Monday, March 27, 2006

Abdul Joshua Ruzibiza: Son temoignage au TPI pour le Rwanda siégeant à Arusha le 10 mars 2006


Cher Internautes,

La semaine passée, je vous ai fait parvenir en format PDF le transcript de l’interrogatoire et contre-interrogatoire du Lt. Joshua Ruzibiza dans le procès de THÉONESTE BAGOSORA, GRATIEN KABILIGI, ALOYS NTABAKUZE, et ANATOLE NSENGIYUMVA devant le TPIR.

Certains membres de ce forum m’ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure d’ouvrir les documents attachés en format PDF. Je suis parvenu à obtenir copie de la version française des procès-verbaux complets des deux séances, celle du 9 mars et celle du 10 mars 2006, en format MS Word.

Pour ceux qui ont déjà lu le livre de Ruzibiza, « Rwanda, l’histoire secrète » ou ses autres écrits (notamment sur Internet), je peux vous assurer que vous trouverez dans ces deux procès-verbaux des réponses à bien de questions que vous auriez aimé poser à Ruzibiza lui-même après lecture de son livre. En tout cas ce fut le cas pour moi. Avec du sang froid que je trouve hors du commun, Monsieur Ruzibiza a toujours su trouver des réponses aussi concises que précises. Personnellement, je n’ai relevé aucune contradiction dans ces dires, que ce soit au cours des audiences ou que ce soit dans ces précédents écrits. En tout état de cause, vous remarquerez que le bureau du procureur n’a rien ménagé pour coincer ce témoin, au point même de faire des commentaires allant jusqu’à quasiment s’attaquer à sa vie personnelle. Vous lirez par example à la page 47 du procès verbal du 10 mars les interventions suivantes où le représentant du procureur cherche à insinuer que le Lt. Ruzibiza est un chômeur qui chercher à gagner sa vie en formulant de fausses accusations contre certains membres du FPR et de l’APR. Lisez vous même ce bref exrait :

Rashid Rashid (Bureau du procureur)Q. Ainsi, voici un autre forum, une autre tribune qui vous permet de parler des crimes de l’APR et du FPR ; vous avez vous-même créé cette opportunité ?
Me ERLINDER (Défense de Ntabakuze) :Monsieur le Président, objection. Les témoins viennent ici parce qu’ils sont cités à comparaître. Donc, il ne crée pas une opportunité.
M. LE PRÉSIDENT :On n’a pas besoin de cela, Monsieur Rashid. Est-ce qu’il y a... Est-ce qu’il reste d’autres questions ?
M. RASHID :Une seule.
Q. Votre nouveau gagne-pain, votre emploi, maintenant, consiste à porter des accusations contre l’Armée patriotique rwandaise et le Gouvernement du Rwanda ; c’est ainsi que vous gagnez votre vie aujourd’hui ?
Me ERLINDER :Objection. Il n’y a pas eu de dépositions selon lesquelles il obtient un gain financier. Depuis que le témoin a... a commencé, et depuis qu’il est allé en asile politique... Au départ, il était en Ouganda ; après, il est allé dans un pays en Europe. Donc, je crois que cette présentation des faits n’est pas équitable.
M. LE PRÉSIDENT :C’était là la dernière question.
Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez un commentaire ? C’est volontaire.
R. Je ne sais pas s’il parle français pour qu’il puisse lire mon livre. Parce que, dans mon livre, je n’accuse pas le gouvernement, j’accuse plutôt certains individus, certains membres du gouvernement ; j’accuse aussi les Interahamwe et les extrémistes hutus. Et j’accuse aussi des puissances étrangères comme la France, et j’accuse aussi les Rwandais qui se sont... qui ont une part dans les crimes commis, ainsi que les conséquences que nous souffrons à cause de ce qui s’est passé. Mais, sinon, je précise que je ne combats pas le gouvernement en place. Et je ne suis pas venu devant cette Chambre pour accuser l’APR parce que, dans ce cas-là, je serais aussi accusé par... comme membre de l’APR. Et je suis tout simplement venu ici pour dire la vérité, parce que cette Chambre et ce Tribunal ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s’est passé.
M. RASHID :
Q. Vous n’avez pas un autre emploi, en ce moment, n’est-ce pas ?
R. Mais est-ce que vous pensez que je vis des accusations que je formulerais contre le gouvernement ?

Comme il est parfois impossible de lire les « attachments » sur yahoogroups.com, il est recommendé d’essayer d’ouvrir ces deux documents directement à partir de votre email.

Chacun des procès verbaux comprend plus de 80 pages et il serait conseillé de les imprimer afin de pouvoir les exploiter à votre aise.

Bonne lecture.

Jean-Claude Kalinijabo
27-03-2006

TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

AFFAIRE N° ICTR-98-41-T LE PROCUREUR
CHAMBRE I C.
THÉONESTE BAGOSORA
GRATIEN KABILIGI
ALOYS NTABAKUZE
ANATOLE NSENGIYUMVA

PROCÈS
Vendredi 10 mars 2006
8 h 55

Devant les Juges :
Erik Møse, Président
Jai Ram Reddy (absent)
Sergei A. Egorov

Pour le Greffe :
Marianne Ben Salimo
Edward E. Matemanga

Pour le Bureau du Procureur :
Barbara Mulvaney Drew WhiteChristine Graham Rashid Rashid

Pour la défense de Théoneste Bagosora :
Me Raphaël Constant (absent)
Me Allison Turner

Pour la défense de Gratien Kabiligi (absent) :
Me Paul Skolnik
Me Frédéric Hivon (absent)

Pour la défense d’Aloys Ntabakuze :
Me Peter Erlinder
Me André Tremblay

Pour la défense d’Anatole Nsengiyumva :
Me Kennedy Ogetto
Me Gershom Otachi Bw’Omanwa

Sténotypistes officielles :
Joëlle Dahan
Hélène Dolin

TABLE DES MATIÈRES
PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À DÉCHARGE

TÉMOIN JOSHUA RUZIBIZA
Suite du contre-interrogatoire de la Défense d’Anatole Nsengiyumva, par Me Ogetto............................. 2
Contre-interrogatoire du Bureau du Procureur, par M. Rashid.............................................................. 15
Interrogatoire supplémentaire de la Défense d’Anatole Nsengiyumva, par Me Erlinder.......................... 47

TÉMOIN DH133
Contre-interrogatoire du Bureau du Procureur, par Mme Graham........................................................... 60

PIÈCES À CONVICTION

Pour le Bureau du Procureur :
P. 382.............................................................................................................................................. 80

Pour la Défense d’Anatole Nsengiyumva :
D. NS 153......................................................................................................................................... 15

EXTRAITS SOUS SCELLÉS

Extraits............................................................................................................................................. 81
Extrait............................................................................................................................................... 36





(Début de l’audience : 8 h 55)

M. LE PRÉSIDENT :Bonjour. L’audience est ouverte. Nous allons siéger conformément à l’Article 15 bis du Règlement de procédure et de preuve aujourd’hui, car le Juge Reddy ne se sent pas bien. L’équipe de Kabiligi ?
Me SKOLNIK :Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge Egorov. Bonjour, chers Confrères. Bonjour, Monsieur Ruzibiza. Monsieur le Président, j’aimerais annoncer à la Chambre que le général Kabiligi est absent ; et j’aimerais que vous exprimiez au Juge Reddy nos souhaits de prompt rétablissement.
M. LE PRÉSIDENT :Merci beaucoup.
Me ERLINDER :Oui, Monsieur le Président, juste une petite question. Je crois que l’équipe de Kabiligi a demandé la permission d’interviewer Monsieur « Tchambe »... Tchemi-Tchambi — pardon —, et nous aimerions avoir nous aussi cette permission. Et il s’agit du témoin précédent pour l’équipe de Nsengiyumva, et nous n’avons pas eu l’occasion de lui parler.
M. LE PRÉSIDENT :Oui. Y a-t-il des commentaires sur cette requête avant que nous ne prenions une décision ?
Mme GRAHAM :Eh bien, je pense que l’exception accordée à l’équipe de Kabiligi était liée au fait qu’ils étaient en train de préparer leurs moyens de défense, et je crois que ce n’est pas le cas pour l’équipe de Ntabakuze. Donc, je ne comprends pas très bien le fondement de cette requête.
M. LE PRÉSIDENT :Pourriez-vous nous donner plus de détails ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je n’ai pas les mêmes raisons que l’équipe de Kabiligi, mais je voulais juste utiliser au mieux les ressources, parce que nous voulions profiter de la présence du témoin qui est une source d’informations qui nous semble utile. Et donc, bien sûr, nous nous tiendrons à la décision de la Chambre, mais il nous avait semblé que c’était la meilleure façon d’utiliser le temps et les ressources.

