autre pays d'Afrique si la communauté internationale continue à faire la sourde oreille.

Pendant le génocide du Rwanda de 1994, ce gérant d'hôtel hutu a réussi à sauver la vie à 1200 personnes -des Tutsis et des Hutus modérés- qu'il a hébergées dans l'établissement dont il avait la responsabilité. Pendant que 800000 Rwandais trouvaient la mort aux mains de groupes d'Hutus extrémistes et de civils enivrés par la folie meurtrière, Paul Rusesabagina a usé de tous les stratagèmes pour garder ses «invités» en vie. Pots-de-vin, ruses, appels à des politiciens européens: il n'a lésiné sur rien.
Il dit avoir gardé des liens forts avec ceux qu'il a arrachés à une mort atroce. «Certains d'entre eux sont aujourd'hui premier ministre, ministre», notait-il hier.
Des souvenirs qui hantent
Mais Paul Rusesabagina a gardé surtout de noirs souvenirs des 100 jours qu'a duré le génocide dans son pays. Il n'oubliera jamais le jour où les étrangers qui vivaient au Rwanda ont été évacués «avec leurs chats et leurs chiens» alors que les Rwandais étaient abandonnés à leur sort. Quelques jours plus tard, c'était au tour du général canadien Roméo Dallaire et de la minuscule force de l'ONU qu'il commandait d'abandonner la bataille. «Dallaire était un bon humanitaire à qui on n'a pas donné les moyens pour accomplir une tâche», a commenté hier Paul Rusesabagina. Les deux hommes sont restés en bons termes. Ils devaient d'ailleurs déjeuner ensemble cette semaine à Denver, au Colorado, mais un empêchement de dernière minute les a forcés à annuler leur rendez-vous.
Honneurs et exil
Depuis les jours lugubres de 1994, Paul Rusesabagina et sa famille se sont refait une vie en Belgique. L'ancien gérant est aujourd'hui à la tête d'une compagnie de transport. En plus d'avoir vu sa vie portée au grand écran, l'ancien gérant d'hôtel a été décoré à maintes reprises pour son exploit. Il dirige aussi une organisation qui vient en aide aux orphelins ainsi qu'aux femmes victimes d'agressions sexuelles au Rwanda et consacre beaucoup de son temps à parler de son Afrique natale à l'étranger. Hier, il faisait un arrêt à l'Université Concordia, à l'invitation de groupes étudiants.
Malheureusement, La Presse n'a pas pu assister au discours de M. Rusesabagina. Les organisateurs n'avaient réservé des places qu'à deux médias anglophones.
Cyberpresse - 12 jan 2006Depuis que le film à succès Hôtel Rwanda a révélé au monde ses actes héroïques pendant le génocide du Rwanda, l'ancien gérant de l'hôtel des Mille ...

Blancs menteurs se disputent sur le génocide du Rwanda de 1994

Point de vue
Ce qui a manqué à l'opération "Turquoise", par Patrick May
LE MONDE 12.01.06 13h43 • Mis à jour le 12.01.06 13h43

Le général Jean-Claude Lafourcade signe dans Le Monde du 5 janvier une défense des soldats de l'opération "Turquoise" au Rwanda en 1994, dont il était le commandant. Le général ne se trompe pas de cible, il se trompe de combat. Sans doute, l'opération "Turquoise" ne fut pas parfaite et elle a comporté des lacunes, comme l'affaire de Bisesero entre les 27 et 29 juin 1994, où des Tutsis sont morts faute d'un secours des Français, pourtant informés du danger qu'ils couraient. On peut deviner que ce n'est pas le seul endroit du Rwanda où l'armée française a fait preuve d'un manque de rigueur. Ce qui ne veut pas dire "complicité de génocide", sauf si l'on devait découvrir que c'est sciemment que les Français ont abandonné les Tutsis de Bisesero. L'honneur des soldats français n'est donc pas, dans l'état actuel du dossier, à mettre en cause ici.

En revanche, ce que le général omet de dire, lorsqu'il cite les faits, c'est que la France a voté le 21 avril 1994 la résolution 912 du Conseil de sécurité des Nations unies, préconisant le retrait des casques bleus du Rwanda, s'alignant ainsi sur la lâcheté de la Belgique et des Nations unies et abandonnant les Tutsis à leurs bourreaux. Alors, un procès des défaillances de l'ONU et de ses responsables, comme le suggère le général ? Oui, si l'on inclut la France dans ces derniers.

Ce que le général omet également de dire, c'est que l'opération "Turquoise" fut décidée en fin de génocide, dans la troisième semaine de juin 1994, lorsqu'il est apparu que le FPR, contrairement à toutes les prévisions, pourrait gagner la guerre (l'aéroport de Kigali était tombé depuis un mois).

Ce que le général omet encore de dire, c'est que la France avait un passé chargé de coopération militaire avec le régime d'Habyarimana, lequel a imaginé, organisé et préparé le génocide des Tutsis. Dans ces conditions, l'ambiguïté de l'opération "Turquoise" était patente.

Alors, venir affirmer que "seule la France a eu la volonté politique et militaire d'intervenir pour arrêter les massacres" relève de la farce de mauvais goût. Sans doute le général et ses soldats étaient-ils sensibilisés par le drame des Tutsis, mais il n'est pas crédible que la diplomatie française l'ait été. Laisser faire un génocide pendant deux mois et demi après avoir retiré les casques bleus et s'arroger les lauriers de la sensibilité humanitaire parce que l'on a monté tardivement une opération tampon entre belligérants, quoi de plus cynique ? On peut certes, avec Hubert Védrine, refuser de croire que la France ait eu la moindre intention de soutenir le génocide des Tutsis, mais elle a soutenu des gens qui l'ont orchestré, même si elle a exhorté — vox clamans in deserto — le régime Habyarimana à s'ouvrir à la démocratie.

Le devoir de la France, depuis la création de la Radio-télévision libre des mille collines, la radio de haine anti-Tutsis du pouvoir, au printemps 1993, soit un an avant le génocide, aurait été d'avoir la lucidité de comprendre que le régime Habyarimana était sur le point de commettre l'irréparable et d'essayer de s'y opposer. Ce qu'elle n'a pas fait — pas plus que quiconque — alors qu'elle était la nation la mieux placée à l'époque au Rwanda pour le faire. (D'après certains témoins, elle aurait même fait le contraire, équipant les FAR longtemps après le début du génocide, faits qui ne sont pas absolument établis mais sur lesquels la France ne s'est jamais expliquée.)

Si la France avait eu des préoccupations humanitaires, elle aurait mis son veto à la résolution 912 et, le cas échéant, aurait monté son opération "Turquoise" fin avril et non fin juin. En mélangeant diplomatie et action militaire, le général Lafourcade espère peut-être atténuer, par la vertu de ses soldats, la responsabilité de la France politique dans les événements tragiques du Rwanda en 1994.

Patrick May est le coauteur, avec Yolande Mukagasana, de La mort ne veut pas de moi (éd. Fixot, 1997).

PATRICK MAY
Le Monde - 12 jan 2006Le général Jean-Claude Lafourcade signe dans Le Monde du 5 janvier une défense des soldats de l'opération "Turquoise" au Rwanda en 1994, dont il était le ...
Article paru dans l'édition du 13.01.06

Genocide du Rwanda: Argent public canadien pour l'accusé Désiré Munyaneza

Le vendredi 13 janvier 2006

JUSTICE

De l'argent public pour un accusé
André Cédilot
La Presse

Accusé du premier procès à se tenir au Canada pour crimes contre l'humanité, le Rwandais Désiré Munyaneza obtiendra l'aide du gouvernement fédéral pour payer une partie de ses frais de défense. Selon une estimation sommaire, la facture pourrait atteindre 600000$.
Après l'avoir interrogé, ainsi que sa conjointe, hier, en Cour supérieure, les procureurs de la poursuite, Mes Richard Roy et Pascale Ledoux, ont convenu que Munyaneza n'avait pas les moyens financiers pour aller jusqu'au bout d'un procès aussi complexe. Comme ils ont peine à établir les sommes que la riche famille du prévenu est prête à mettre dans la cagnotte, les avocats du ministère public ont obtenu du juge James Brunton de poursuivre les négociations jusqu'à la mi-février. Une chose est déjà sûre: le ministère fédéral de la Justice n'entend pas payer seul toute la note. Devant le tribunal, ses avocats ont obtenu la promesse que Munyaneza et sa conjointe de Toronto contribueront aux frais de défense en puisant dans leurs économies. Au dernier décompte, le 9 novembre, le couple en exil disposait d'un peu plus de 40000$ en liquidités et autres placements.
Âgé de 38 ans, Munyaneza est emprisonné depuis son arrestation, le 19 octobre. Il fait face à sept chefs d'accusation - deux pour génocide, deux pour crimes contre l'humanité et trois pour crimes de guerre - en marge d'événements qui se sont déroulés en préfecture de Butare au Rwanda, entre le 1er avril et le 1er juillet 1994.

Selon les documents judiciaires, ses avocats, Laurence Cohen et Richard Perras, qui plaide déjà devant le Tribunal pénal international du Rwanda (TPIR), prévoient devoir consacrer de 700 à 1000 heures de travail pour le procès. À 250$ l'heure chacun, on parle d'honoraires de 350000 à 500000$. À cela s'ajoutent 100000$ pour les débours occasionnés par l'embauche d'enquêteurs, d'experts et d'interprètes. Ces coûts, précise-t-on, comprennent les énormes frais de séjour et de déplacement en Afrique et ailleurs dans le monde en vue de rencontrer des témoins susceptibles d'aider la défense. Mes Perras et Cohen n'écartent pas la possibilité de demander qu'une commission rogatoire soit constituée pour aller interroger des témoins à l'étranger. De son côté, la poursuite a déjà annoncé qu'elle allait présenter une requête pour que le tribunal aille en Afrique.
Une trentaine de témoins devraient être entendus durant le procès devant jury au Canada. On s'attend à ce que la poursuite prenne au moins un mois pour présenter sa preuve. S'il est reconnu coupable, Munyaneza pourrait écoper l'emprisonnement à perpétuité. Des experts de renommée internationale sur la question du génocide au Rwanda devraient témoigner. Une séance préparatoire au procès est prévue pour le 23 mars.
Cyberpresse - 13 jan 2006

Friday, January 13, 2006

Genocide du Rwanda: demande d'extradition du pretre catholique rwandais Wenceslas Munyeshyaka


Le prêtre catholique rwandais, l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, le 28 juin 1994 à Kigali

La justice rwandaise a demandé en décembre l'extradition d'un prêtre catholique rwandais, l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, exilé en France et soupçonné de participation au génocide de 1994 au Rwanda, a-t-on appris jeudi 12 janvier 2006 de source officielle rwandaise.

Génocide au Rwanda: Kigali demande l'extradition d'un prêtre exilé en France

KIGALI (AFP) - 12/01/2006 10h40 - La justice rwandaise a demandé en décembre l'extradition d'un prêtre catholique rwandais, l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, exilé en France et soupçonné de participation au génocide de 1994 au Rwanda, a-t-on appris jeudi de source officielle rwandaise.

Pendant le génocide, le prêtre, qui appartient à la communauté majoritaire hutue, était vicaire de la Sainte-Famille, une paroisse de la capitale Kigali où de nombreux Tutsis ont été tués en avril 1994.

"Nous avons lancé un mandat d'arrêt international contre lui en décembre (2005) pour qu'il soit extradé", a déclaré à l'AFP l'auditeur militaire général du Rwanda, le major Christophe Bizimungu, équivalent de procureur général au sein de la justice militaire rwandaise.

Il n'existe pas de traité d'extradition entre la France et le Rwanda, et, selon le parquet rwandais, la France n'a jamais extradé de personne recherchée par la justice rwandaise.

Le génocide de 1994 au Rwanda a fait, selon l'Onu, environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsie.

En cas d'extradition, le prêtre Munyeshyaka serait "jugé ici avec le général (rwandais Laurent) Munyakazi par le tribunal militaire", a ajouté le major Bizimungu.