M. LE PRÉSIDENT :
Au vu des exigences concernant les ressources, nous allons, à titre exceptionnel, faire droit à votre requête, mais il ne faudrait pas que ça devienne une règle absolue.
Me ERLINDER :Non, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Bonjour, Monsieur le Témoin.
M. RUZIBIZA :Bonjour, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Votre contre-interrogatoire se poursuit. Maître Ogetto ?
Me OGETTO :Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge Egorov. Bonjour, Monsieur le Témoin.
M. RUZIBIZA :Bonjour, Maître.
CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
PAR Me OGETTO :
Q. Hier, vous vous souviendrez que nous nous sommes quittés au moment où nous étions en train de discuter de la question des grenades qui avaient été distribuées aux supporters du FPR à l’intérieur du Rwanda ; vous vous en souvenez ?
M. RUZIBIZA :
R. Je m’en souviens.
Q. Un peu plus tôt, vous aviez expliqué à la Chambre qu’avant l’arrivée des 600 membres du FPR au CND, ces grenades provenaient de zones contrôlées par le FPR ; est-ce que vous le confirmez ?
R. Je m’en souviens.
Q. Est-ce que vous auriez la gentillesse de nous donner certains des noms des endroits d’où provenaient ces grenades ?
R. Il n’y a pas d’endroit spécifique qui a été utilisé en permanence pour de telles distributions ; ces distributions pouvaient être organisées à n’importe quel endroit.
Q. J’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas d’endroits précis, mais il doit quand même y avoir eu des lieux où ces distributions se sont faites ? Et ce sont les noms que je souhaitais que vous nous donniez,si vous vous en souvenez.
Q. L’endroit que je connais où du matériel militaire était distribué aux cadres — et je dois préciser que c’est seulement quelques cadres : Il s’agit donc de Cyondo — « Cyondo » s’épelle : C-Y-O-N-D-O. Il y a également Karama — qui s’épelle : K-A-R-A-M-A. Il y a aussi Miyove — qui s’épelle : M-I-Y-O-V-E. Et quelquefois, ce matériel était distribué à Mulindi — « Mulindi » qui s’épelle : M-U-L-I-N-D-I. Quant aux autres endroits, ce n’étaient pas des endroits qui étaient utilisés pour ces distributions en permanence.
Q. Est-ce que vous pouvez nous dire où Cyondo et Miyove se trouvent au Rwanda ?
R. Cyondo est situé dans la cellule commune de Kiyombe — « Kiyombe » qui s’épelle : K-I-Y-O-M-B-E —, et c’est dans l’ancienne préfecture de Byumba. Quant à Miyove, Miyove se situe dans l’ancienne commune de Cyungo — « Cyungo » qui s’épelle : C-Y-U-N-G-O —, et c’est également dans l’ancienne préfecture de Byumba.
Q. Vous avez aussi dit à la Chambre qu’après l’arrivée de l’équipe de l’APR au CND, ces grenades qui avaient été distribuées à l’intérieur du Rwanda provenaient de l’intérieur du CND et avaient été distribuées par le biais de membres du... de l’APR à l’extérieur du CND ; est-ce bien exact ?
R. C’est exact.
Q. Est-ce que vous vous souvenez de la façon dont ces grenades sont arrivées au CND ?
R. Au CND était basé notre 3e bataillon qui était armé et qui était autorisé à avoir des armes. Il était donc autorisé... Ce bataillon avait l’autorisation de porter ces armes et avoir des munitions, et même des grenades. C’était tout à fait légal.
Q. Mais avait-il l’autorité, le droit de distribuer ces grenades à l’extérieur du CND ?
R. Cette opération, elle, était illégale.
Q. Est-ce que vous nous déclarez qu’il y avait des stocks d’armes qui avaient été distribués à l’extérieur du CND ?
R. Je ne peux pas connaître l’état de leur dotation. Je ne connais pas la dotation en grenades ou en munitions pour chaque militaire, parce que cela dépend de l’opération dans laquelle ce militaire est engagé.
Q. Vous avez aussi dit que vous étiez l’une des personnes qui se trouvaient à l’extérieur du CND et qui avait participé à la distribution de ces armes ; est-ce bien exact ?
R. Personnellement, je n’ai jamais participé à cette opération.
Q. Est-ce que vous vous souvenez si l’un ou l’autre de vos collègues a participé à cette opération ?
R. Oui.
Q. Combien de vos collègues — est-ce que vous vous en souvenez ? — auraient participé à la distribution de ces armes à l’extérieur du CND ?
R. Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres, parce que c’était une opération qui était menée dans le secret et « dans » laquelle participait différentes personnes.
Q. Et il est vrai que cette distribution s’est faite sur l’ensemble du territoire rwandais ?
R. Oui, mais cela c’est surtout produit dans la ville de Kigali, parce que c’est dans cette ville de Kigali où il était plus facile pour les éléments de l’APR de distribuer ce matériel sans difficulté.
Q. Et, pour que les choses soient claires, cette opération, cette distribution d’armes à l’extérieur du CND a eu lieu avant le 6 avril 1994 ?
R. Oui.
Q. Êtes-vous en mesure de nous donner une approximation quant au nombre d’armes distribuées au cours de cette période à l’extérieur du CND ?
R. Non, je ne suis pas en mesure d’avancer des chiffres parce que je n’ai pas eu l’occasion de faire un recensement exhaustif.
Q. Mais diriez-vous qu’un grand nombre d’armes a été distribué ?
R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « grand nombre », parce que, comme je vous ai dit, je ne voudrais pas avancer de chiffres. Je sais tout simplement que des armes ont été distribuées parmi les personnes qui avaient la confiance du FPR. Ce n’était pas une distribution à la taille d’un bataillon et ce n’était pas des armes qui devaient être utilisées dans une opération généralisée ; c’était une arme par-ci, une autre par-là.
Q. Merci d’avoir apporté cette explication. Vous avez aussi évoqué ce que vous avez appelé la « dissimulation d’armes », qui a eu lieu aux alentours du mois de février 1993 dans la commune de Butaro ; vous vous en souvenez ?
R. Je n’ai pas parlé du mois de février. J’ai plutôt dit que cela s’est passé après l’attaque du 8 février 93.
Q. Mais vous avez dit que cette dissimulation d’armes avait bien eu lieu dans la commune de Butaro, n’est-ce pas ?
R. Oui, c’est exact, et c’était au mois d’août. Et l’opération a pris fin au mois de septembre.
Q. Et vous avez dit qu’un total d’environ 100 à 120 tonnes d’armes avait été caché au cours de cette période ; c’est bien correct ?
R. Cela est exact, parce que j’étais moi-même sur place.
Q. Quel était le but de cacher ces armes ?
R. Si je me réfère à ce que mes collègues m’ont dit — je veux dire mes collègues qui étaient sur place eux-mêmes —, ces armes devaient être utilisées pour pouvoir s’emparer du pouvoir, que ce soit après qu’il y ait eu fusion des deux forces combattantes ou que ce soit dans le cas où il y aurait reprise des hostilités.
Q. Est-ce que vous vous souvenez du type d’armes qui a été dissimulé ?
R. J’ai déjà répondu à cette question hier. J’ai précisé que nous n’avions pas caché des armes, mais que c’étaient plutôt des munitions. Et c’étaient des roquettes, des bombes, ainsi que des munitions pour armes légères.
Q. Merci pour cet éclaircissement. Vous avez mentionné deux autres endroits où ces armes ont été cachées — et je crois que vous avez mentionné Kaniga et Gatuna, ainsi que Mutura —, et vous avez dit que des armes avaient été cachées à ces endroits au cours de cette période ; est-ce bien exact ?
R. J’ai parlé de Kaniga qui se situe près de Gatuna, et j’ai ensuite parlé de Ngarama qui se situe dans la région du Mutara.
Q. Est-ce que vous vous souvenez de la quantité exacte d’armes qui ont été dissimulées dans ces deux autres endroits ?
R. Personnellement, je ne connais pas la quantité du matériel qui a été dissimulé à ces deux endroits. Mais, d’après les informations que j’ai pu recevoir de mes collègues à Ngarama, il y avait plus de matériel qu’à Butaro. Mais je ne suis pas en mesure de préciser les quantités qui se trouvaient à Ngarama.
Q. Est-il vrai que ces armes qui ont été dissimulées au cours de cette période ont été utilisées par l’APR avant les événements du 6 avril 1994 ?
R. Après l’attentat contre l’avion présidentiel, c’est... ce matériel a été récupéré et s’est ajouté à celui dont disposaient déjà les militaires. Et ce matériel, donc, a été utilisé dès la reprise des hostilités.
Q. Mais est-ce que certaines de ces armes ont été utilisées avant le décès du Président ?
R. Non.
Q. Vous souvenez-vous qu’avant votre déposition, nous avons discuté sur certains des événements que nous évoquons maintenant ? Vous vous en souvenez ?
R. Oui.
Q. Vous m’avez dit — et si je me trompe, vous pouvez me corriger — qu’entre la fin de 1993 et avril 1994, l’APR, avec l’aide consciente ou inconsciente de la MINUAR, avait réussi à passer en contrebande des armes non autorisées au CND ; vous vous en souvenez ?
R. Je me rappelle vous avoir dit que certaines armes ont été illégalement introduites ou ont été transportées jusqu’au CND et avec un convoi de la MINUAR, mais j’ai ajouté que je n’étais pas certain que la MINUAR était informée de cette opération.
Q. Est-ce que vous pouvez brièvement expliquer quelle méthode a été utilisée pour introduire, à l’intérieur du CND, ces armes ?