Le général Munyakazi a été arrêté au Rwanda en septembre dernier, soupçonné de participation au génocide. Issu de l'ancienne armée rwandaise défaite en juillet 1994 et dont de nombreux éléments ont trempé dans le génocide, le général Munyakazi, un Hutu, avait rejoint la nouvelle armée nationale dans les mois qui ont suivi le génocide.

Il est notamment accusé d'avoir livré à des miliciens des Tutsis qui avaient trouvé refuge à la Sainte-Famille, alors qu'il était responsable de la sécurité à Kigali au sein de la gendarmerie.
"Munyeshyaka et Munyakazi ont collaboré de façon manifeste", a affirmé l'auditeur militaire, soulignant que "selon le code pénal rwandais, un civil accusé d'avoir commis un crime avec un militaire doit comparaître avec ce dernier devant une juridiction militaire".

Le procès du général Munyakazi devrait débuter "très prochainement", selon le major Bizimungu, qui n'a pas avancé de date.

Selon des témoignages de personnes qui s'étaient réfugiées dans l'église de la Sainte-Famille en avril 1994, l'abbé Munyeshyaka aurait aidé à la sélection de Tutsis à tuer. Il est aussi accusé d'avoir violé des femmes tutsies qui avaient cru trouver refuge auprès de lui.

Le rôle de l'Eglise, et notamment de l'Eglise catholique, dans le génocide de 1994 au Rwanda suscite de vives polémiques. Selon l'organisation non-gouvernementale African Rights, plus de Rwandais ont péri dans les paroisses (église et les bâtiments qui l'entourent) que partout ailleurs dans le pays.

Plusieurs hommes d'Eglise, tous rwandais, ont été poursuivis et jugés pour leur rôle présumé dans le génocide.

Genocide du Rwanda: une difficile vérité ( par André Guichaoua et Stephen Smith )

Rebonds

Les savoirs accumulés sur le génocide depuis 1994 semblent ne compter pour rien. Pourquoi ?

Rwanda, une difficile vérité

par André GUICHAOUA et Stephen SMITH
QUOTIDIEN : vendredi 13 janvier 2006

André Guichaoua est professeur à Paris-I, témoin-expert près le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Stephen Smith est journaliste indépendant, ­ ex-journaliste à «Libération»­, auteur de nombreux ouvrages sur l'Afrique.

La polémique qu'a suscitée la publication de l'ouvrage de Pierre Péan (1) et la quasi-absence de débats autour du livre du lieutenant Ruzibiza (2) obligent à un constat d'échec : le rôle joué par la France au Rwanda continue d'éclipser la recherche de la vérité sur le génocide de 1994 ; à en juger par le mépris dans lequel sont tenus les faits, cette vérité n'intéresse pas. C'est notamment le cas pour ce qui est révélé par des Rwandais eux-mêmes, au péril de leur vie.

Rien de plus légitime que de s'interroger sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda. En 1998, une mission d'information parlementaire a tenté de faire la lumière sur l'implication française. Le dossier n'est pas clos. Actuellement, la justice militaire est saisie des plaintes de deux Rwandais qui affirment que l'armée française s'est compromise dans les tueries de 1994. En attendant l'issue de cette procédure, est-il nécessaire d'instruire des procès d'intention ? A ce jour, aucune preuve n'a été apportée d'une «complicité de génocide» de la France, si l'on entend par là le consentement de l'Etat français à l'extermination des Tutsis ou, à plus forte raison, sa participation à leur éradication. Cependant, imprescriptible à l'instar du crime, la question reste ouverte.

Le génocide commis au Rwanda, jusqu'à preuve du contraire par des Rwandais, n'est pas un jeu de miroirs franco-français. Prétendre le contraire serait indécent à l'égard des victimes. Or, en ce sens, la réception du livre de Pierre Péan a été, à peu d'exceptions près, malhonnête. N'eût-il pas suffi de relever ses erreurs factuelles et ses dérives «ethnicistes» ? De dire que l'enquête était menée à charge, sans accorder un droit de réponse aux personnes mises en cause, du président rwandais Paul Kagamé ­ dépeint en Führer noir ­ aux «Blancs menteurs» que seraient des dirigeants d'associations, des chercheurs ou des journalistes ? Mais ce sont ces derniers qui, sans dire qu'ils étaient mis en cause, et pour quels faits précis, ont jeté l'anathème sur le livre de Péan.

Ce ne serait que bûcher de vanités si, ce faisant, ils n'avaient pas aussi jeté dans les flammes de leur amour-propre blessé des informations qui dérangent leurs certitudes. En voici deux exemples.

­ Le journaliste rwandais Janvier Afrika, qui avait révélé l'existence d'une structure de planification des massacres antitutsis à la présidence rwandaise, du vivant de Juvénal Habyarimana, s'est rétracté depuis en affirmant avoir livré son (faux) témoignage sur le Réseau zéro à l'instigation du Front patriotique rwandais (FPR), l'ex-mouvement rebelle qui est depuis 1994 au pouvoir à Kigali. Rien ne prouve que Janvier Afrika dise aujourd'hui la vérité après avoir, hier, menti. Mais pour élucider la planification du génocide, et le rôle qu'y a joué l'ancien président rwandais, il faudrait que Janvier Afrika soit entendu par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Qui le réclame ?

­ Membre de la commission internationale qui a enquêté en janvier 1993 sur les pogromes antitutsis au Rwanda, Jean Carbonare avait recueilli le témoignage de Janvier Afrika. A son retour à Paris, invité du 20 heures de France 2, il avait accusé le gouvernement français d'être «complice» d'un génocide en préparation. En même temps qu'il présidait l'association Survie, qui n'a cessé de développer le thème de la «complicité» de la France depuis 1994, Jean Carbonare est entré dans les services du général Kagamé comme conseiller à la présidence à Kigali, après le changement de régime. Où l'a-t-on lu, sinon chez Péan ?

Ces «détails» n'auraient donc pas d'importance, pas plus que les informations puisées par Péan dans les archives de l'Elysée ou sa contre-enquête sur l'action de l'armée française à Bisesero, où elle aurait commis l'Inavouable (3) pendant l'«opération Turquoise». Comme n'aurait pas d'importance de savoir qui, le 6 avril 1994, a abattu d'un missile l'avion du président Habyarimana, tuant celui-ci et le chef de l'Etat du Burundi voisin, qui voyageait à bord du même appareil.

On est prié de ne pas faire le rapprochement avec le Liban, où les Nations unies enquêtent pour élucider l'attentat contre Rafic Hariri : d'un côté, l'ancien Premier ministre libanais et, de l'autre, deux chefs d'Etat africains dont l'assassinat a été l'événement déclencheur d'un génocide ayant fait autour de 1 million de victimes...

La responsabilité pour l'attentat du 6 avril 1994 ne saurait se confondre avec la responsabilité pour la tuerie de masse qui a suivi et qui était programmée de longue date. Mais, précisément, compte tenu des préparatifs en cours, qui pouvait ignorer, dans le climat de haute tension régnant en 1994 à Kigali, que l'assassinat du président hutu allait déclencher des massacres de Tutsis à grande échelle ? L'ONU n'est pas seule à ne pas vouloir savoir qui, en connaissance de cause, a pris le risque de sacrifier les «Tutsis de l'intérieur», ceux de la minorité ethnique qui étaient restés au pays après la prise de pouvoir des leaders hutus en 1959.

En 1994, quand la quasi-totalité des médias avait épousé la thèse selon laquelle des Hutus extrémistes se seraient débarrassés d'un Habyarimana trop «modéré» (alors qu'il était en même temps accusé de diriger le Réseau zéro), il y avait des excuses. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Publié un mois avant le livre de Péan, le «journal de campagne» d'un ex-soldat du FPR, le lieutenant Ruzibiza, retrace de 1990 jusqu'en 2001 ­ quand l'auteur a fait défection et s'est exilé en Europe ­ l'arrivée au pouvoir du FPR, puis l'établissement du nouveau régime. Le fil conducteur du récit est la politique de terreur du général Kagamé, avant, pendant et après le génocide. Une terreur telle que le lieutenant Ruzibiza, dont la famille a été exterminée en 1994, lui impute la responsabilité d'un autre «génocide» dont auraient été victimes les Hutus. Ayant fait partie du «Network Commando» du FPR chargé d'abattre l'avion de Juvénal Habyarimana, le lieutenant Ruzibiza raconte dans le détail l'attentat du 6 avril 1994, cet exploit qui a valu à ses auteurs d'être considérés comme des «héros» au sein du mouvement rebelle.

De deux choses l'une : soit ce récit est une affabulation révisionniste, et il mériterait d'être dénoncé comme tel (en même temps que les deux chercheurs spécialistes du Rwanda qui l'ont cautionné) ; soit le livre du lieutenant Ruzibiza vient corroborer tout un faisceau d'indices et de témoignages concordants ­ et alors il devrait aussi porter à conséquence.

L'ensemble des savoirs accumulés depuis dix ans ne semble compter pour rien, n'est pas crédible ou cru. Pourquoi ? Le TPIR illustre cette obstruction à la vérité, qui est aussi un déni de justice. La source d'où devaient jaillir le «vrai» et le «juste» est empoisonnée.

Un exemple : en février 2002, un groupe d'officiers supérieurs de l'ancienne armée rwandaise, les rares dont la conduite devant le génocide avait été irréprochable, accepte de collaborer avec le TPIR. Mais, en deux ans, ces témoins précieux sont réduits au silence de diverses manières, jusqu'à la «disparition» de l'un d'eux.

Le FPR ne veut pas que ces officiers, issus de l'armée vaincue qu'il lui importe de diaboliser, puissent déposer sur les crimes de génocide, au risque de révéler ultérieurement aussi les exactions à grande échelle commises par l'ex-mouvement rebelle.

Parallèlement, le FPR a neutralisé les «enquêtes spéciales» du TPIR, qui devaient précisément porter sur les crimes du camp vainqueur et l'attentat du 6 avril 1994. Après le refus de toute investigation exprimé le 28 juillet 2002 par le général Kagamé, ces enquêtes ont été abandonnées en septembre 2002 sur décision du procureur, alors Carla Del Ponte.

L'impunité accordée aux autorités aujourd'hui au pouvoir à Kigali, au nom de la monstruosité du génocide dont s'est rendu coupable le précédent régime, renforce le refus de vérité du général-président Kagamé.

Or, la version officielle de l'histoire rwandaise, celle du combat mené par «les plus anciens réfugiés de la planète», qui, chassés de partout, auraient pris les armes pour recouvrer leur patrie, occulte un élément essentiel à la compréhension des événements : le mouvement rebelle issu de la diaspora tutsie s'est emparé par la force du pouvoir à Kigali au prix de la vie de ses compatriotes visés par un plan d'extermination. Insupportable vérité.

(1) Noires Fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994, éditions Mille et Une Nuits.
(2) Rwanda, l'histoire secrète, éditions du Panama. Préface de Claudine Vidal, postface d'André Guichaoua.
(3) L'Inavouable. La France au Rwanda, de Patrick de Saint-Exupéry, les Arènes, 2004. Selon l'auteur, la France a participé au génocide au Rwanda pour effacer sa «mémoire jaune», c'est-à-dire sa défaite en Indochine. «Une légion aux ordres de l'Elysée», du temps de François Mitterrand cohabitant avec Edouard Balladur à Matignon, y aurait testé la doctrine de la «guerre révolutionnaire», «forgée au contact du Viêt-minh [...], puis appliquée en Algérie».
Libération -
...(2) Rwanda, l'histoire secrète, éditions du Panama. Préface de Claudine Vidal, postface d'André Guichaoua. (3) L'Inavouable. ...

Tuesday, January 03, 2006

Le General de Brigade Leonidas RUSATIRA vs KAREMERA Edouard a.k.a. Rukusanya



"Je donne ma langue au chat, si son Altesse le prince sérénissime le Général Rusatira réfute ce qui est écrit dans cette lettre ouverte d'Edouard Karemera avec des éléments de preuve bien étayés et cohérentes." (Emmanuel Rugamba)

Emmanuel Rugamba,

Tout semble indiquer que vous ne donnerez pas votre langue aux chats. Le Général de Brigade Léonidas Rusatira est peut-être d'origine princière comme il le prétend (après tout, même Kigeri Ndahindurwa et Sharangabo Rufagari le sont aussi; il n'y a pas de quoi fouetter un chat) mais il lui manque une qualité essentielle des princes -UBUPFURA- et une autre partagée par les princes et par bien de roturiers -UBUGABO.

Deux phrases ont particulièrement retenu mon attention.

Lettre ouverte de Karemera Edouard au General de Brigade Leonidas Rusatira

I. « Juvénal Habyarimana m'a fait trop de bien pour en dire du mal ; il m'a fait trop de mal pour en dire du bien » ( Léonidas Rusatira , Rwanda, le droit à l'espoir, L'harmattan ; broché ; essai , paru en juin 2005, p.177 ).
Netters,
C'est ce genre de personnages dont parlait Gacamigani quand il distinguait trois catégories d'INTORE peu recommandables: 1. ISABA UWO YIMYE; 2. IYIMA UWAYIHAYE; 3. MULIZO.
Si le Général de Brigade Léonidas Rusatira ne peut dire ni du mal ni du bien de celui dont il a été le plus proche collaborateur (pour ne pas dire le bras droit) pendant plus de 25 ans en sa qualité de Directeur de cabinet au Ministère de la Défense (de 1965 à 1992) et de membre du Comité Central du MRND (de 1975 à 1991), que lui reste-t-il encore à dire? Quel intérêt y aurait-il à dialoguer avec un tel "homme"?
II. « Je (Général de Brigade Léonidas Rusatira) y suis resté assez longtemps pour tout savoir sans rien savoir». ( Ibidem, p. 23)
Que voulez-vous demander d'autre à ce Général de Brigade qui avoue lui-même ne rien savoir de tout ce qu'il sait -ou, ce qui revient au même, de ce qu'il devrait savoir, ou encore de tout ce qu'il aurait pu, et partant, dû savoir pendant plus de 25 ans de collaboration étroite avec feu le Président Juvénal Habyarimana?
La seule question fondamentale qui se pose aux générations présentes du Rwanda est la suivante: comment faire pour que le Rwanda ne connaisse plus de généraux (majors et/ou de brigade) tels Léonidas Rusatira, Laurent Munyakazi, Marcel Gatsinzi, Paul Kagame, et d'autres encore de cette espèce?
That is the question.
-------------
« Mbwire gito canje, gito c'uwundi cumvireho» ("Conseils à mon sot, de sorteque le sot d'autrui en profite", Paul MIREREKANO, janvier 1961).
"The greatest thing in this world," said U.S. Supreme Court Justice OliverWendell Holmes, Jr., "is not so much where we are, but in what direction weare moving."
"It is not truth that makes man great; but man that makes truth great." (Confucius)

Previous Posts

Meilleurs voeux pour 2006

"Que les puces d'un millier de chiens galeux infestent le cul de celui qui vous gâchera une seule seconde de votre année 2006, et que les bras de cet abruti deviennent trop courts pour qu'il ne puisse jamais se le gratter". (Voeux chinois)


-------------

« Mbwire gito canje, gito c'uwundi cumvireho» ("Conseils à mon sot, de sorteque le sot d'autrui en profite", Paul MIREREKANO, janvier 1961).

"The greatest thing in this world," said U.S. Supreme Court Justice OliverWendell Holmes, Jr., "is not so much where we are, but in what direction weare moving."

"It is not truth that makes man great; but man that makes truth great." (Confucius)

Inzibacyuho Yagarutse mu Rwanda: Boniface Rucagu arongeye arariye!


Ba guverineri b'intara 4 nshya bamenyekanye; uwa Kigali ntaratangazwa.

Jeanne D'Arc Umwana Kigali02/01/2006
Ntibikiri amagambo, byabaye impamo. Guhera tariki ya 1 Mutarama 2006 u Rwanda rugizwe n’intara 4 hiyongereyeho umujyi wa Kigali, uturere 30 n’imirenge 416.

Igihe abayobozi b’inzego z’ibanze bari baratorewe cyarangiranye n’umwaka wa 2005. Kubera iyo mpamvu, inzibacyuho yongeye gushyirwaho mu nzego z’ibanze zo mu Rwanda mu gihe cy’amezi abiri, ikazarangira amatora y’inzego z’ibanze amaze kurangira. Ayo matora azakorwa ku matariki ya 6,9,20, na 24 Gashyantare 2006, arangire tariki ya 2 Werurwe 2006.

Ba guverineri b’intara 4 bamenyekanye

Abayobozi b’intara 4 ntibazongera kwitwa ba perefe; biswe ahubwo ba guverineri. Minisitiri w’Intebe Bernard Makuza yatangaje abo bayobozi b'intara 4, ndeste n’abazayobora uturere mu gihe cy’inzibacyuho.

Intara Nshya z'UrwandaIntara y’amajyaruguru yahawe Rucagu Boniface. Asanzwe ayobora intara ya Ruhengeri. Intara y’iburasirazuba yahawe Mutsindashyaka Théoneste; yatakaje umujyi wa Kigali. Intara y’iburengerazuba izayoborwa na guverineri Mussa Faziri Harerimana wayoboraga intara ya Cyangugu. Intara y’amajyepfo yahawe guverineri Eraston Kabera usanzwe ayobora intara ya Butare. Uzayobora umujyi wa Kigali ntabwo yatangajwe.

Politiki yo kuvugurura ubuyobozi irakomeje

Igikorwa cyo kuvugurura ubutegetsi begereza abaturage ubushobozi n’ubuyobozi kirakomeje. Iri vugurura rirajyana n’ivugururwa ryakozwe mu butegetsi bwite bwa Leta. Ingaruka z’icyo gikorwa na zo zikomeje kwigaragaza; abantu bakomeje gutakaza akazi k’uburyo ubushomeri buri kurushaho kwiyongera.

Kwegereza ubuyobozi n’ubushobozi abaturage bizatuma na none abaturage bongera gushaka ibyangombwa bundi bushya, hakurikijwe uturere dushya.

Igice cyatangiye cyo kwegereza abaturage ubuyobozi n’ubushobozi hakurikijwe structure nshyashya ni icya kabiri. Icya mbere cyari cyaratangiye mu w’i 2001.

Central Africa News Summary - VOAnews.com/centralafrica

Inzibacyuho Yagarutse mu Rwanda

Ba guverineri b'intara 4 nshya bamenyekanye; uwa Kigali ntaratangazwa.

--
« Mbwire gito canje, gito c'uwundi cumvireho» ("Conseils à mon sot, de sorteque le sot d'autrui en profite", Paul MIREREKANO, janvier 1961).

"The greatest thing in this world," said U.S. Supreme Court Justice OliverWendell Holmes, Jr., "is not so much where we are, but in what direction weare moving."

"It is not truth that makes man great; but man that makes truth great."(Confucius)

Sunday, January 01, 2006

Rwanda: les touristes sur les traces de Dian Fossey ( Nyiramacibiri )



KARISOKE (AFP) - 01/01/2006 10h49 - Il y a 20 ans, la primatologue Dian Fossey, qui a contribué à la protection des gorilles de montagne menacés d'extinction, était tuée au Rwanda. Sa tombe et son lieu de vie attirent de plus en plus de visiteurs, alors qu'elle même était très opposée au tourisme.

"Elle s'opposait farouchement à ce que l'on fasse du parc (des Volcans) et des gorilles une attraction touristique", écrit son amie Rosamond Carr dans son livre "Le pays des Mille Collines".

La primatologue américaine a passé 18 ans dans le centre de recherche qu'elle avait fait construire à Karisoke, à 3.000 mètres d'altitude, dans les montagnes Virunga, où vivent les derniers 700 gorilles de montagne au monde (entre le Rwanda, la République démocratique du Congo (RDC) et l'Ouganda).

Ce lieu est aujourd'hui devenu un site touristique. Pour y arriver, il faut emprunter un petit sentier raide et boueux, bordé d'orties, de bouse de buffle et de crottes de gorilles.

Depuis octobre, l'Office rwandais du tourisme et des parcs nationaux (ORTPN) a enregistré chaque mois entre une vingtaine et une cinquantaine de touristes venus visiter la tombe de Mme Fossey, rendue célèbre après sa mort par le film "Gorilles dans la brume".

"Beaucoup de visiteurs trouvent la montée rude", concède Rosette Rugamba, la directrice de l'Office.

Dans ce petit pays d'Afrique centrale, toujours marqué par le génocide de 1994, une grande majorité des gens s'accordent pour dire que les recherches effectuées par la primatologue et le travail de conservation entrepris depuis sa mort par le Fonds Dian Fossey pour les Gorilles (DFGF), ont énormément contribué à la survie des gorilles de montagne.

"N'eût été Dian Fossey, il ne resterait aujourd'hui plus aucun gorille de montagne", assure Bosco Bizumuremye, un guide du parc ayant travaillé avec la primatologue.

C'est entre les volcans Karisimbi et Visoke que Mme Fossey étudiait les gorilles et a été retrouvée morte, à l'âge de 53 ans, au matin du 27 décembre 1985, le crâne fendu par deux coups de machette.

Sa tombe est située au milieu de celles des gorilles qu'elles étudiaient. Elle repose aux côtés de Digit, un gorille au dos argenté qu'elle chérissait particulièrement, et qui a lui aussi subi une mort violente.

"Personne n'aimait les gorilles plus qu'elle", peut-on lire sur l'épitaphe de la tombe de Mme Fossey.

"Elle restait enfermée chez elle en deuil pendant trois jours, voire une semaine si un gorille mourrait", explique Jean-Baptiste Majumba, qui a travaillé dix ans avec elle.

"Elle devait être courageuse d'avoir vécu comme ça année après année en brousse", estime François Ndagijimana, un paysan de 45 ans.

La haine qu'elle vouait à l'égard des braconniers remontait, selon ses amis, au jour où elle avait trouvé un buffle dont on avait coupé les jambes arrière pour la viande alors que la bête était encore vivante.

La primatologue payait ainsi des pisteurs pour attraper les braconniers et les conduire à la police.

Son intransigeance lui a fait beaucoup d'ennemis, dont des braconniers, des trafiquants de gorilles et certaines autorités agacées par son refus d'accepter que les paysans et leur bétail ne s'installent dans le parc.

Les circonstances de son meurtre n'ont jamais été élucidées et l'identité de son assassin reste inconnue. Un homme arrêté après le meurtre a ensuite été retrouvé mort en détention.

Dian Fossey a.k.a. Nyiramacibiri


Dian Fossey was born in San Francisco, California in 1932. Her strong interest in animals led her to enter college as a pre-veterinary student. Soon, however, she switched to occupational therapy and obtained her degree from San Jose State College.

Through friends, Dian Fossey became interested in Africa and made a six week trip there in 1963. At Olduvai Gorge, she met Dr. Louis Leakey who impressed on her the importance of doing research on great apes. This meeting inspired her to study mountain gorillas.

Determined to work in Africa, Dian won support from the National Geographic Society and the Wilkie Foundation in 1966 for a research program in the Zaire. Political upheaval there forced her to move to Rwanda, where in 1967 she established Karisoke, a research camp in the Parc National des Volcans. In 1970 , her efforts to get the gorillas to habituate to her presence were finally rewarded when Peanuts, an adult male, touched her hand. This was the first friendly gorilla to human contact ever recorded.

Intense observation over thousands of hours enabled Dr. Fossey to earn the complete trust of the wild groups she studied and brought forth new knowledge concerning many previously unknown aspects of gorilla behavior. When poachers attacked and killed a young male named "Digit" to whom she had grown especially attached , she reacted by waging a public campaign against gorilla poaching. National Geographic heeded her pleas by placing her photograph on the cover of an issue containing an in-depth article with photos by Bob Campbell. Contributions poured in from around the world, allowing Dr. Fossey to establish the Digit Fund (renamed the Dian Fossey Gorilla Fund in 1992) and dedicate the rest of her life to the protection of the gorillas.