R. Lorsque je me suis rendu à Kigali, j’ai moi-même voyagé dans un convoi de la MINUAR, et c’est le premier exemple que je vais vous donner. Le véhicule à bord duquel j’ai voyagé avait à son bord trois tonnes de vivres, de riz et de haricots. Et dans chaque sac, il y avait au moins 50 grenades ; et dans d’autres sacs, il y avait des kalachnikovs en pièces détachées. Et ce matériel était donc mis dans les sacs contenant les vivres, et les sacs étaient fermés, et ces sacs étaient acheminés avec des convois de la MINUAR. C’est là un exemple dont j’ai moi-même été témoin.
Q. Et ce convoi n’a jamais subi de fouilles ou de vérifications, le long du chemin ?
R. Au départ, les convois de la MINUAR étaient contrôlés. Mais, à l’époque où je me suis rendu à Kigali, la MINUAR s’était plainte du fait qu’on leur faisait perdre beaucoup de temps aux barrages routiers, et ils avaient demandé qu’on cesse de procéder au contrôle de ces convois.
Q. Savez-vous si la MINUAR a demandé à... à ce que ces fouilles s’arrêtent pour aider l’APR ?
R. Ce serait de la spéculation de ma part, parce que je n’ai aucun élément pour confirmer cela.
Q. Merci. Dans votre déclaration, vous évoquez ce que vous appelez l’unité network ; vous vous en souvenez ?
R. Je m’en souviens.
Q. Est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre de quoi il s’agissait, dans le contexte de la hiérarchie de l’APR ?
R. Je dois préciser que ce que j’appelle network n’était pas une unité spécifique, c’étaient plutôt des éléments qui venaient de différentes unités et qui travaillaient en collaboration et sous la supervision des instances de renseignement.
Q. Et quelles étaient les fonctions de ces hommes ?
R. Il y avait différents sous-groupes, mais ils avaient tous en commun la collecte d’informations, le renseignement. On devait chercher des renseignements relatifs au combat, on devait aussi mener des actes de sabotage ; on devait aussi disséminer le matériel militaire parmi les membres du FPR qui se trouvaient à l’intérieur du pays ; et pour le reste, c’était le renseignement.
Q. Est-ce que, à un moment ou à un autre, vous avez fait partie de ce network ?
R. Oui, j’ai fait partie de ce groupe.
Q. Une autre des fonctions de ce network, c’était d’organiser les assassinats de personnes ciblées par le FPR ; c’est bien exact ?
R. Et si je n’avais pas mentionné cela, je précise que cela faisait aussi partie des missions de ce groupe.
Q. Une autre mission que vous avez mentionnée dans votre déclaration en ce qui concerne ce groupe — ce groupe network —, c’était d’empoisonner l’eau utilisée par les populations déplacées pour cause de guerre ; est-ce que vous le confirmez ?
R. Non, cela s’est produit avant que ce groupe que j’appelle network ne soit mis sur pied. Mais je dois préciser qu’à l’époque où cela se faisait, c’était aussi fait par des agents du renseignement militaire.
Q. Et qu’est-ce qui a été fait par les services de renseignement militaire ; est-ce que vous pouvez nous donner des détails ?
R. C’est ce que vous venez de me dire : Vous venez de me demander si le personnel du groupe network était employé pour empoisonner l’eau qui était utilisée par les personnes déplacées par les opérations de combat. Et je vous ai répondu, donc, que l’empoisonnement de l’eau qui était utilisée par les déplacés de guerre se faisait avant que le groupe network ne soit mis sur pied, mais que même à cette époque, cette opération était menée par des agents du renseignement militaire.
Q. Et pourquoi était-il nécessaire d’empoisonner l’eau qui devait être consommée par ces populations déplacées ?
R. Personnellement, je ne connais pas de raison officielle. Je pense que c’était une question de méchanceté, tout simplement.
Q. Est-ce que le général Paul Kagame était au courant de cela ?
R. Je ne le sais pas.
Q. Est-ce que vous savez si le FPR ou l’APR avait infiltré des partis politiques au Rwanda ?
R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous dites « infiltré les partis politiques ». Mais, après la reprise des hostilités, c’est comme si la guerre était devenue ethnique ; et les Tutsis qui se trouvaient au sein des partis politiques à l’intérieur du pays ont continué à appartenir à ces partis politiques, mais ils étaient en même temps des partisans du FPR. Et je ne sais pas si c’est cela que vous appelez « infiltration des partis politiques ».
Q. Excusez-moi. Laissez-moi essayer de reformuler ma question : Est-ce que vous savez si le FPR, ou l’APR, a fait des tentatives dans le but de recruter des sympathisants au sein des partis politiques du Rwanda ?
R. Je sais que cela a eu lieu, mais je n’ai pas de preuve. Et je ne voudrais pas m’avancer plus loin parce que cela risque d’être considéré comme de la spéculation.
Q. Est-ce que vous savez si le FPR ou l’APR a essayé d’obtenir le soutien des médias au Rwanda ?
R. Il y a certains faits que je pouvais observer, mais pour lesquels je ne peux pas donner de preuve. Et dans ce cadre, certains organismes de presse qui étaient dirigés par les Tutsis pouvaient, par exemple, publier des articles qui cadraient avec l’idéologie et les objectifs du FPR.
Q. Est-ce que vous pouvez citer des noms de ces organisations qui étaient régies par les Tutsis ?
R. Je parlais, par exemple, du journal Kanguka ; je parlais aussi du journal Isibo, ainsi que beaucoup d’autres dont les... certains journalistes pouvaient être des Tutsis qui pouvaient publier des articles en faveur du FPR.
Me OGETTO:« Kanguka », c’est : K-A-N-G-U-K-A, Monsieur le Président. « Isibo » : I-S-I-B-O.
Q. Connaissez-vous Kajeguhakwa ?
R. Oui.
Me OGETTO:« Kajeguhakwa » : K-A-J-E-J-U-H-A-K-W-A (sic).
Q. Et comment avez-vous été amené à faire la connaissance de cette personne ?
R. Je connais Kajeguhakwa parce qu’il était un commerçant tutsi qui a vécu au Rwanda jusqu’en 1989 ou 90 avant de s’exiler en Ouganda d’où il est rentré avec le FPR, lorsque le FPR a envahi le Rwanda ; et c’était un des financiers du FPR.
Me OGETTO :Monsieur le Président, mon client m’informe qu’en ce qui concerne la réponse à l’une de mes questions sur les journalistes de ces organisations évoqués par le témoin, le témoin a dit qu’il pouvait s’agir de Tutsis ou de Hutus, et que dans la traduction on a juste dit « Tutsis ».
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Avez-vous entendu, Monsieur le Témoin ? Est-ce que vous vous souvenez de votre réponse ?
R. J’ai répondu que ces journalistes pouvaient être des Tutsis ou des Hutus, mais que tous avaient en commun qu’ils supportaient l’idéologie du FPR.
Me OGETTO :
Q. Êtes-vous en mesure de nous donner des noms de journalistes hutus qui soutenaient l’idéologie du FPR ? Si cela ne vous pose pas de problème, vous pouvez mentionner les noms ; autrement, vous pouvez aussi les écrire.
R. Je pourrais citer Isaïe Npayimana. Je ne sais pas s’il était hutu ou s’il était twa, mais tout ce que je sais, c’est qu’il n’était pas tutsi. Et « Npayimana » s’écrit : N-P-A-Y-I-M-A-N-A ; son prénom, c’est « Isaïe » : I-S-A-I-E. Je pense qu’il est hutu.
Q. Est-ce que vous vous souvenez pour quelle organisation cette personne travaillait dans les médias ?
R. Je ne me rappelle plus, mais si jamais le nom du journal me revient, je vais vous le donner.
Q. Je vous remercie. Passons maintenant à un autre sujet. Vous avez, de façon exhaustive, parlé de l’attaque par l’APR de populations civiles au Rwanda ; et dans votre déclaration, qui a été versée aux débats en la présente affaire, vous dites que certaines de ces attaques contre des populations civiles avaient accru la haine interethnique à tel point que la population hutue, de façon spontanée, avait participé aux tueries génocidaires de leurs compatriotes tutsis. Est-ce que vous confirmez que vous avez dit cela dans votre déclaration ?
R. Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que certains membres de la population hutue se sont joints au génocide spontanément.
Q. Monsieur le Témoin, je lisais simplement ce que vous aviez dit dans votre déclaration. Monsieur le Président, est-ce qu’on pourrait remettre une copie de cette déclaration au témoin ?
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Pourquoi est-ce que vous n’êtes pas d’accord, Monsieur le Témoin ?
R. Je ne suis pas d’accord avec cette assertion, parce qu’il y a des gens qui ont encouragé ces tueries. Les populations ne se sont donc pas « joint » aux actes de génocide d’une manière spontanée, même si, dans ma déclaration, je dis que les attaques du FPR ont contribué à accroître cette haine interethnique pour faciliter la sensibilisation de ces mêmes populations à se joindre aux tueries.
M. LE PRÉSIDENT :Quelle page voulez-vous que le témoin regarde dans la version française, Maître Ogetto ? « D. B 136 » ?
Me OGETTO :C’est bien cela. Celui qui a été versé aux débats, « D. B 136 ».
M. LE PRÉSIDENT:Remettez cela au témoin — quelle page ? —, si vous voulez le lui montrer.
Me OGETTO :C’est ce que je vais faire, Monsieur le Président.