Dr Fossey obtained her Ph.D. at Cambridge University and in 1980 accepted a position at Cornell University that enabled her to begin writing Gorillas in the Mist. Its publication brought her world fame and helped to focus much needed attention on the plight of the mountain gorillas, whose numbers had by then dwindled to 250. She returned to Karisoke to continue her tireless campaign to ensure the survival of the mountain gorilla and to stop poaching.

Dr. Fossey was murdered in her cabin at Karisoke on December 26, 1985. Her death is a mystery yet unsolved. The last entry in her diary reads: "When you realize the value of all life, you dwell less on what is past and concentrate on the preservation of the future."

Dian Fossey's dream still lives on today in the work of the Atlanta-based Fossey Fund's dedicated researchers and Rwandan staff at Karisoke. Today, the mountain gorilla population is making steady gains in the Virunga Volcano area. This trend can be attributed to the success of the efforts of the Dian Fossey Gorilla Fund International and its supporters. It is also a fitting memorial to the life and work of Dian Fossey.

In 1988 the Life and work of Dian Fossey was portrayed in the major motion picture Gorillas in the Mist, starring Sigourney Weaver. Ms. Weaver was so moved by her experience with the gorillas while filming that she became a supporter of the DFGF. Today Sigourney Weaver is DFGFI's Honorary Chairperson.

Jean-Baptiste Majumba devant la tombe de Dian Fossey le 30 décembre 2005 à Karisoke


Jean-Baptiste Majumba, guide au parc des volcans, devant la tombe de Dian Fossey le 30 décembre 2005 à Karisoke.
Il y a 20 ans, la primatologue Dian Fossey, qui a contribué à la protection des gorilles de montagne menacés d'extinction, était tuée au Rwanda. Sa tombe et son lieu de vie attirent de plus en plus de visiteurs, alors qu'elle même était très opposée au tourisme.

Lettre ouverte de Karemera Edouard au General de Brigade Leonidas Rusatira


Pour un dialogue en toute vérité et en toute transparence

Arusha, Décembre 2005

De : Edouard KAREMERA UNDF- ICTR
P.O. Box 6016 Arusha.

Pour : Général Léonidas RUSATIRA E-mail : ramuka1@yahoo.fr
Objet : Dialoguer pour espérer ensemble in « Rwanda, le droit à l’espoir ».

Bien cher Compatriote,

Je vous remercie infiniment pour l’invitation au dialogue que vous avez adressée généreusement à toutes les filles et à tous les fils du Rwanda notre mère patrie, dans votre récent ouvrage publié aux Editions L’Harmattan1. Ma joie est d’autant plus grande que vous êtes parmi les rares auteurs qui reconnaissent encore aux pestiférés enfermés dans les prisons rwandaises en général, ceux de la prison onusienne d’Arusha en particulier, le droit à la parole. Vous écrivez en effet : « Tous les survivants, où qu’ils soient, même en prison, injustement ou de raison, ou exilés ou interdits de liberté d’expression, restent les membres de notre grande famille. Ils sont, de ce fait, appelés à prendre part à ce mouvement d’ensemble pour une renaissance nationale2. »

Je voudrais également vous dire que j’adhère parfaitement à votre courageuse interpellation des rwandais de notre génération telle que formulée en ces termes : « Le génocide a exterminé les Tutsi. Des massacres d’allure génocidaire ont décimé les Hutu. Les chiffres doivent être plus effrayants encore. Les connaître et reconnaître fait peur. Il faut pourtant s’y résoudre pour aider les rwandais à se donner la paix pour reconstruire ensemble leur pays. Nous devons épargner de ce débat les générations futures. Ayons assez de courage et de patriotisme pour le trancher nous-mêmes, évitant ainsi de piéger ceux qui nous suivront3. »

Par ailleurs, j ’accepte sans réserve la formule préconisée pour aborder ce dialogue.

1 Général Léonidas Rusatira : « Rwanda, le droit à l’espoir ». Editions L’Harmattan, 2005.
2 Ibidem page 112
3 Ibidem page 110.

Vous l’avez très judicieusement tirée des Ecritures Saintes, où le prophète nous propose : « Approchons pour plaider ensemble. »4 Mais avant d’entamer ma plaidoirie, car c’est là l’objet de la présente, je vous prie d’accepter qu’ensemble, à la suite de saint François d’Assise, nous demandions humblement à Dieu de faire de notre dialogue un instrument de paix, pour que :

« Là où il y a le désespoir, nous mettions un peu d’espoir ;
Là où il y a l’erreur et le mensonge, nous mettions la vérité ;
Là où il y a les ténèbres, nous apportions un peu de lumière .
Que dans notre dialogue, nous ne cherchions pas tant
à être compris qu’à comprendre ; à être pardonnés qu’à pardonner. »5

Mon souhait le plus intime est que notre débat serve à éclairer le lecteur sur ce qui s’est réellement passé dans notre pays. Pour ce faire, il nous incombe de témoigner correctement de ce que nous avons vu ou vécu au lieu de nous contenter de distribuer, arbitrairement, les certificats d’innocence ou de culpabilité ou encore moins, de donner des leçons de morale à tout le monde ; ce qui est certainement utile mais pas prioritaire.

Ce que je crois, car, figurez-vous, moi aussi j’ai des convictions qui ne me quittent plus, « la haine n’a pas d’avenir. Là où la haine a dépassé les bornes, et c’est bien le cas chez-nous au Rwanda, l’amour ira beaucoup plus loin. »6 Mais en même temps, il m’importe de vous dire en toute franchise, sans rancune ni parti pris mais sans complaisance non plus, que « le droit à l’espoir » que vous appelez de tous vos vœux pour les rescapés de la tragédie rwandaise et les générations futures ne peut ni ne va naître des contes, des anecdotes ou des demi vérités sur les épisodes cruciales de l’Histoire récente de notre pays. Ce sont là les deux profondes convictions que je tenais à vous faire partager avant d’entamer ce dialogue que je souhaite exempt de tout préjugé et, surtout, de toute animosité.7

Afin de lever toute équivoque et ainsi faciliter notre dialogue, je tiens à vous assurer, « in limine litis », que j’ai toujours eu beaucoup de respect et d’admiration pour vous, à cause des qualités intellectuelles incontestables, comme vous venez de le prouver une fois encore en

4 Isai 41,1. Je ne résiste pas à l’idée de vous dire ma nette préférence pour cette traduction en notre langue maternelle que vous trouverez dans Bibiliya Ntagatifu, 1993, page 1343, en ces termes : « Nimuze dukoranire hamwe tuburane ».
5 Transcription libre de la prière de St François d’Assise
6 Stan Rougier « Au Commencement était l’Amour », Editions Presses de la renaissance Paris, février 2003
7 Je tiens à vous assurer que j’ai lu attentivement votre ouvrage pour compléter les indications que j’avais sur vous et ainsi formuler mes observations à partir des éléments vérifiables, car consignés dans votre livre.

publiant « Rwanda, Le droit à l’espoir ». Je souscris à beaucoup d’aspects de votre analyse sur les causes de la tragédie qui a endeuillé toutes les familles rwandaises et perdure encore. J’ai moi-même essayé de réfléchir sur certains aspects de cette tragédie mais le cadre restreint de cet échange ne me permet pas de beaucoup élaborer sur ma propre vision du drame rwandais. J’aimerais tant avoir accès aux mêmes facilités de diffusion pour publier comme vous. Mais c’est une toute autre question.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les chapitres 8 et 9 de votre livre consacrés à ce qui me semble être votre programme politique qui pourrait se résumer en ces deux principales idées : « La poursuite et le parachèvement de la Révolution à l’intérieur du pays et le renforcement de l’intégration régionale par l’abandon de la politique d’agression pratiquée vis-à-vis de certains de ses voisins par le FPR actuellement au pouvoir »8

J’apprécie le ton et les termes de votre épilogue qui tranchent nettement avec le flou artistique, le parti pris et les procès d’intention décelables dans votre introduction titrée : « Bis repetita » Je ne m’attarderai donc pas outre mesure sur tous ces passages de votre réflexion qui ne me posent guère de problèmes. Mes préoccupations sont ailleurs que dans les civilités.

S’agissant maintenant de ma plaidoirie, je voudrais d’emblée vous indiquer que je plaide non coupable et pour cause. Contrairement à vous, je suis maintenu en détention provisoire depuis huit ans, sur base d’un acte d’accusation que le Procureur a modifié cinq fois déjà, probablement parce qu’il n’est pas sûr des éléments de preuve réunis pour appuyer les allégations portées contre moi. Je ne suis donc pas prêt à renoncer à cette plaidoirie de non culpabilité que je lui oppose depuis ma mise en accusation qui remonte au 7 avril 1999.

Je plaide non coupable parce que ma qualité d’acteur et d’observateur privilégié de certains de ces événements qui font l’histoire récente du Rwanda, me donne la conviction que ce qui intéresse le lecteur n’est ni mon aveu de culpabilité ni ma dénégation, mais la sincérité de mon témoignage sur ces événements. J’ai également des arguments techniques pour affirmer que les conditions juridiques requises pour qualifier de génocide, les massacres interethniques survenus au Rwanda entre avril et juillet 1994 ne sont pas réunies. Par ailleurs, je ne pense pas vous apprendre grand-chose en vous disant que jusqu’à date, le Procureur du TPIR n’a pas encore réussi à apporter la preuve de la prétendue planification du génocide. Même le fameux

8 RUSATIRA, Op.Cit., p.

fax que Dallaire prétend avoir envoyé à New York le 11 janvier 1994 n’est pas trouvable dans les archives de la Minuar ou du Secrétariat Général de l’ONU, en sa version originale. Après une minutieuse enquête, l’avocat du Général Augustin Ndindiliyimana vient de publier un important article dans lequel il affirme que ce fax fondateur de la thèse du génocide est un faux9 Ceci étant dit, je respecte votre position clairement exprimée10 en ce qui concerne la qualification donnée aux dits massacres survenus dans notre Rwanda entre avril et juillet 1994.

1. Vous présentez sous forme d’anecdotes des éléments clés, selon moi, pour comprendre votre parcours professionnel et votre passé politique et, partant, votre carte de visite.

1.1. A deux reprises au moins,vous avez parlé de vos origines princières que vous affirmez fièrement partager avec un autre illustre général des Forces Armées Rwandaises, feu Déogratias Nsabimana11, comme vous originaire de Ruhengeri. Vous avez même trouvé opportunément des ramifications avec les princes du Burundi voisin de votre dynastie dont Mashira reste le lointain ancêtre. Loin de trouver ce judicieux rappel dérisoire, je pense personnellement que c’est un argument de plus qui me conforte dans ma démarche visant à questionner votre comportement, déroutant à maints égards. En effet, j’ai eu bon lire et relire votre livre, je n’y ai pas trouvé de crédibles indications sur votre contribution personnelle au bien être du peuple rwandais, eu égard à ces origines princières certes, mais surtout au rang que vous avez occupé dans la hiérarchie militaire et politique du Rwanda. Ceci étant, je m’incline devant les actions humanitaires que vous affirmez avoir accomplies au risque de votre propre vie, lors des troubles qui ont endeuillé le Rwanda entre avril et juillet 199412.
1.2 Vous décrivez avec une fierté légitime les circonstances de votre nomination par le Président Kayibanda comme directeur de cabinet du ministère de la défense alors que vous étiez âgé de vingt six (26) ans à peine. Je rectifie un peu pour préciser que vous avez été bel et bien directeur de cabinet du Ministre de la Défense Juvénal Habyarimana, et que vous n’avez pas supporté qu’un autre que vous soit nommé Ministre de la défense quand il a fallu

9 Chris Black: « The Dallaire Genocide Fax: A Fabrication ». December 1, 2005. http://www.sandersresearch.com/
10 Lire à ce sujet l’exposé de cette position aux pages 104 à 105 de votre livre annoté.
11 A la page 21 de votre livre, vous donnez votre arbre généalogique ; à la page 246 vous rappelez les plus importantes des distinctions que vous partagez avec votre collègue Nsabimana.
12Rusatira : Rwanda, le droit à l’espoir, pages 223 à 233 notamment.

remplacer Habyarimana13. Vous avez occupé ce même poste pendant plus de vingt (20) ans puisque vous l’avez quitté en juin 1992 pour vous retrouver à la tête de la prestigieuse Ecole Supérieure Militaire (ESM). J’estime que par respect pour vos lecteurs, il aurait été plus correct de vous exprimer un peu plus sur le secret de votre longévité auprès du général Habyarimana, sur vos réalisations majeures à ses cotés en particulier. Au lieu de cela, vous avez préféré recourir à ces formules que même les érudits comme vous risquent de ne pas comprendre: « J’y suis resté assez longtemps pour tout savoir sans rien savoir »14, ou encore : « Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal ; il m’a fait trop de mal pour en dire du bien »15.
1.3 Comme beaucoup de vos lecteurs, je sais de quel coté penchait votre sympathie, après la restauration du multipartisme par la constitution du 10 juin 1991. Il est vrai que la nouvelle constitution interdisait à tout militaire d’adhérer à un parti politique tant qu’il n’avait pas officiellement démissionné de l’armée. Je suis également éclairé par vos soins sur les circonstances qui ont entouré vos démarches déçues pour intégrer les rangs de l’APR après sa victoire sur les FAR. Cependant, je reste sur ma faim en ce qui concerne les motivations profondes qui vous ont poussé dans cette direction. Le récit de votre fin de non recevoir opposée à la proposition vous faite par le Président Bizimungu de vous confier le ministère du plan ou de faire de vous son Chef d’Etat Major particulier, est surprenant pour quelqu’un qui avoue être naturellement porté à occuper les premières places16.
1.4 Une autre anecdote qui devrait faire sourire si elle n’intervenait pas dans un contexte dramatique est celle de votre animal de compagnie, le berger allemand Kasi. Vous avez tenu à consacrer deux passages de votre livre à l’histoire de ce chien. Vous insistez sans motif évident sur le fait qu’un Hutu de chez vous mal intentionné à votre égard aurait faussement prétendu que vous avez donné le nom de Kagame à cet animal. Vous conviendrez avec moi que, quoique très grave, l’histoire de ce chien et votre obstination à porter le titre pompeux de Général vous attribué par une armée qu’ils venaient de mettre en pièces ne sont pas suffisantes à elles seules, pour convaincre ceux de vos lecteurs qui s’interrogent légitimement sur les vrais motifs de votre rejet par le général Kagame et ses hommes. Vous serez sans

13 Vous avez eu toutes les peines du monde à travailler avec le Ministre Augustin Ndindiliyimana sous prétexte que vous étiez plus ancien que lui dans le grade de Colonel. Vous avez carrément refusé de travailler sous les ordres de James Gasana cette fois-ci sous prétexte que c’était un civil. En réalité, depuis 1973, vous avez agi comme si c’était vous le ministre de la défense, même si vos actes étaient suivis de très près et couverts par le Président Habyarimana en personne.
14 Ibidem page 23.
15 Ibidem page 177.
16 C’est exactement ce que vous avez écrit à la page 260 de votre livre.

doute intéressé d’apprendre la rumeur qui a circulé dans les milieux rwandais de la diaspora quand on a appris votre exfiltration du Rwanda par vos puissants amis et protecteurs. Paul Kagame vous aurait fait cette double réflexion: « Pour être sûr que vous n ’allez pas me trahir à mon tour, que puis-je vous offrir que Habyarimana ne vous a pas donné ?Car, voyez-vous l’Histoire militaire nous apprend qu’on ne trahit jamais une fois. » Je devine bien votre embarras.

2. Vous avez à juste titre identifié toute une série d’évènements de haute gravité mais, hélas, vous avez abordé ces situations aux conséquences dramatiques connues avec tellement de simplification et de légèreté que vos récits ressemblent à des contes de mauvais goût

2.1 Malgré votre solennelle promesse17 accompagnant l’incompréhensible formule de la page 23, vous avez préféré entretenir le suspens sur un sujet hautement préoccupant pour vos lecteurs. A ce niveau je vous pose la question à laquelle tout lecteur de votre livre souhaite entendre votre réponse. Est-il vrai qu’il y a eu un arrangement entre Habyarimana, Museveni et Rwigema pour plonger le Rwanda dans la guerre, en espérant ainsi régler définitivement et à moindre coût la lancinante question des réfugiés tutsi rwandais devenue un véritable casse tête pour les deux présidents ?. Votre position de directeur de cabinet du Ministre de la Défense avant, au moment du déclenchement et après le déclenchement de la guerre dite d’octobre ne vous autorise pas à prendre la rumeur à votre compte et à l’utiliser pour incriminer votre chef tout en gardant l’illusion que vous allez facilement tirer votre épingle du jeu. Les Rwandais n’ont rien à faire de votre conte. Ils ont le droit de savoir si, comme vous le sous-entendez, il y a eu cette criminelle entente entre les présidents Habyarimana et Museveni pour nous entraîner dans la guerre. Vous ne pouvez plus vous réfugier derrière le secret d’Etat si jamais il a existé, puisque vous l’avez déjà divulgué18, partiellement au moins.
2.2 Votre version des faits sur le déroulement des événements de la nuit du 04 au 05 octobre 1990 est un montage grossier mis à mal par vos propres propos19 et démenti par les

17 Vous avez écrit à la page 23 de votre livre : « En écrivant cette phrase, je suis conscient de jeter un pavé dans la mare. Mais la suite aidera à mieux comprendre. »
18 Vous écrivez à la page 132 de votre livre que : « le Président Habyarimana se croyait bien informé et ne voulait révéler son secret à personne. Il le faisait dans l’intérêt du pays ; mais il est mort sans l’avoir avoué. Il ne l’aurait pas reconnu puisque la guerre n ’avait pas été ce qu’il avait espéré, ce qu’on lui avait promis, la promesse fraternelle que l’autre président lui avait faite ».
19 Voir vos aveux sur la tenue de réunions de crise dans votre propre bureau au Ministère de la défense (page 132 à 133) et votre affirmation mensongère sur la rentrée à Kigali du Président le soir du 03 octobre 1990, alors que vous savez très bien qu’il est rentré tard dans la nuit du 04 au 05 octobre 1990.

informations recueillies auprès d’autres témoins oculaires de ces mêmes événements. Les Rwandais ont le droit de connaître qui sont les architectes de l’attaque simulée de la Capitale Kigali, dans cette inoubliable nuit du 04 au 05 octobre 1990 et les vraies motivations qui les ont poussés à agir ainsi. Vous me permettrez de relever que parmi les personnalités rwandaises en charge de ce genre de dossiers et, par conséquent, susceptibles d’éclairer les générations futures sur ce qui s’est réellement passé cette nuit là et les jours suivants, vous êtes parmi les rares survivants20 et, de ce fait, avez le devoir de nous éclairer sur cette affaire. Car, vous ne pouvez pas inviter les rwandais à « dialoguer pour espérer ensemble » et leur cacher les éléments pour faire un dialogue franc et constructif.
2.3 Le régionalisme a été et reste encore un sérieux contentieux entre les Rwandais. Vous en témoignez éloquemment dans votre récit21, sauf que par la suite vous le traitez avec une légèreté déconcertante. Je voudrais vous dire mon total désaccord avec vos allégations selon lesquelles les natifs de votre région, le Bukonya, auraient été persécutés par le régime Habyarimana, après la fuite de l’Homme fort de Ruhengeri, le colonel Alexis Kanyarengwe22. Comment voulez-vous que les Rwandais natifs des régions qui ont effectivement souffert du régionalisme- ce fléau qui a largement contribué à la chute de la première et de la deuxième République-, prennent vos fausses incriminations au sérieux. Pour illustrer mon propos , je me permets de citer au point 2.4 ci-après quelques exemples de personnalités toutes natives du Bukonya, dont l’audience auprès du président Habyarimana était notoirement connue.
2.4 Vous avez été nommé au Comité Central du MRND en remplacement d’Alexis Kanyarengwe tombé en disgrâce pour avoir mené clandestinement et de concert avec Théoneste Lizinde leur campagne contre le projet de la constitution du 20 décembre 1978. Le Ministre François Ngarukiyintwali et le Docteur Akingeneye, médecin personnel du président Habyarimana, n’ont jamais caché qu’ils étaient tous les deux les collaborateurs les plus écoutés du Président. Personne ne peut raisonnablement contester que pendant de longues

20 Au moment de ces événements les responsables militaires en charge de ce genre de dossiers étaient : le général Habyarimana Juvénal, Président de la République et Ministre de la Défense, les colonels Laurent Serubuga et Pierre Célestin Rwagafilita, respectivement chef d’Etat Major adjoint de l’Armée et de la Gendarmerie ; les colonels Elie Sagatwa et Léonidas Rusatira, respectivement Secrétaire particulier du Président et Directeur de Cabinet du Ministre de la Défense. Du coté des civils, les premiers concernés par le dit dossier étaient les ministres Mugemana Jean Marie Vianney de l’Intérieur et Mujyanama Théoneste de la Justice, le Ministre à la Présidence Siméon Nteziryayo et le Chef du Service de Renseignements, à l’époque Monsieur Augustin Nduwayezu, ainsi que le Procureur Général de Kigali, Alphonse Marie Nkubito. Sur ces dix responsables, six sont déjà morts ; raison pour laquelle ils devraient se décider à parler, sauf à vouloir partir avec le secret.
21 Rusatira, op. cité page177 à 179 et 284 à 286, notamment.
22 Vous avez écrit à la page 178 de votre livre : « Tous les Bakonya dont l’auteur de ce texte furent fichés… ».

années, Jean Damascène Hategekimana a figuré parmi les conseillers économiques les mieux écoutés du Président Habyarimana et qu’il a été un de ses meilleurs ministres des Finances. Malgré vos affinités, il ne vous suivrait certainement pas dans vos incriminations. Ce n’est pas non plus la nomination du Professeur Ferdinand Nahimana à la direction de l’ORINFOR, au plus fort de la crise, ou celle de Fabien Neretse à la tête du projet GBK, au moment où le Président faisait face aux critiques les plus acerbes de la Banque Mondiale, suite aux nombreuses indélicatesses qui ont prévalu dans l’exécution de ce grand projet implanté d’autorité dans son Bushiru natal, qui prouvent que les natifs du Bukonya étaient persécutés ou n’avaient pas la confiance du Président Habyarimana. Pour espérer convaincre les gens, vous auriez mieux fait de citer au moins quelques noms de fonctionnaires natifs du Bukonya qui ont été victimes de votre prétendue persécution par le régime de Habyarimana.
2.5 Vous avez donné au chapitre 6 de votre livre ce titre choc : « D’un complot à l’autre ». Il a retenu toute mon attention. Il m’a inspiré le double commentaire qui suit. Les développements que vous avez consacrés aux complots ourdis contre vous rentrent parfaitement dans la philosophie générale de votre livre que je pourrais schématiquement résumer par ce dicton de chez nous : « Ujya gutera uburezi arabwibanza 23 ». Par ailleurs, je suis très surpris par l’amalgame que vous avez fait, inconsciemment peut-être, entre des situations totalement incomparables. Selon moi, il n’y a vraiment pas lieu de placer sur le même niveau ou même d’établir de parallélisme entre les assassinats politiques des personnalités telles que Emmanuel Gapyisi, Félicien Gatabazi, Martin Bucyana ou Fidèle Rwambuka avec les accidents de la route dans lesquels ont péri l’ancien Ministre de la Santé François Muganza, l’ancienne député Félicula Nyiramutarambirwa et l’ancien directeur de Kinyamateka, l’abbé Silvio Sindambiwe. Malgré les déclarations fracassantes de certains politiciens de l’opposition accusant le Président Habyarimana et le parti MRND, vous conviendrez bien avec moi que les familles de Félicien Gatabazi et Emmanuel Gapyisi n’ont jamais été dupes. Maintenant que les responsabilités de Paul Kagame et ses hommes de mains dans ces assassinats ont été dénoncées de sources bien informées, rien ne vous autorise à parler encore de mystère ou à incriminer des rivaux politiques non autrement identifiés avec le risque d’alimenter de nouveau les anciennes suspicions.