(Le greffier d’audience s’exécute)


M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que vous avez la référence en anglais, ainsi ce sera facile de retrouver cela dans l’autre document ?
Me OGETTO :Oui. La référence anglaise, c’est à la page 11, dixième paragraphe, la dernière phrase.
R. La copie que j’ai... Les pages de la copie que j’ai ne sont pas numérotées, Maître.
Me OGETTO :Je vais y arriver, Monsieur le Témoin. Parlons maintenant d’abord de la version anglaise.
M. LE PRÉSIDENT :Maître Ogetto, quels sont les premiers mots au niveau du paragraphe que vous mentionnez, à la page 11 ?
Me OGETTO :Regardons le paragraphe 2, la dernière phrase de ce paragraphe.
M. LE PRÉSIDENT : Répondez à ma question : Quel est le premier mot ou quels sont les premiers mots de ce premier paragraphe ? Parce que, quelques fois, il y a des versions différentes. Lisez-nous simplement les premiers mots en anglais.
Me OGETTO :Chapitre 3.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que c’est la phrase soulignée ?
Me OGETTO :Exactement.
M. LE PRÉSIDENT :Ce qui commence par deux ou trois mots. Très bien. Vous avez raison, Monsieur le Témoin, la version française n’a pas de pagination. On va essayer de le retrouver ensemble.
R. (Intervention non interprétée)
Me OGETTO :
Q. Comptez 16 pages... Comptez 16 pages, Monsieur le Témoin. Elles ne sont pas indiquées, mais comptez 16 pages. À la seizième page, il y a un long paragraphe au milieu de cette page. Vous y êtes ?
R. Donnez-moi le mot qui commence le paragraphe, Maître.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Oui, Monsieur le Témoin. Ça commence par : « L’attaque de Byumba » ; est-ce que vous voyez cela, au milieu de la page ?
R. Non, Monsieur le Président. Il m’a parlé de la page 16 et à moins que... Même si vous lisez le paragraphe, je pourrais néanmoins comprendre le contenu, Maître.
Me OGETTO :Merci pour votre aide, Monsieur le Président. Donc ayez l’amabilité de regarder la copie du Président et vous pourrez vous retrouver.
R. J’ai déjà retrouvé le passage.
M. LE PRÉSIDENT :J’aimerais bien récupérer ma copie maintenant.

(Le greffier d’audience s’exécute)Très bien. Nous avons retrouvé le paragraphe.
Q. Est-ce que vous voyez la dernière ligne : « Voilà une autre voie » ?
R. Oui, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Je crois que c’est là le fondement de la question. Est-ce que vous voulez continuer, Maître Ogetto ?
Me OGETTO :Oui, Monsieur le Président. Est-ce qu’il pourrait lire, pour le procès-verbal, la dernière phrase de ce paragraphe ?
M. RASHID : Objection. Parce que je crois qu’on doit regarder ce paragraphe en contexte et je crois que le fond du paragraphe mène à une certaine conclusion. Et je crois qu’il serait inéquitable que le témoin lise uniquement cette partie.
M. LE PRÉSIDENT :Monsieur le Témoin, vous allez bien entendu voir cela en contexte. Vous avez lu cette déclaration et vous pourrez commenter cette phrase à la lumière du contexte global. Mais pour commencer, lisez la dernière phrase... la dernière phrase — plutôt — en français, afin qu’on l’ait dans le transcript en anglais. Et les questions vont suivre.
Me OGETTO :
Q. Lisez cette dernière phrase de ce paragraphe, s’il vous plaît.
R. (Le témoin lit directement en français) « Voilà une autre voie par laquelle la haine des Hutus s’est attisée jusqu’à atteindre le génocide. »
M. LE PRÉSIDENT :Les questions maintenant.
Me OGETTO :
Q. Avant que je ne vous pose une autre question, consultons une autre déclaration que vous avez faite concernant le génocide. Dans votre déclaration, vous dites que ce génocide n’aurait pas été possible sans un événement pour le déclencher, parce que, même sous l’influence de la folie, les Hutus ne pouvaient pas tout simplement décider de se lever un matin et aiguiser leurs machettes pour décapiter les Tutsis jusqu’à en tuer un million. Est-ce que vous confirmez que vous avez tenu ces propos ?
R. Oui, je l’ai dit et je le confirme. Mais j’ai toujours un problème à propos de la dernière phrase du deuxième paragraphe que vous m’avez demandé de lire.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, nous avons suivi cela. Et la question est la suivante maintenant, Maître Ogetto... Parce que vous avez commencé cet exercice comme conséquence d’une réponse donnée par le témoin s’agissant « le » mot « spontanément », et je ne vois pas le mot « spontanément » dans la phrase que nous avons lue jusqu’ici. Est-ce que vous voulez continuer là-dessus pour éclaircir ?
Me OGETTO :Je comprends. La raison pour laquelle je donne cette autre citation, c’est pour mettre tout en contexte. Parce qu’il y a un certain nombre de déclarations qu’il a faites, Monsieur le Président, et même si le terme « spontanément » n’y est pas, cela ne change pas notre compréhension de ce que le témoin a dit.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, mais est-ce que ce ne serait pas équitable, d’abord, de regarder cette dernière phrase dans le contexte de ce paragraphe ? Est-ce qu’il y a autre chose dans ce paragraphe que vous voulez soumettre au témoin par rapport à sa réponse précédente ?
Me OGETTO :Non, rien d’autre.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien.
Me OGETTO :Mais je dois dire ceci : La version anglaise contient le mot « spontanément » ; c’est très clair, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Ce qui nous intéresse, c’est l’original, bien entendu.
R. C’est pour cette même raison que j’ai dit que je n’admettais pas la version anglaise, parce que je n’étais pas certain que le contenu était exactement le même que celui de la déclaration en français.
Me OGETTO :
Q. Dans vos déclarations, vous dites également que le génocide était causé par une combinaison compliquée de problèmes qui étaient causés par la guerre, notamment le comportement de l’APR dans les zones qu’elle contrôlait ; est-ce que vous confirmez cela ?
R. Posez-moi plutôt la question de façon directe, Maître.
Q. Je croyais que c’était suffisamment direct. En fait... En fait, je suis en train de vouloir confirmer ce que vous avez dit dans votre déclaration. Est-ce que vous avez dit que ce génocide était causé par une combinaison de différents facteurs, y compris les attaques du FPR et la façon dont cette attaque était menée ?
R. Je reconnais qu’il y a des exactions commises par le FPR... les troupes du FPR ont commises, et ces fautes ont exacerbé la façon ou bien la réaction des membres de la population. Mais je ne suis pas d’accord « à » ce que vous dites que cela a causé le génocide.
Q. Dans votre déclaration, vous dites que certaines de ces attaques du FPR étaient perpétrées avec beaucoup de méchanceté et une sauvagerie extrême ; est-ce que vous confirmez ces propos ?
R. Je suis d’accord avec vous, mais sur certains camps... sur certains cas ; sinon, les opérations qui étaient menées par le FPR n’étaient pas toutes pareilles.
Q. En réalité, vous avez donné des illustrations de cette méchanceté et de cette sauvagerie. Vous avez parlé des situations au cours desquelles l’APR forçait ses victimes à creuser leur propre tombe avant de les tuer ; est-ce que vous confirmez cela ?
R. Je suis d’accord, il y a eu des crimes de guerre qui ont été commis par les membres de l’APR. Je suis d’accord avec vous.
Q. Et vous convenez avec moi que la plupart de ces crimes atroces, ces crimes de méchanceté, avaient été commis contre des Hutus globalement ?
R. Ces crimes n’étaient pas commis à l’encontre uniquement des Hutus. Nous avons donné l’exemple, notamment celui de Kabatwa, où les Tutsis ont été victimes de ces crimes. Ce n’était pas donc uniquement des Hutus qui étaient victimes de ces crimes.
Q. Je le comprends, mais une majorité des victimes de ces crimes était hutue, n’est-ce pas ?
R. En ce qui me concerne, je ne suis pas d’accord « à » ce que le FPR ou l’APR avait l’objectif d’exterminer des Hutus. Je dis bien que certains militaires ont commis ces exactions, mais ça a été collé au dos du FPR. Il s’agissait donc de cas isolés.
Q. Dans votre déclaration... En fait, dans vos deux déclarations et dans votre livre, vous parlez de la stratégie de l’APR qui consistait à déstabiliser le Rwanda... le Gouvernement et l’État rwandais entre juillet 1991 et 1994 ; vous en souvenez-vous ?
R. Oui, j’ai fait cette déclaration.
Q. Dans certaines situations, cette stratégie consistait, entre autres, à planter... à mettre des mines dans la terre et à laisser des bombes sur toute l’étendue du territoire ; vous... est-ce que vous confirmez cela ?
R. Je le confirme.
Q. Est-ce que vous confirmez également que dans le cadre de cette stratégie, l’APR a tiré sur des véhicules transportant des passagers à l’intérieur du Rwanda ?
R. Je le confirme, mais je vous demanderais « que » vous n’employiez pas le terme « FPR », sinon cela va risquer de généraliser la situation alors que je n’en suis pas d’accord.
M. LE PRÉSIDENT :Ce que vous faites maintenant, Maître Ogetto, c’est que vous mettez en évidence certaines parties d’un document qui est déjà versé en preuve. Cela est légitime, mais cela consomme beaucoup de temps, et si vous voulez tout simplement que le témoin confirme ce qu’il a dit, et... n’ajoutez pas de nouveaux éléments. Et si vous n’ajoutez pas de nouveaux éléments, on n’obtient pas grand chose. Donc, ayez cela à l’esprit.
Me OGETTO :Oui, Monsieur le Président. En fait, c’est la dernière confirmation que je voulais obtenir du témoin.
Q. Monsieur le Témoin, connaissez-vous le colonel Anatole Nsengiyumva ?
R. Je le connais de nom, et je sais qu’il a été le chef des services de renseignements et qu’il a été le chef des opérations militaires dans la région de Gisenyi. Sinon, je n’ai pas davantage d’informations à propos de lui.
Me OGETTO:Je vous remercie. Monsieur le Président, j’en ai presque terminé. Est-ce qu’on peut remettre au témoin la pièce D. NT 215 ?