23 Ce dicton rwandais correspond plus ou moins au proverbe français : « Charité bien ordonnée commence par soi-même.»

2.6 La confusion devient encore plus grave quand vous trouvez un lien entre ces événements et l’emprisonnement des auteurs de la tentative de Coup d’Etat de 1980 parmi lesquelles figuraient les officiers des FAR Lizinde, Biseruka, Maniraguha et Muvunanyambo, pour ne reprendre que les noms cités dans votre livre. Elle atteint le comble quand vous arrivez à faire ce circuit rapide qui vous permet de mettre dans le même sac les événements de Rucunshu, le Coup d’Etat du 05 juillet 1973 et l’Attentat terroriste du 06 avril 1994.
2.7 Tous les Rwandais de votre génération qui ont suivi la prise du pouvoir au Rwanda par les militaires putchistes de 1973 savent comment les rivalités entre les auteurs du coup d’Etat du 05 juillet 1973 se sont développées à partir de la création du MRND en 1975 et progressivement ont fini par déboucher sur la tentative avortée de Kanyarengwe et Lizinde de renverser Habyarimana, après le Référendum constitutionnel de 1978. Les plus avisés des rwandais de cette époque dont vous-même ont eu vent de la campagne menée clandestinement par le très énigmatique ministre de l’intérieur, colonel Kanyarengwe, et le tout puissant directeur général du Service Central de Renseignement, le Major Lizinde, contre le projet de constitution du 20 décembre 1978 dont la promulgation a eu pour effet de concentrer tous les pouvoirs entre les mains du Président Habyarimana. Alors qu’il cumulait déjà les fonctions de Président de la République et Chef du Gouvernement, avec celle de Ministre de la Défense et Chef d’Etat Major des FAR, il y ajoutait celles de Président du MRND avec la garantie inscrite dans la Constitution que le Président du MRND est le seul candidat aux élections présidentielles. Le poste de responsabilité de premier plan que vous avez occupé au cabinet du Ministre de la Défense bien avant l’avènement de la IIème République vous place parmi les personnes les mieux informées de tous ces événements majeurs ; ce qui rend très peu crédible votre version des faits tendant à nier cette tentative de putch de Kanyarengwe et Lizinde. En tout état de cause, votre récit n’apporte aucun éclairage à ceux qui n’avaient pas accès aux mêmes éléments d’information que vous, à ceux qui sont nés après ces événements et, encore moins, aux génération futures.

3. A plusieurs endroits de « Rwanda, le Droit à l’espoir », vous vous contentez de livrer au lecteur des demi vérités alors que, objectivement, vous figurez parmi les Rwandais les mieux informés au regard de votre niveau intellectuel et votre profil professionnel.

3.1. A la page 128 de votre livre vous rapportez : « Le Comité Central du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), parti unique au pouvoir au Rwanda de 1975 à 1991, avait décrété, en 1985, après un débat qui fut simple formalité,
puisque seules trois voix se firent discordantes, que le Rwanda, étant trop petit et pauvre, n ’était pas en mesure d’accueillir ses réfugiés s’ils rentraient en masse. Certains des membres de cet organe s’étaient opposés à cette décision comme trois ans auparavant ils avaient été contre le refoulement des rwandophones chassés par le gouvernement de Milton O bote. » Outre la contradiction perceptible dans la formulation des idées développées dans ce court passage que ne manqueront pas de relever les lecteurs attentifs de votre récit, il y a lieu de relever que, sans être inexacte, la présentation que vous faites ici de la position du Comité Central du MRND sur cette lancinante question de réfugiés tutsi rwandais est de nature à induire les lecteurs non avertis en erreur. En effet par un condensé, plus que rapide, fait sans vous référer au document24 adopté par le Comité Central, vous avez donné un résumé réducteur de cet important document adopté par le parti après plusieurs séances de travail de sa Commission des Relations Extérieures, à l’époque présidée par le plus haut magistrat du Rwanda, monsieur Joseph Kavaruganda. La réunion au cours de laquelle le dit document fut adopté se situe en juillet 1986 et non en 1985 comme vous l’affirmez erronément.
3.2 Vous avez omis de préciser que cette Commission du Comité Central comprenait, outre les techniciens de haut niveau, les politiciens et les diplomates chevronnés dont le Ministre des Affaires étrangères François Ngarukiyintwari en personne. Vous omettez encore, involontairement peut être, de mentionner que cette question a été régulièrement discutée par les Congrès nationaux du MRND et que c’est en exécution d’une Résolution de son VIeme Congrès que le Gouvernement et le Comité Central se sont concertés pour finaliser et publier ce document qui donnait la position officielle sur cette importante question. Vous ne rapportez pas fidèlement ou, du moins, vous donnez l’impression de minimiser les mesures d’accompagnement prises à l’époque par le Comité Central dont celle de dépêcher des émissaires auprès des chefs d’Etats des pays limitrophes abritant les réfugiés rwandais. C’est peut-être ici le moment de vous dire que, dans ce cadre, le Président Habyarimana m’a dépêché auprès des présidents Ali Hassan Mwinyi de Tanzanie et Kenneth Kaunda de Zambie pour leur remettre le dit document et leur expliquer le sens de la décision du Comité Central du MRND. D’autres membres du Comité Central ont été envoyés au Burundi, au Kenya, en Ouganda et au Zaïre. J’estime que vous faites un faux procès au Comité Central du MRND quand vous lui reprochez d’avoir tenu pour sérieux le problème de la démographie galopante et la raréfaction subséquente des terres. Cette situation réelle rendait aléatoire, voire

24 Le document a été adopté par le Comité Central du MRND dans sa réunion du 26 juillet 1986.

irresponsable, tout encouragement du retour massif des réfugiés. Je suis surpris de constater que vous faites semblant d’ignorer un autre document très important dont vous connaissez la teneur puisque le ministère de la défense était représenté dans l’équipe pluridisciplinaire qui l’a élaboré.25 Par ailleurs vous savez tout de même qu’en matière de retour des réfugiés dans leur pays, le principe est la demande individuelle, le retour massif étant une exception requérant des arrangements politiques préalables. La décision du Comité Central du MRND n’ayant pas supprimé la possibilité pour les réfugiés tutsi rwandais de demander individuellement à rentrer dans leur pays, je ne vois pas pourquoi vous la condamnez, surtout qu’à ma connaissance vous n’êtes pas parmi les trois membres du Comité Central qui se seraient courageusement opposés à son adoption.
3.3 A divers endroits de votre livre26 vous consacrez d’importants commentaires sur la constitution du Comité de crise et la formation du Gouvernement intérimaire, le Communiqué du 12 avril 1994 et la Déclaration de Kigeme du 06 juillet 1994. Ayant été acteur ou observateur privilégié de ces épisodes majeures de la crise consécutive à l’attentat du 06 avril 1994, vous n’avez pas le droit de priver vos lecteurs de l’éclairage qu’ils attendent légitimement de vous, sur tous ces événements. Je constate avec une réelle déception que votre version des faits est inexacte en ce qui concerne les négociations pour la formation du gouvernement intérimaire et que vos commentaires concernant les deux communiqués dont vous êtes le principal initiateur sont biaisés et manifestement intéressés.
3.4 Contrairement à vos affirmations, le 08 avril 1994, le général Ndindiliyimana et le colonel Bagosora n’ont dirigé aucune réunion des politiciens ni à l’ESM ni nulle part ailleurs. Tous les témoins des faits et les éléments de preuve documentaire produits devant les Chambres par l’Accusation et la Défense des accusés devant le TPIR parlent de la réunion tenue le 08 avril 1994 au ministère de la défense par les représentants des partis politiques MRND, MDR, PL, PSD et PDC. Tous ces cinq partis politiques participaient déjà au gouvernement depuis le 16 avril 1992. La tenue de cette réunion avait été recommandée par les responsables des secteurs d’opérations militaires réunis la veille à l’ESM27. Les responsables politiques devaient rapidement trouver les voies et moyens de combler le vide institutionnel créé au sommet de
25 Il s’agit du Livre Blanc publié le 15 janvier 1991 par le Ministère des Affaires Etrangères au sujet de l’agression dont le Rwanda a été victime à partir du premier octobre 1990. Le ministère de la défense était représenté par le Colonel Anatole Nsengiyumva au sein du groupe de rédaction.
26 C’est notamment le cas dans les pages 53 à 60, les pages 155 à 158, les pages 179 à 180 et les pages 232 à 233.
27 Lire à ce sujet, le Communiqué des FAR du 07 avril 1994.

l’Etat par la disparition quasi simultanée du Président de la République, du Premier Ministre et du Chef d’Etat Major des FAR. Conformément au mandat reçu de la réunion du 07 avril 1994 à l’ESM, le colonel Bagosora n’a fait qu’assurer le déplacement sécurisé des participants jusqu’au ministère de la défense et la sécurité des lieux pendant que ces responsables des partis délibéraient. Comme vous le savez, c’est à l’issue de ces délibérations que nous nous sommes déplacés du Ministère de la Défense à l’Ecole Supérieure Militaire pour présenter au Président Sindikubwabo et aux membres du Comité de crise, les résultats de nos délibérations. Vous n’avez tout de même pas oublié le déroulement de ces événements que, personnellement, vous avez suivi de bout à bout à double titre28
3.5 Il est inexact d’affirmer, comme vous le faites, que les politiciens réunis le 08 avril 1994 pour combler le vide institutionnel créé au sommet de l’Etat ont fait table rase de l’Accord de paix d’Arusha. Le point 2 du Protocole additionnel au Protocole d’Entente du 07 avril 1992, signé le 08 avril 1994, détermine la mission prioritaire du Gouvernement dont l’un des trois points consistait à : « poursuivre les discussions avec le Front Patriotique Rwandais pour la mise en place des institutions de la Transition à Base Elargie, dans un délai ne dépassant pas six semaines. » La mise en place rapide du gouvernement intérimaire permettait ainsi de donner au FPR l’interlocuteur indispensable pour la mise en œuvre de l’Accord de paix. Dans ces conditions, vous comprendrez à quel point je suis étonné par le soutien que vous apportez aujourd’hui encore à la thèse défendue à l’époque par le FPR avec l’appui du général Roméo Dallaire. Souhaitiez-vous comme eux que le FPR profite du chaos qu’il venait de créer en assassinant le Président Habyarimana et le Chef d’Etat Major des FAR et en reprenant la guerre sur tous les fronts pour s’emparer du pouvoir par les armes et justifier cette mise entre parenthèse des accords signés par l’impossibilité de les mettre en application faute d’avoir le partenaire gouvernemental avec qui discuter ?
3.6 Je ne peux pas adhérer aux commentaires que vous avez faits relativement au Communiqué du 12 avril 1994 dont vous reconnaissez être le principal instigateur, aux cotés du général Marcel Gatsinzi.29 Vous avouez indirectement qu’en publiant ce Communiqué vous vouliez prendre distance du Gouvernement intérimaire dont vos parrains, aujourd’hui bien connus, vous demandaient de vous démarquer. Le colonel Charles Kayonga qui

28 Le colonel Rusatira était membre du Comité de crise et Commandant de l’ESM.
29 Lire à ce sujet, la footnote (34) reprise à la page 54 de votre livre ainsi que le passage plus explicite de la page 68 de votre livre. Après votre livre, les éléments dont je dispose actuellement me permettent de confirmer que vous avez caché vos vraies intentions aux officiers cosignataires du communiqué du 12 avril 1994.