(Le greffier d’audience s’exécute)
Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ces documents vous disent quelque chose ?
R. Je m’en souviens, Maître.
Q. Vous pouvez voir où apparaît OPS Gisenyi sur ce document ?
R. Oui, j’ai déjà localisé cet endroit.
Q. Il y a deux chiffres à côté de Gisenyi... de OPS Gisenyi, il y a 600, et il y a un autre chiffre qui semble être 3 000. Est-ce que vous l’avez vu ?
R. J’y suis, Maître.
Q. Dites-nous : Que représente le chiffre 600 ?
R. Pour moi, ce chiffre est une estimation des effectifs de l’infanterie qui se trouvait à cet endroit, en date du 6 avril 1994.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Les troupes de qui ? Les hommes de qui ?
R. Il s’agissait des troupes du... de l’armée gouvernementale qui ne sont pas, par ailleurs, des troupes de l’armée actuelle.
Me OGETTO :
Q. Qu’en est-il du chiffre 3 000 ?
R. Il s’agit toujours d’une estimation des effectifs... du moins, des troupes qui se trouvaient dans la zone opérationnelle de Ruhengeri, qui se trouvaient à Ruhengeri en date du 6 avril 1994.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Les hommes de qui ?
R. Je l’ai déjà dit, il s’agissait des troupes de l’armée gouvernementale.
Me OGETTO :
Q. Comment avez-vous obtenu cette information ?
R. J’ai appris cette information lors de la collecte d’informations que nous avons menée en 1994 quand nous nous préparions à l’attaque. Et j’ai poussé mon enquête auprès des membres « d’ex »-FAR quand je préparais le livre que j’ai déjà écrit. Et j’ai fait l’estimation qui nous concerne pour le moment.
Q. Connaissez-vous le nombre de militaires de l’APR qui étaient disponibles dans cette région, à cette période-là ?
R. Parlez-vous du 6 avril 1994, Maître ?
Q. Oui, au 6 avril 1994.
R. Oui... Même si je ne sais pas le nombre exact des troupes du FPR qui devaient être déployées dans cette région, je dois dire que ceux qui étaient proches de la région... de la région opérationnelle de Ruhengeri étaient plus ou moins 4 500.
Me OGETTO :Monsieur le Président, pour terminer, j’ai un document à distribuer.

(Le greffier d’audience s’exécute)Pour le procès-verbal, Monsieur le Président, ce document m’a été remis par l’équipe de Ntabakuze, et je voudrais tout simplement que le témoin identifie ce document-là.
Q. Reconnaissez-vous ce document, Monsieur le Témoin ?
R. Je sais et je connais le contenu de ce document, étant donné que c’est moi qui l’ai élaboré.
Q. En quoi consiste ce document ?
R. Sur ce document, il y a un croquis, il y a des lignes noires et il y a une topographie de la ville de Kigali. Et là, figure le nombre de bataillons et d’unités du FPR qui étaient arrivés à Kigali à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai.
Me OGETTO :Merci, Monsieur le Président. C’est la fin de mon interrogatoire de ce témoin, et je souhaiterais qu’on verse ce document en preuve.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien. Monsieur Matemanga ?
M. MATEMANGA : « D. NS 153 ».
M. LE PRÉSIDENT :Merci.

(Admission de la pièce à conviction D. NS 153)
Me OGETTO :Merci, Monsieur le Témoin.
M. LE PRÉSIDENT :Maître Turner, est-ce que vous voulez poser des questions supplémentaires ?
Me TURNER :Monsieur le Président, la Défense de Bagosora n’a plus de questions à poser.
M. LE PRÉSIDENT :Merci beaucoup. Le Procureur ?