représentait le FPR lors de cette rencontre organisée par la MINUAR, le 15 avril 1994, a bien compris l’embarras dans lequel vous plaçait cette manœuvre et a monté les enchères en conséquence. Le général Roméo Dallaire qui tirait les ficelles et soutenait votre plan en parle avec autorité30. Votre manœuvre a échappé aux officiers d’Etat Major qui ont signé ledit communiqué du 12 avril 1994 sans se poser beaucoup de questions, probablement à cause de la situation difficile que traversait le pays et surtout de l’intérêt qu’ils avaient à favoriser la conclusion rapide d’un cessez-le-feu avec le FPR.
3.7 Pour ce qui est de la représentation des FAR lors de la rencontre du 15 avril 1994 organisée par Dallaire et présidée par monsieur Roger Boh Boh, votre version des faits diffère de celle du général Roméo Dallaire. Vous écrivez que c’est le général Gatsinzi qui, en sa qualité de chef d’Etat Major intérimaire, a représenté les FAR31, tandis que Dallaire affirme que vous avez supplanté le général Ndindiliyimana et le colonel Gatsinzi pour représenter vous-même les FAR. Alors je vous pose aujourd’hui cette question : qui de vous deux dit la vérité ? Mais la situation est beaucoup plus simple. Il se fait que, au cours de cette période, il y a eu beaucoup de rencontres faisant toutes intervenir le général Roméo Dallaire. Il se pourrait donc que vous parliez de deux réunions différentes. Cette explication est confortée par le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU qui écrit que le 13 avril 1994, le FPR et les FAR ont signé une trêve de quarante-huit heures pour permettre l’évacuation des ressortissants étrangers ; qu’ils ont signé un nouvel accord de trêve le 14 avril 1994 et que, le 15 avril 1994, les responsables du FPR et des FAR ont tenu des entretiens directs sous sa médiation32.
3.8 S’agissant de la Déclaration de Kigeme, en date du 06 juillet 1994, vous reconnaissez vous-même qu’elle s’inscrivait dans la même logique que le Communiqué du 12 avril 1994. Comme le 12 avril 1994, vous avez réussi à rassembler quelques officiers autour de votre projet de vous désolidariser du Gouvernement intérimaire qu’après votre trahison du 12 avril 1994, vous vous étiez empressé de rejoindre à Gitarama pour négocier le grade de Général tant convoité. Pour mériter la confiance du FPR et celle de vos puissants parrains, vous avez
30 Roméo Dallaire « J’ai serré la main du Diable », page 382 à 383.
31 Le général Roméo Dallaire qui était l’inspirateur de cette rencontre donne une toute autre version du déroulement de cette rencontre tenue le 15 avril à l’hôtel Méridien. Surtout, il a précisé qu’à sa grande surprise c’était bien vous, colonel Rusatira qui allait représenter les FAR et non le général Ndindiliyimana, ou le colonel Marcel Gatsinzi. Ibidem, mêmes pages que celles ci avant citées dans la note (26).
32 Jacques Roger Booh Booh, « le patron de Dallaire parle », Ed. Duboiris, 2005. page 166

accepté de leur emboîter le pas33 et accuser de génocide le Gouvernement intérimaire alors que vous ne disposiez d’aucun élément sérieux de preuve à l’appui d’une accusation de cette gravité. Je ne crois pas vous apprendre grand-chose en vous faisant observer qu’à part vous et le général Gatsinzi, personne d’autre parmi les dix officiers qui ont signé le Communiqué du 12 avril 1994 ne figure parmi les signataires de votre Déclaration de Kigeme. Il vous a donc fallu manipuler de nouvelles figures et les entraîner dans votre nouvelle aventure. Et cette fois encore, ceux parmi les officiers qui avaient été abusés pour signer avec vous la fameuse Déclaration de Kigeme se sont immédiatement désolidarisés quand ils ont découvert la supercherie.34
3.9 A deux reprises au moins, vous avez émis des critiques gratuites sur les personnes appelées à des responsabilités au sein du Gouvernement. Je pense notamment à la nomination du Dr James Gasana à la tête du ministère de la défense nationale dans le Gouvernement formé le 16 avril 1992 par Dismas Nsengiyaremye. Je pense également aux membres du Gouvernement intérimaire formé le 09 avril 1994, particulièrement au Président Sindikubwabo et au Premier Ministre Jean Kambanda. Vous avez dit que le Président Habyarimana a nommé le Dr James Gasana ministre de la Défense parce qu’il voyait en lui un homme de paille ; qu’il espérait ainsi trouver en lui un élément docile et profane dans les affaires militaires à travers lequel il allait continuer à diriger le dit ministère. Tout d’abord, je dois constater que pour les besoins de votre thèse vous gommez allègrement les mois pendant lesquels le portefeuille de la Défense a été confié au Général Augustin Ndindiliyimana sous l’éphémère gouvernement Nsanzimana. Ensuite, je retiens que vous ne contestez pas le profil de James Gasana dont l’ascension politique a été des plus fulgurantes.35 Dans ces conditions, il me parait surréaliste de votre part de venir affirmer que le Président Habyarimana qui l’avait appelé à toutes ces fonctions ne connaissait pas James Gasana au point de le prendre pour un homme de paille et de penser, objectivement, qu’à travers lui il allait continuer à gérer le Ministère de la Défense nationale. En lisant vos affirmations, je devine que vous ignorez tout des critères que nous avons suivi pour répartir les neuf ministères alloués au parti

33 Le 13 avril 1994, le représentant du FPR Claude Dusaidi a adressé au Président du Conseil de Sécurité une lettre dans laquelle il accusait de génocide, le Gouvernement intérimaire. L’Administration américaine va faire de même dès le mois de juin 1994.
34 Il s’agit des colonels Froduald Mugemanyi et Venant Musonera et du Major Rwabukwisi.
35 De retour des études doctorales James Gasana a successivement occupé les postes de directeur du Projet Crête Zaïre Nil, et celui de Président de la Commission Nationale d’Agriculture, avant d’entrer au Gouvernement comme Ministre de l’Agriculture de l’Elevage et de l’Environnement. Quand il a été nommé Ministre de la Défense en avril 1992, il était déjà une des personnalités importantes de Byumba, membre du Comité Central du MRND.

MRND par le Protocole d’Entente du 07 avril 1992 entre les partis MRND, MDR, PSD, PDC et PL. J’affirme que vous ne savez rien des discussions du Bureau Politique du MRND qui a donné les orientations à suivre dans le choix des militants à proposer au Président de la République pour occuper les ministères alloués à notre parti par le dit Protocole.36
3.10 Je suis étonné par les critiques formulées à l’endroit des membres du Gouvernement intérimaire, à commencer par le Président Sindikubwabo que vous qualifiez gratuitement de président fictif. Je me permets d’attirer votre attention sur la longue expérience qu’avait le docteur Sindikubwabo dans les affaires de l’Etat. Outre que c’est bien lui que la Constitution du 10 juin 1991 désignait pour assurer l’intérim du Président de la République suite à la situation particulière créée par l’assassinat du Président Habyarimana, le Docteur Théodore Sindikubwabo n’a pas assumé les fonctions de Président de la République par intérim comme un homme sans aucune expérience, parachuté à ce poste par opportunisme politique. Il avait été plusieurs fois ministre depuis l’avènement de la République, avant d’être élu député et, par la suite, Président du Conseil National de Développement. Aucun élément ne vous autorise à dire de lui qu’il était « un président fictif »37 Aucun élément non plus ne vous permet de qualifier d’extrémistes sans expérience, les membres du Gouvernement mis en place le 09 avril 1994. Pour preuve, je vous signale que le parti MRND a reconduit tous ses ministres dans les fonctions qu’ils occupaient depuis le 16 avril 1992 au moins. Vous ne pouvez pas raisonnablement nier l’expérience acquise par les personnalités comme André Ntagerura, Casimir Bizimungu, Augustin Ngirabatware, ou Daniel Mbangura. Ils avaient fait leur preuve au sein des différentes équipes ministérielles dirigées par Habyarimana du temps du MRND parti unique, et au sein de celles conduites par les premiers ministres issus du MDR, Dismas Nsengiyaremye et Agathe Uwiringiyimana, du temps du multipartisme.
3.11 Dans les pages 213 et 214 de votre livre, vous faites une présentation succincte de la situation qui a prévalu à l’intérieur du pays après le déclenchement de la guerre du FPR et décrivez les difficultés pour le régime Habyarimana de repousser l’agresseur venu de l’extérieur et de composer avec l’opposition intérieure naissante mais très agressive, et vous concluez en ces termes : « Le régime doit désormais faire face à un double front, intérieur et

36 Pour avoir conduit la délégation du MRND qui a négocié ce Protocole et avoir dirigé toutes les réunions du Bureau politique du MRND au cours desquelles ces questions ont été discutées, je puis certifier que la nomination de James Gasana au poste de Ministre de la Défense a obéi à des impératifs d’efficacité et aux critères de répartition des postes nous alloués, dans l’intérêt du Parti et non pour satisfaire à de basses préoccupations que vous voulez prêter au Président Habyarimana. (Page 174 de votre livre)
37 C’est ce que vous affirmez à la page 180 de votre livre.

extérieur. Il ne fit aucun effort pour récupérer l’opposition intérieure, mais chercha plutôt à la diviser, préférant ainsi partager avec son agresseur qui n ’en espérait pas tant. »38 Et vous ajoutez un peu plus loin : «Comment comprendre par exemple, que l’application de l’Accord d’Arusha ait été bloquée par le conflit autour du seul député de la CDR, alors que l’ensemble du dispositif à mettre en place comportait une large majorité de Hutu ? C’est que pour Habyarimana, contrairement au camp en face, tous les Hutu ne se ressemblent pas » 39Ces deux imputations contre le Président Habyarimana sont injustes et sans fondement.
En effet, vous savez avec quelle patience le Président de la République et le Premier Ministre Nsanzimana ont négocié avec les partis de l’opposition pour les voir entrer au gouvernement jusqu’à ce que, après deux mois de pourparlers sans succès, fut formé le premier gouvernement de coalition comprenant les ministres issus des seuls partis MRND et PDC, le 30 décembre 1991. Vous avez été témoin des négociations entreprises dès février 1992 entre le MRND et les partis MDR, PSD, PDC et PL en vue de la formation d’un gouvernement de large consensus national, afin de faire face plus efficacement à l’agresseur FPR. Vous connaissez les dispositions du Protocole d’entente du 07 avril 1992 qui a permis la formation du Gouvernement de coalition dirigé par Dismas Nsengiyaremye issu de l’opposition. Mais vous vous souvenez de ce que, malgré cette main tendue du président Habyarimana et les importantes concessions faites à ses adversaires politiques, du 29 mai au 03 juin 1992, les représentants de ces partis regroupés au sein des FDC se sont rendus à Bruxelles à l’insu du MRND qui venait de former avec eux un Gouvernement de consensus national. Les délégations conduites par Faustin Twagiramungu, Justin Mugenzi et Théoneste Gafaranga pour les partis MDR, PL et PSD respectivement, ont comploté avec celle du FPR contre le Président Habyarimana et le MRND40. Vous vous souvenez encore de la déclaration faite par Faustin Twagiramungu suite à l’offensive meurtrière du FPR sur la ville de Byumba une semaine à peine après la rencontre de Bruxelles41. A ce niveau, la question que je voudrais vous poser est la suivante : « Du Président Habyarimana qui venait d’associer l’opposition à la gestion du Pays dans le cadre de gouvernement de coalition formé le 16 avril 1992 et de vos amis de l’opposition partis pactiser avec l’agresseur FPR, qui a trahi ? Pourquoi pensez- vous qu’il faut toujours accabler Habyarimana même quand ce sont ses adversaires

38 Rwanda, le Droit à l’espoir, page 213.
39 Ibidem, page 214.
40 Voir à ce sujet, le Communiqué de Bruxelles du 03 juin 1992.
41 Vous l’avez reprise à la page 213 de votre livre et commentée en ces termes : « Il voulait tourner en dérision le Président Habyarimana et son secret désormais dépassé par les événements ».