CONTRE-INTERROGATOIRE
PAR M. RASHID :
Q. Monsieur le Témoin, quand avez-vous quitté le Rwanda pour aller au Burundi ?
M. RUZIBIZA :
R. J’ai quitté le Rwanda vers le Burundi en 1980.
Q. Et donc, à l’époque, vous aviez 10 ans ; c’est bien cela ?
R. Correct.
Q. Pourquoi êtes-vous parti ?
R. Je suis parti à la recherche « des » études, étant donné qu’au Rwanda, en tant que Tutsi, je ne pouvais pas avoir accès aux études.
Q. Et pourquoi est-ce qu’en tant que Tutsi, vous ne pouviez pas avoir accès aux études au Rwanda, en 1980 ?
R. Il y avait une... Il y avait une discrimination à l’encontre des Tutsis, et surtout la région où j’habitais, à savoir le Bugesera, était presque mise en quarantaine ; c’était presque impossible d’avoir accès aux études.
Q. Le génocide des Tutsis qui a eu lieu au Rwanda entre avril et juillet 1994, ce génocide a été planifié, n’est-ce pas ?
R. En ce qui me concerne, je ne sais pas ce que le Procureur appelle « planification du génocide ».
Q. Eh bien, ce que je veux dire, c’est que plusieurs événements ont eu lieu au Rwanda, à partir d’octobre 1990 jusqu’au 6 avril 1994, qui laisseraient penser que le génocide qui a eu lieu entre avril et juillet a été planifié ; en conviendrez-vous avec moi ?
R. Depuis 1990, toutes les activités qui ont été menées ont facilité le génocide. Mais pour ce qui me concerne, ce n’était pas la planification du génocide. Et je dois dire que je serais d’accord avec vous sur certains points qui ressembleraient à ce que vous avancez.
Q. Lorsque vous dites cela, quels sont les points sur lesquels vous pensez qu’une personne pourrait en déduire qu’il y a eu planification du génocide ? Sur quels points sommes-nous d’accord, vous et moi ?
R. Je serais d’accord avec vous si vous disiez qu’il y a eu planification de massacres, et il y a eu sensibilisation de la population à la haine. Et vers la fin 1993/1994, il y a eu planification d’assassinats... d’assassinats ciblés. Sinon, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites qu’il y a eu planification du génocide en tant que tel.
Q. Serez-vous d’accord avec ce qui suit : « Au cours du processus de paix, le Gouvernement du Rwanda de l’époque a commencé à préparer une situation explosive. »
R. Vous me demandez si le génocide a été préparé ? S’agissant de ce qui se préparait lors de l’accalmie, on préparait l’assassinat des gens qui étaient traités de complices du FPR, et cela ne concernait pas que les membres de la population.
Q. Bien. Écoutez simplement ma question, parce que vous avez fait une réponse de nature beaucoup plus générale.
Me OGETTO :Monsieur le Président, objection à ce commentaire. Ce sont les questions qui sont de nature générale. Et si les questions sont de nature générale, les réponses seront de nature générale.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien. Quelle est votre question suivante ?
M. RASHID :
Q. Je vais répéter ma question : Serez-vous d’accord avec moi pour dire que pendant les Accords d’Arusha, le Gouvernement du Rwanda a commencé ou a préparé le terrain pour une situation explosive ? Est-ce que vous serez d’accord avec moi ?
Me SKOLNIK :Objection. La question a été posée et a trouvé réponse. C’est exactement la même question.
M. LE PRÉSIDENT :Monsieur Rashid, votre point de départ, c’est la page 5 dans le déclaration en français, n’est-ce pas ?
M. RASHID : Oui, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce qu’il ne serait pas intéressant de prendre cela comme point de départ dans votre phrase ?
M. RASHID : Oui, Monsieur le Président. Je voulais juste que le témoin dise d’abord ce dont il se rappelle, avant de me référer au document.
Q. Monsieur le Témoin, je vais poser cette question pour la troisième fois, et écoutez-moi avec attention : Au cours du processus de paix, le Gouvernement du Rwanda a commencé à préparer le terrain pour une situation explosive. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi ?
Me SKOLNIK :Objection ! C’est la troisième fois que cette question est posée.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, mais nous l’autorisons à la poser. C’est un simple problème de communication. Alors, dépassons cette étape préliminaire, et ensuite, nous verrons.
Q. Est-ce que vous pouvez répondre à la question, Monsieur le Témoin ? Est-ce que vous êtes à l’aise avec l’idée qui est inclus dans cette question ?
R. Monsieur le Procureur a demandé si lors des négociations d’Arusha, le Gouvernement rwandais préparait une situation explosive. Je suis d’accord avec lui. Mais je serais spécifique s’il me traçait une période spécifique.
M. RASHID :
Q. Le Gouvernement rwandais a lancé ce qu’on a appelé l’autodéfense civile, vous le savez, n’est-ce pas ?
R. Je suis d’accord avec vous. Mais il faut faire la part des choses entre le Gouvernement du Rwanda ainsi que ceux qui étaient concernés par la défense civile. Au sein du gouvernement, il y en avait qui n’étaient pas d’accord avec ce programme de défense civile.
Q. Et est-ce que vous savez qui était d’accord ?
R. Ceux qui étaient d’accord avec ce programme étaient des membres du MRND et des membres de la CDR, ainsi que des partis satellites des deux partis.
Q. Et l’objectif de cette défense civile, c’était la distribution d’armes aux populations civiles dans chaque cellule et chaque secteur, de façon à ce que ces armes puissent être utilisées pour semer le chaos, n’est-ce pas ?
R. Je suis d’accord avec vous, en partie.
Q. (Intervention inaudible : Microphone fermé)
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :Nous n’avons pas entendu le Procureur qui a parlé avant que le canal ne soit libéré.
R. Oui.
M. RASHID : Je...
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :Même problème. Nous n’avons pas entendu le début de la phrase du Procureur.
R. Je suis d’accord avec vous que le programme de défense, civile dans certaines régions, devait servir à endiguer l’infiltration des éléments de l’APR ; mais que, dans d’autres régions, ce programme de défense civile était destiné à d’autres actes qui avaient un autre caractère que celui de contrôler le mouvement d’infiltration de l’ennemi.
M. RASHID :
Q. Et quels étaient ces autres actes ?
R. Ce que je connais le mieux, ce sont... qui étaient perpétrés dans la région du nord où je me trouvais lorsque le colonel Nsabimana a demandé l’instauration du programme de défense civile. Mais s’agissant de la ville de Kigali, à l’approche du génocide, c’étaient des Interahamwe, au fait, qui devaient tuer ou qui avaient pour objectif de tuer les membres de la population.
Q. Ces actes dont vous parlez, en disant qu’ils ont été institués, de quoi s’agit-il, en ce qui concerne la défense civile ? Vous avez dit qu’il y avait le contrôle des infiltrations, mais quels étaient les autres objectifs de ce programme de défense civile ?
R. C’est la chasse des personnes qui étaient qualifiées d’ennemies ou de complices et, au cas échéant, même les tuer.
Q. Et qui étaient ces personnes qui devaient être chassées et tuées ?
R. Il s’agit des Tutsis et de Hutus qui étaient dans l’opposition et qui ne parlaient pas le même langage que le MRND et la CDR ainsi que les autres partis satellites qui s’étaient alliés au MRND et à la CDR.
Q. Et la période : Lorsque vous dites que le colonel Nsabimana était dans le nord, est-ce que vous pouvez définir cette période ? Ça se passait quand ?
R. C’est en 1991.
Q. Et donc, vous nous déclarez que le programme de défense civile était déjà établi et opérationnel en 1991 ?
R. Oui, en 1991, ce programme de défense civile était déjà institué dans le nord du pays pour combattre les infiltrations du FPR. Mais en 1994, ce même programme avait été institué ailleurs et avait entre autres objectifs de faire la chasse aux éléments du FPR qui étaient qualifiés d’ennemis, ainsi que leurs complices.
Q. Et lorsque vous parlez du nord, vous voulez parler des préfectures de Gisenyi, Ruhengeri et Byumba ? Juste pour être sûr que je comprends bien.
R. De manière plus spécifique, les armes qui étaient réclamées par Nsabimana étaient destinées à la region de la sous-préfecture de Ngarama qui comprenait la commune de Ngarama... ou plutôt Muvumba et de Bwisigye. Il s’agit donc d’une autre partie de l’ancienne préfecture de Byumba, qui comprend les communes de Muvumba et de Bwisigye, et c’est la sous-préfecture de Ngarama.
Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous aider en nous donnant l’orthographe de certains de ces noms ? « Muvumba » : M-U-V-U-M-B-A. « Ngarama » : N-G-A-R-A-M-A. Et vous avez mentionné un autre nom. Est-ce que vous pourriez l’épeler ?
R. Oui, j’ai parlé de Bwisigye. « Bwisigye » s’épelle : B-W-I-S-I-G-Y-E. Il y a également une autre localité appelée Kiyobe. « Kiyobe » s’épelle : K-I-Y-O-B-E. Et toutes ces trois communes faisaient partie de la sous-préfecture de Ngarama, dans la préfecture de Byumba.
Q. Et conviendrez-vous avec moi que le Gouvernement rwandais a acheté des armes et de l’équipement supplémentaire afin d’en avoir assez pour les distribuer au sein de la population civile qui était armée à l’époque ?
R. Je ne suis pas en mesure de confirmer cela parce que je n’ai pas de documents pour confirmer cela, et il n’y a pas d’évidence matérielle. Mais je pense que cela doit s’être produit.
Q. Mais vous avez dit cela par le passé, n’est-ce pas ? Vous l’avez dit auparavant ?
R. Oui, je l’ai dit. Mais ici, devant la Chambre, je fais la différence entre les faits avérés pour lesquels je peux produire certaines preuves et ce qui relève de mon opinion personnelle.
Q. Alors, quelle est la base qui vous a permis de faire une telle déclaration ? Sur quoi vous reposiez-vous ?
R. C’est que j’avais des sources d’informations. Mais comme mes sources ne sont pas ici et que je ne les ai pas consultées, je ne peux pas citer ces sources ici devant la Chambre.
Q. Mais vous êtes d’accord avec moi. Vous avez bien mentionné tout cela auparavant ?
R. Je l’ai dit et je l’ai même consigné dans mes écrits.
Q. Et conviendrez-vous avec moi qu’en ce qui concerne la planification de ce génocide, des listes de noms ont été établies ?
R. Oui. Et il... S’il s’agit d’un génocide qui avait pour objectif d’exterminer tous les Tutsis, pourquoi est-ce qu’on aurait dû confectionner certaines listes partielles ?
Q. Eh bien, les listes qui ont été dressées concernaient des groupes précis de personnes, et je vais vous les citer : Ceux dont les enfants avaient rejoint le FPR.
R. Je suis d’accord avec vous.
Q. Les personnes qui étaient soupçonnées de faire de la propagande pour le FPR.
R. Je suis également d’accord avec vous sur ce point.
Q. Les personnes qui collectaient des fonds pour soutenir le FPR.
R. D’accord.
Q. Et les Hutus qui soutenaient le FPR et la guerre qu’il menait.
R. Je suis également d’accord avec vous sur ce point.
Q. Et tous ceux qui étaient sur ces listes devaient être tués, à un moment ou à un autre.
R. Je suis d’accord.
Q. Et avec l’exception de quelques rares personnes qui ont eu de la chance, toutes ces personnes qui étaient sur les listes ont été tuées dans les trois jours qui ont suivi le décès du Président Habyarimana ?
R. D’accord.
Q. Donc, le plan, c’était de tuer des personnes connues dont les noms apparaissaient sur des listes pré-établies ?
R. Je suis d’accord avec vous sur ce point. Mais jusque-là, je ne vois pas de lien entre ces listes et ce que vous appelez « planification du génocide ».
Q. Les assassinats que nous avons évoqués, les personnes dont les noms étaient mentionnés sur ces listes, elles ont été exécutées par les Forces armées rwandaises ?
R. Certaines personnes ont été tuées par les Interahamwe. Je ne peux donc pas affirmer que tout le monde a été tué par les éléments de l’armée rwandaise.
Q. Certains ont été assassinés par le biais d’une participation d’éléments des Forces armées rwandaises ?
R. D’accord.
Q. Et parfois, les Forces armées rwandaises recevaient de l’aide des Interahamwe à l’époque, n’est-ce pas ?
R. C’est plutôt presque dans tous les cas.
Q. Et quand vous dites cela, vous voulez parler de toutes les... tueries qui ont eu lieu au Rwanda entre avril et juillet, les militaires étaient aidés par les Interahamwe et vice versa ; c’est bien cela ?
R. Je n’ai pas d’éléments de preuve pour toutes les régions du pays, mais s’agissant de la ville de Kigali, où je me trouvais, et dans la région de Byumba, c’est ce qui se faisait. Mais ce que je ne peux pas confirmer, ou ce que je ne peux pas expliquer en détail, c’est que cela était fait par certains éléments pendant que les autres militaires se trouvaient au front. Je n’ai, par exemple, pas de cas où toute une unité aurait été engagée dans ces actes de tueries.
Q. Très bien. Alors, un autre élément de preuve qui montre que le génocide est... a été plus ou moins planifié, c’est ce qu’il s’est passé à Kibilira, dans le Bugesera et au niveau des Tutsis Bagogwe ; êtes-vous d’accord avec moi ?
R. Je considère tous ces faits comme des exemples de massacre politique, et je pense que dans la plupart du... des cas, ces actes étaient destinés à servir de signal au FPR pour lui annoncer que s’il continuait ses attaques, les Tutsis, ils seraient tués.
Q. Et au cours de chacune des tueries que j’ai évoquées à Kibilira, dans le Bugesera et au niveau des Tutsis Bagogwe, les personnes ciblées étaient des Tutsis, n’est-ce pas ?
R. À Kibilira et au Bugesera, c’étaient exclusivement des Tutsis qui étaient visés. Mais s’agissant du cas des Bagogwe, il y avait aussi des Tut... Hutus qui étaient « menés » aux Tutsis Bagogwe ; mais les gens ne le savaient pas.
Q. Et à chacune de ces trois occasions, c’étaient des membres des Forces armées rwandaises, dans des administrations locales, avec les bourgmestres, les conseillers, la population, qui ont commis ces massacres ?
R. Le seul cas où j’ai eu des preuves, c’est à Ruhengeri, pour les Bagogwe, ainsi qu’à Bugesera, la localité d’origine où j’ai mené les enquêtes ; et j’ai pu apprendre que les membres de l’armée gouvernementale ainsi que l’administration de base ont participé à ces tueries. Mais s’agissant de Kibilira, je pense que le cas est différent parce que les massacres ont été perpétrés par les membres de la population, sous la direction de l’administration locale.
Q. Conviendrez-vous avez moi pour dire que les personnes qui ont planifié le génocide étaient les dirigeants du pays à l’époque ainsi que les membres des forces de sécurité ?
R. Jusqu’à ce point, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous utilisez le terme « planification du génocide ».
Q. Qu’est-ce que vous comprenez par le mot « planification » ou « préparation » ?
R. « Planifié » signifie planifié, tout simplement.
Q. Planification, ça veut dire : Se préparer à l’avance pour quelque chose. Vous êtes d’accord avec cette définition du mot planification ?
R. Oui. Mais si vous voulez dire qu’il y a eu une planification du génocide, je ne suis pas d’accord avec vous.
Q. Lorsque l’on dresse des listes des noms des personnes qui doivent être tuées, plusieurs années avant qu’elles ne soient tuées...
Me ERLINDER :Objection, Monsieur le Président. Il n’y a aucune preuve que ces listes ont été établies bien avant les faits.
M. LE PRÉSIDENT :Le témoin vient de nous informer de l’existence de listes. Il était d’accord avec des propositions ou des suggestions faites par le Procureur.
Q. Quelle que soit la période, des listes ont bien été préparées à l’avance, Monsieur le Témoin. Et par la suite, des personnes dont les noms étaient mentionnés sur ces listes ont été tuées. Alors, est-ce que ça n’indiquerait pas que ces listes font partie d’un exercice de planification ? C’est là la question du Procureur.
R. Je vais répondre à sa question en deux temps. Les Tutsis et les Hutus au Rwanda se connaissent entre eux, sur toutes les collines. Même si les autres personnes ne peuvent pas nous différencier, mais nous nous connaissons entre nous. Au Rwanda, si les Hutus doivent tuer les Tutsis, ils n’ont pas besoin d’élaborer des listes parce qu’ils se connaissent, ils savent qui est tutsi et qui est tutsi (sic). Mais s’il s’agit de massacres sélectifs où des Tutsis et des Hutus ont été tués, si c’est cela que le Procureur appelle « génocide », alors je suis d’accord avec lui. Mais s’il parle d’une planification d’un génocide qui a ciblé les Tutsis uniquement, je ne vois pas de preuve pour confirmer cela.
M. RASHID : Pourrait-on remettre au témoin sa déclaration D. B 136 ?