qui sont fautifs ? » Lors de sa déposition devant la Chambre I du TPIR le 30 juin 2005, l’ancien ambassadeur américain au Rwanda, Mr Robert Flaten, qui a beaucoup aidé l’opposition naissante, a qualifié ce comportement d’inadmissible42.
3.12 Vous avez porté des allégations intentionnellement mensongères contre le Président Habyarimana, relativement à la conduite des négociations des accords de paix d’Arusha d’abord, aux blocages survenus dans leur mise en œuvre ensuite. Vous affirmez faussement que c’est autour du seul député de la CDR que la mise en place des institutions de la Transition Elargie au FPR a été bloquée, alors que vous savez très bien qui a bloqué quoi et pourquoi et vous en profitez pour accabler Habyarimana. Avouez que c’est inadmissible de la part de quelqu’un comme vous qui a eu le privilège de suivre de bout à bout les négociations d’Arusha et les tractations entre tous les acteurs politiques, y compris la Communauté internationale, pour la mise en application de l’Accord de Paix qui les a sanctionnées. Ainsi par exemple, vous n’ignorez pas les divisions survenues au sein des partis politiques, MDR et PL, quelques temps avant la signature de l’Accord de Paix d’Arusha et leurs incidences sur sa mise en œuvre. Vous n’ignorez pas non plus les intransigeances du FPR et son ingérence dans les conflits au sein du PL. Vous n’ignorez surtout pas le communiqué du 25 mars 1994 signé conjointement par le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU, le représentant du Facilitateur et les ambassadeurs occidentaux représentant les pays observateurs des Accords d’Arusha. Tous ces diplomates demandaient instamment au FPR de mettre fin à ses ingérences dans le parti PL et à son opposition à l’entrée du parti CDR dans le parlement de transition.
3.13 Vous avez, à juste titre, consacré de longs développements à vous expliquer sur les allégations portées contre vous en relation avec les massacres survenus à l’Ecole Technique de Kicukiro.43 Je ne ferai pas de commentaires sur vos explications manifestement embarrassées, s’agissant particulièrement de l’abandon pur et simple de l’ancien Ministre des Affaires Etrangères, Boniface Ngulinzira. Je comprends qu’il ne soit pas juste de vous tenir rigueur pour n’avoir pas réussi à sauver ces milliers de personnes en danger de mort, qui vous appelaient au secours ; surtout que comme vous le suggérez : « Vous avez fait tout ce que vos

42 A l’audience du 30 juin 2005, l’ambassadeur Robert Flaten s’est exprimé en ces termes : « C’étaient des négociations curieuses : La plupart des partis de l’opposition se sentaient plus à l’aise avec le FPR qu’avec leur propre gouvernement »
43 Il s’agit notamment des pages 233 à 253 de votre livre annoté.

seules étoiles pouvaient faire44. » Là où je comprends moins bien, c’est quand vous croyez approprié d’instrumentaliser45 le retrait par le Procureur de l’acte d’accusation porté contre vous. Or, vous savez comme moi que votre libération est le résultat des pressions de vos puissants amis et supporteurs dont certains témoins experts qui menaçaient de ne plus collaborer avec le Procureur s’il refusait de vous relâcher46.Vos anciens collègues haut gradés des FAR affirment ouvertement que votre transfert à Arusha a été contré par certaines puissances bien connues auxquelles vous auriez livré des secrets militaires. Si ces accusations étaient fondées, je n’hésiterais plus un seul instant à vous recommander gentiment, de suivre les conseils donnés par votre ami Charles Karemano à votre détracteur exalté, le fameux colonel Rwamuzinga Fidèle, pour ne pas un jour vous entendre rappeler le même proverbe rwandais: « Qui se gausse d’un prisonnier est pire qu’un chien. » 47

4. En guise de conclusion, laissez-moi vous dire quelques mots en rapport avec votre indélébile « Ego » qui risque de compromettre le généreux projet pour le peuple rwandais meurtri.

Comme je l’ai annoncé tout au début de cette réflexion, il n’est ni possible ni nécessaire de réagir à tous les sujets abordés dans votre livre et sur lesquels je ne partage pas totalement votre point de vue. Ainsi par exemple j’aurais certainement discuté la question de l’assassinat des casques bleues belges, la mise en place de la Commission Bagosora pour la définition de l’ennemi, la manipulation des termes à l’instar du vocable « Interahamwe » que vous traduisez faussement par « ceux qui se battent ensemble » comme si vous n’étiez pas rwandais, la plus grosse erreur de votre ami Dismas Nsengiyaremye lorsqu’en date du 07 mars 1993 à Dar-es-Salaam, il signa en cachette avec Kanyarengwe, le Document confidentiel48 à l’origine du renvoi des militaires français, le 15 décembre 1993, alors que le FPR se préparait à attaquer avec l’appui de ses sponsors que vous connaissez. Je ne le ferai pas de peur d’allonger excessivement cette lettre déjà trop longue.

44 Rusatira, op cité page 241.
45 Relire à ce sujet le Communiqué de presse du 20 août 2002, reproduit in extenso dans les pages 105 à 106 du livre annoté.
46 C’est bien le cas des témoins Experts André Guichaoua et Alison Des Forges.
47 Rusatira, op. cité, page 248.
48 Le Premier Ministre Dismas Nsengiyaremye et le Colonel Kanyarengwe avaient naïvement cru pouvoir reconstituer l’ancien axe Gitarama-Ruhengeri, à l’instar de Grégoire Kayibanda et Balthazar Bicamumpaka et ainsi se débarrasser facilement de Habyarimana, Kagame et Twagiramungu. C’est ainsi que Nsengiyaremye signa en cachette le retrait de militaires français.

Par contre, je ne peux pas m’arrêter avant d’avoir attiré votre attention sur l’intérêt que vous avez à prendre un peu de hauteur pour laisser à vos compatriotes rwandais et à tous vos lecteurs le souhait de vous manifester librement leur appréciation et leur attachement. Dans ce cadre, je me permets de vous livrer très franchement mon appréciation. Après la lecture de « Rwanda, Le droit à l’espoir », j’ai la preuve que le général Rusatira croit fermement à ses lointaines origines princières et se considère comme investi de la mission de sortir le Rwanda de l’abîme où il a été plongé par les extrémistes de tous bords. J’ai des indications précises sur les grandes lignes de son programme politique. Malheureusement, son livre donne également cette impression que le général Rusatira est trop sûr de lui-même et fait preuve d’un extraordinaire « Ego » qui risque de compromettre son généreux projet pour le peuple rwandais meurtri.

C’est avec l’espoir de provoquer une relecture de certains passages de votre ouvrage avec un peu de recul, que vous sont soumises ces quelques questions auxquelles vous n’êtes pas tenu de répondre49.

· Pourquoi pensez-vous que vous êtes né pour commander ?
· Comment pouvez-vous imaginer qu’avoir été major de votre promotion à l’Ecole d’Officiers ou premier de classe au Collège vous désignait automatiquement pour occuper les premières places dans le pays ?
· Vous avez affirmé quelque part dans votre livre que vous êtes un grand arbre qui a grandi à l’ombre d’un chêne. Dois-je comprendre par là que c’est votre façon de reconnaître qu’avant vous, le Général Habyarimana a lui aussi été major de sa promotion à l’Ecole d’Officiers? Si oui, comment pouvez-vous affirmer par la suite que par intérêt, vous auriez renoncé à lui faire ombrage ?
· Pourquoi voulez-vous que l’on vous lance des fleurs pour votre docile participation au coup de force du 05 Juillet 1973 qui a renversé le Président Kayibanda et les institutions que vous aviez juré de protéger ? Auriez- vous oublié que c’est vous qui avez escorté le Président Kayibanda jusqu’à Rwerere, son funeste lieu de détention ? Pourquoi les vrais républicains ou simplement ses enfants devraient vous féliciter pour cet acte d’ingratitude ?

49 Ces questions m’ont été inspirées par la lecture de vos nombreuses digressions, particulièrement celles contenues dans les pages 259 à 262.

Comment avez-vous pu imaginer que le Général Paul Kagame allait faire de l’inamovible directeur de cabinet du Général Habyarimana que vous avez été pendant 22 ans, son confident ou simplement son collègue et collaborateur ?

Ne pensez-vous pas que pour votre ouvrage, le titre « Général Rusatira : Carte de visite » aurait été plus indiqué ?

Je voudrais conclure ma plaidoirie en vous redisant, mon général, que j’ai lu avec intérêt et toute l’attention voulue votre livre. Je puis vous assurer que je ne doute pas un instant de la noblesse de vos intentions. Cependant, je vous avoue que je regrette cet « Ego », à mon avis excessif au regard de la gravité des sujets que vous avez courageusement et librement décidé de traiter. Afin de terminer par une note positive, je fais appel à l’héritage commun que tous les deux nous tenons de notre passage au collège du Christ-Roi de Nyanza. Le jeune frère que j’étais, parce que vous entamiez la classe de Poésie quand je suis entré en sixième latine, ce jeune frère qui n’est plus si jeune que ça50, vous rappelle ce paradigme appris de nos éducateurs humanistes : « Et si multa scio, plura tamen ignoro »51 .

Je vous présente mes respects.

50 A toutes fins utiles, j’annexe mon curriculum vitae.
51 Pour les non initiés au latin, l’expression signifie : « Même si je connais beaucoup de choses, j’en ignore encore davantage ». Je ne pense pas me tromper en disant que la modestie n’est pas votre fort.

5. L’auteur
Identification et études faites

Edouard Karemera est né le 1er septembre 1951, en secteur Rucura de la Commune Mwendo, Préfecture Kibuye. Il est le quatrième enfant de sa famille qui comprend quatre filles et trois garçons. Son père, Nkerabigwi Thomas est mort en exil après la destruction du camp de réfugiés hutu rwandais à Tingi Tingi, au Zaïre, en février 1997. Sa mère, Thérèse Nyirabatoni est morte à Birambo, sur la route du retour forcé de l’exil au Congo- Zaïre. C’était vers la fin de l’année 1996.

Edouard Karemera a fait ses humanités gréco-latines au Collège du Christ Roi à Nyanza, de 1964 à 1971. De 1971 à 1976, il a poursuivi ses études universitaires à la faculté de Droit de l’Université Catholique de Louvain en Belgique.

Fonctions exercées dans l’Administration et au sein du Gouvernement

Rentré au Rwanda en décembre 1976, Edouard Karemera a commencé sa carrière de fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur en janvier 1977 où il exerça les fonctions de Conseiller juridique pendant un peu plus d’une année. En mai 1978, il est nommé Secrétaire Général du Ministère de la Fonction Publique et de l’Emploi. En janvier 1979, il est transféré du Ministère de la Fonction Publique à la Présidence de la République où il va exercer les fonctions de Conseiller Juridique jusqu’à son entrée au Gouvernement, le 29 mars 1981.

De mars 1981 à janvier 1989, Edouard Karemera exercera successivement, les fonctions de Ministre de la Fonction Publique et de l’Emploi, Ministre à la Présidence de la République Chargé des Affaires Politiques, Administratives et Institutionnelles et de Ministre Chargé des Relations Institutionnelles. Député National représentant la circonscription électorale de Kibuye de 1982 à 1993, Edouard Karemera figurait sur la liste des candidats députés du MRND à l’Assemblée Nationale de Transition élargie au FPR. Du 25 mai au 17 juillet 1994, il a exercé les fonctions de Ministre de l’Intérieur dans le Gouvernement Intérimaire.

Fonctions exercées au sein du Parti MRND et à titre privé.

De septembre 1979 à juin 1991, Edouard Karemera était membre du Comité Central du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND). De juillet 1991 à avril 1992, il a occupé les fonctions de Secrétaire National du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement (MRND). Depuis juillet 1993, il était 1er Vice Président du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement (MRND).

Edouard Karemera a dirigé la Commission Nationale de Synthèse chargée par le Président Habyarimana de mener les consultations en vue des reformes politiques annoncées dans son message à la Nation le 05 juillet 1990. Le Rapport de cette Commission déposé en avril 1991 est à la base de la constitution du 10 juin 1991 qui a ouvert la voie au multipartisme.

A partir de janvier 1989, date de son départ du gouvernement, Edouard Karemera a évolué comme consultant en divers domaines juridiques et, depuis juin 1992 jusqu’à son départ en exil le 14 juillet 1994, en association avec un confrère, il avait ouvert un cabinet privé d’assistance et de conseils juridiques « BEACO »

Fait à Arusha, décembre 2005
Edouard Karemera.