(Le greffier d’audience s’exécute)
Q. Monsieur le Témoin, il vous a été remis le document que nous appelons « D. B 136 ». Essayez de tourner 21 pages dans cette version française ; donc comptez 21 pages à partir du début.

(Le témoin s’exécute)

R. J’y suis.
Q. Je souhaite que vous commenciez à lire le passage qui commence par le mot « Habyarimana », au deuxième paragraphe. Vous y êtes ?
R. Oui.
Q. Lisez ce qui apparaît sur le reste de cette page.
M. LE PRÉSIDENT :Lisez-le à haute et intelligible voix, Monsieur le Témoin, ainsi on pourra mettre cela au procès-verbal.
R. (Le témoin lit directement en français) « Habyarimana et ses extrémistes avaient sensibilisé des Hutus de la CDR et les Interahamwe que verser le sang d’un Tutsi était un acte banal... »
M. LE PRÉSIDENT :Je me demande si vous êtes au niveau de la bonne page du bon paragraphe. Est-ce que ce n’est pas « Habyarimana a créé... » ?
M. RASHID : C’est cela.
M. LE PRÉSIDENT :Montrez ma copie une fois de plus au témoin, Monsieur Matemanga.

(Le greffier d’audience s’exécute)

Me OGETTO :Monsieur le Président, est-ce qu’on peut avoir la référence en anglais ?
M. RASHID : Page 14.
R. J’ai retrouvé le passage.
M. RASHID :
Q. Donc commencez à lire à partir de « Habyarimana », au deuxième paragraphe, et la suite.
R. (Le témoin lit directement en français) « Habyarimana a créé ce qu’il a désigné la “défense civile”, qui ne dissimulait même pas son intention de disséminer des armes au sein de la population, dans chaque cellule et dans chaque secteur du pays, qui seront utilisées ultérieurement pour semer des troubles. Il a créé des milices armées pour refuser les accords signés, même ceux qu’il signait lui-même. Ils étaient prêts à commettre n’importe quoi au simple signal. Il a imposé à Radio Rwanda, à la RTLM et à d’autres petits journaux affiliés la même lignée éditoriale pour dire que les Accords d’Arusha n’étaient d’aucune utilité pour les Rwandais. Il a acheté de nouveaux équipements militaires qui s’ajoutaient aux anciens pour qu’on les dissémine dans tout le pays. Il a fait dresser des listes de toutes les personnes qui avaient des enfants ou des frères au sein du FPR-Inkotanyi, de ceux qui étaient soupçonnés de propager l’idéologie du FPR, de ceux qui recherchaient des financements, des Hutus qui se comportaient comme des Tutsis — je veux dire, ceux qui soutenaient la lutte du FPR —, pour que, dès que possible, tous soient massacrés. Personne ne connaissait le jour où ces massacres devaient être exécutés. Ceci est différent de ce que propage le FPR, qui soutient qu’il a été établi la liste de tous les Tutsis pour qu’ils soient tous tués. C’est un mensonge, parce que les Tutsis devaient être tués simultanément. Cela suppose que chacun d’entre eux devaient être exécutés par ses voisins, et ces voisins se connaissaient très bien, de façon à ne pas devoir se donner la peine de dresser la liste des Tutsis, parce que même les petits enfants grandissaient en entendant parler d’eux au village. Ici, je voudrais souligner que même à la mort de Habyarimana, et même s’il n’avait pas été tué, l’objectif était de massacrer toutes les personnes inventoriées sur les listes bien établies. Et c’est comme cela que ça s’est passé, à l’exception de quelques chanceux. Tous les autres dont on avait planifié la mort ont été massacrés dans les trois jours qui ont suivi la mort de Habyarimana. »
Q. C’est vous qui avez écrit cela ?
R. Oui. Et je le reconnais.
Q. Et vous maintenez ces propos aujourd’hui ?
R. Oui, je confirme.
Q. Les membres des Interahamwe avaient reçu un entraînement militaire avant 1994, n’est-ce pas ?
R. Oui.
Q. Et les Interahamwe étaient armés de machettes, grenades et des petits fusils ?
R. Cela est également exact.
Q. Et ils étaient armés avant le 6 avril 1994 ?
R. C’est également correct.
Q. Convenez-vous avec moi que les Forces armées rwandaises, avec l’assistance des Interahamwe, l’administration locale — y compris les préfets, les bourgmestres, les conseillers — ont agi de concert pour exécuter le génocide en 1994 au Rwanda ?
Me ERLINDER :(Début d’intervention non interprétée)… Objection. Parce que ce n’est... cela n’est pas limité dans le temps et dans l’espace. Parce que le témoin a bien dit que la situation était différente à différents endroits ; donc la question n’est pas basée sur des éléments de preuve. Monsieur le Président, ce n’était pas intentionnel. Je ne crois pas que le témoin a dit qu’il y avait effectivement des différences selon les différents endroits. Donc poser les questions de façon aussi générale, je crois que c’est une dénaturation de ses propos.
M. LE PRÉSIDENT : En fait, votre période, c’est à partir du 6 avril ?
M. RASHID : Oui.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, c’est là l’intervalle de temps. Vous pouvez modifier votre réponse ou alors apporter de nouveaux éléments. Répondez, Monsieur le Témoin.
R. Les massacres qui ont été perpétrés après le 6 avril 1994 étaient supervisés et appuyés par les... l’administration et le leadership politique, ainsi que certaines institutions ou certaines structures militaires, ainsi que les réservistes et les Interahamwe.
M. RASHID :
Q. Et il y avait également des hommes d’affaires qui ont financé l’exécution du génocide ; vous en convenez avec moi ?
R. Je suis également d’accord avec cela, même si je ne suis pas en mesure d’apporter les preuves.
Q. Hier, vous avez parlé du recrutement des civils par le FPR ; vous en souvenez-vous ?
R. Oui.
Q. Vous avez déclaré que ceux qui ont rejoint les rangs du FPR sont restés dans la zone de Mulindi ?
R. Oui.
Q. Et les civils qui étaient venus dans le contrôle... contrôlés par... dans les territoires contrôlés par le FPR ont reçu des armements et des tenues militaires ?
R. Correct.
Q. Après avoir reçu ces entraînements, ils rentraient dans leur localité d’origine ; c’est ce que vous avez dit hier ?
R. Exact.
Q. Et vous avez déclaré que, pour Kigali, il y avait environ 300 personnes qui ont pris part à cet entraînement ?
R. Correct.
Q. Cet entraînement du FPR a duré environ 14 jours, n’est-ce pas ; donc, c’est un programme de
14 jours ?
R. Des fois, la formation durait 14 jours, ou d’autres fois, elle pouvait durer plus de 14 jours. Cela dépendait de la localité dans laquelle l’entraînement était dispensé.
Q. Mais le cours était défini ? Il y avait un programme qui était suivi, n’est-ce pas ?
R. Ceux qui suivaient la formation au poste de commandement des unités suivaient une formation pendant une courte durée, mais ceux qui suivaient cette formation dans les camps de formation comme ceux de « Karama » passaient plus de temps. Mais la... le même curriculum qui était enseigné à Karama était abrégé et pouvait être dispensé aux gens qui suivaient cette formation aux postes de commandement des différentes unités.
Q. Je ne parle pas des personnes qui étaient entraînées pour joindre les rangs de l’APR. Je ne parle pas des personnes qui sont devenues des militaires, je parle des civils qui sont venus pour ce que vous avez appelé « l’entraînement politique et militaire », et ces civils sont rentrés dans leur localité d’origine. Vous vous souvenez avoir établi cette distinction hier, vous-même ?
R. Si vous voulez que nous fassions une distinction entre les deux groupes, il faut que vous admettiez d’abord que ceux qui faisaient cette formation au sein des unités recevaient une formation de courte durée, tandis que ceux qui recevaient cette formation ailleurs pouvaient prendre cette formation pendant beaucoup plus de temps. Je pense que c’est là le point de départ.
Q. Est-ce que vous me comprenez quand je dis que vous avez déclaré d’hier... vous avez déclaré hier qu’il y a « des personnes qui sont venues qui ont reçu uniquement l’entraînement militaire pour devenir des militaires, et il y en a d’autres qui sont venues pour recevoir un entraînement idéologique du FPR. Ils sont rentrés dans leur localité d’origine. Ils sont rentrés à Kigali, au Burundi, quel que soit le lieu d’où ils venaient. » Êtes-vous d’accord avec cette distinction ?
R. Je suis d’accord avec vous. Que ce soit ceux qui recevaient l’enseignement quant à l’idéologie du FPR, que ce soit ceux qui recevaient l’entraînement militaire, cela concernait tout le monde. Ceux qui devaient rentrer devaient recevoir l’enseignement sur l’idéologie du FPR, et ainsi que ceux qui devaient subir des entraînements militaires.
Q. Très bien. En fait, je me concentre ici sur : Ceux qui ont reçu un entraînement sur l’idéologie FPR, ils sont rentrés chez eux. C’est ce qui m’intéresse.
R. O.K.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je crois que, hier, il est dans le procès-verbal... il a dit qu’il y a eu un entraînement politique et militaire pour les personnes qui sont rentrées chez eux. Cela apparaît dans le procès-verbal.
M. LE PRÉSIDENT :La phrase est la suivante : « Ceux qui ont rejoint les rangs de l’armée sont restés avec les troupes, mais ceux qui sont venus pour un entraînement politique sont rentrés chez eux après la formation.»
Me ERLINDER :Je crois que Monsieur Rashid et moi sommes d’accord que, en fait, ceux qui sont rentrés chez eux avaient reçu l’entraînement politique et l’entraînement militaire.
M. LE PRÉSIDENT :Mais, en fait, c’est ça la phrase qui est la base de votre ligne ?
M. RASHID :
Q. Êtes-vous d’accord avec moi que ceux qui ont reçu l’entraînement idéologique et militaire du FPR, en fait, leur programme durait 14 jours ; êtes-vous d’accord avec moi ?
R. Je ne sais pas d’où le Procureur tire cette information, s’agissant de 14 jours. Je ne sais pas la durée exacte de ces entraînements, de ces enseignements. Peut-être, c’était 14 jours, ou plus ; ça dépendait de l’endroit où ces enseignements ou entraînements étaient dispensés.
Q. Vous n’avez jamais pris part à cette formation vous-même, n’est-ce pas ? Vous n’y avez pas participé ?
R. Je n’ai pas subi ces entraînements, étant donné que j’étais militaire.
Q. Et vous n’étiez pas formateur, vous n’avez pas assuré la formation des personnes qui sont venues ?
R. À un certain moment, j’ai dispensé ces enseignements à Butaro, et, précisément, il s’agissait de l’enseignement en ce qui concerne le renseignement. Le groupe « que » j’ai enseigné a subi ou a reçu l’enseignement pendant une très courte durée.
Q. Je vais vous lire un extrait d’une pièce à charge — c’est « P. 3 A », et il y a écrit ce qui suit : « Selon les témoins qui ont participé ou qui ont vu ce programme se dérouler, un seul jour ou une seule demi-journée a été déployé pour l’entraînement sur les armes. Et la plupart des personnes qui ont suivi l’entraînement ont été autorisées à tirer une seule balle. »Est-ce que vous convenez avec moi que cela représentait, en fait, l’entraînement militaire pour ces civils du FPR ?
R. Ce témoin vous a dit en partie la vérité, et une « contrepartie ». On enseignait à ces gens comment tirer à l’arme, et la pratique s’effectuait en une seule journée.
Q. Vous avez parlé de la dissimulation des munitions et des obus dans certains endroits, en août ou vers la fin de septembre 1993, n’est-ce pas ?
R. Oui, j’ai fait cette déclaration.
Q. Et vous avez cité, je crois, trois endroits : Kinyabishengi — K-I-N-Y-A-B-I-S-H-E-N-G-I —, ça se trouve dans la commune de Butaro ; Karama — K-A-R-A-M-A —, dans le Mutara, dans la région du Mutara, à Byumba ; Kaniga — K-A-N-I-G-A —, ça se trouve à côté de Gatuna — G-A-T-U-N-A —, et cela se trouve à la frontière avec l’Ouganda ?
R. C’est exact.
Q. Ça se trouve à la frontière de l’Ouganda et non du Rwanda.
R. C’est exact.
Q. Vous ne pouvez parler que des endroits où vous avez travaillé, et vous pouvez parler de la façon dont les armes ou les munitions y étaient dissimulées ; c’est dans la commune de Butaro, n’est-ce pas — parce que, en fait, vous avez vu cela ?
R. Effectivement, j’ai été témoin oculaire de ce qui s’est passé à Butaro.
Q. Et ça se trouve dans la préfecture de Ruhengeri, n’est-ce pas ?
R. Oui.
Q. Et l’autre localité que vous avez mentionnée se trouve dans la préfecture de Byumba ?
R. Correct.
Q. En août ou à la fin de septembre 1993, toutes ces trois localités étaient contrôlées par le FPR, n’est-ce pas ?
R. C’est exact.
Q. Aucune de ces localités n’était contrôlée par les Forces armées rwandaises, à cette époque-là ?
R. Correct.
Q. À un moment donné, vous avez déclaré que certaines des personnes qui ont reçu cet entraînement militaire et cette formation politique, quand elles rentraient à Kigali, elles recevaient des armes pour leur propre sécurité — c’était à un moment donné en 1994, n’est-ce pas ?
R. J’ai dit que « certains d’entre eux » ; ce n’était pas tout le monde qui recevait l’arme.
Q. Oui. Et vous avez dit qu’à un... à un moment donné, vous avez dit que certaines de ces personnes-là ont reçu un entraînement et... à lancer des grenades pour, en fait, renforcer le climat d’insécurité ; c’est ce que vous avez dit hier ?
R. Oui, effectivement, j’ai dit qu’à certaines occasions, ces gens devaient lancer des grenades pour semer l’insécurité quand il y avait le besoin.
Q. Donnez-nous des exemples de personnes qui ont lancé des grenades, à cette période-là, pour créer ce climat d’insécurité, quand cela était nécessaire.
R. Je peux donner l’exemple d’un certain Samuel, qui m’a hébergé à Kigali. Il a lancé une grenade à Gikondo, et on lui avait donné l’ordre de le faire.
Q. Vous n’étiez... Vous n’étiez pas présent quand il a lancé cette grenade, n’est-ce pas ?
R. Non, je n’étais pas présent.
Q. Vous en avez entendu parler par la suite ?
R. Il me l’a dit après avoir lancé la grenade en question.
M. RASHID : Monsieur le Président, est-ce qu’on peut prendre la pause de la matinée ?
M. LE PRÉSIDENT :Oui. Est-ce que vous avez une estimation ?
M. RASHID : Je crois que je ne devrais pas dépasser 45 minutes.
M. LE PRÉSIDENT :Un maximum de 45 minutes. Il y a ce problème concernant le témoin DH133 qui doit partir d’Arusha aujourd’hui. Et vous, Madame Graham, vous avez déclaré dans un courriel qu’il est nécessaire que... qu’il y ait un matériel vidéo pour le contre-interrogatoire. Cela ne peut pas être fait ici, mais je crois comprendre que la salle d’audience II est disponible maintenant et que le matériel pourrait y être installé, si vous en avez besoin. Donc, la question : Est-ce que vous en avez besoin ?
Mme GRAHAM :Oui.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien. Je crois comprendre que le Greffe a déjà initié ce processus, le cas échéant. Nous devons donc revenir aux modalités plus tard. On pourrait être obligés de quitter cette salle, et il faut prendre cela en considération en ce qui concerne les contraintes de temps. Mais la possibilité technique sera fournie.
Mme GRAHAM :Je suis reconnaissante, Monsieur le Président. Je voulais demander qu’on se déplace peut-être pendant la pause parce que... puisqu’on dit que la salle d’audience est déjà disponible, au lieu de le faire plus tard. Mais je laisse cela à la discrétion de la Chambre.
M. LE PRÉSIDENT :Si vous utilisez 45 minutes, Monsieur Rashid, quelle est la longueur estimative de l’interrogatoire complémentaire ?
Me ERLINDER :Donc, nous sommes d’accord à ce niveau : Ce ne sera pas long.
M. LE PRÉSIDENT :Les autres équipes ?
Me SKOLNIK :J’ai fait un contre-interrogatoire.
M. LE PRÉSIDENT :Donc, en fait, il y a tout simplement un seul interrogatoire complémentaire : Celui de Maître Erlinder. Ce ne sera pas long. Est-ce que vous avez une estimation modifiée de votre contre-interrogatoire de « DH133 » ? Donc, quelle est la version la plus nouvelle du temps ?
Mme GRAHAM :Je ne peux pas changer ce que j’ai suggéré.
M. LE PRÉSIDENT :Ce qui veut dire ?
Mme GRAHAM :Moins de deux heures.

(Conciliabule entre les Juges)Très bien. Nous avons examiné les modalités et ce qui est nécessaire là-bas, en haut, avant qu’on ne se déplace.Selon les informations disponibles, nous pouvons suivre votre proposition, Madame Graham. Donc, nous allons utiliser cette pause de 11 heures pour nous déplacer vers la salle d’audience II, pour gagner du temps plus tard. L’audience est suspendue.

(Suspension de l’audience : 11 h 5)

(Reprise de l’audience : 11 h 40)

(Problème technique de son)

M. LE PRÉSIDENT :(Début de l’intervention inaudible)… tout le monde pour avoir contribué à ce que cela soit possible aussi rapidement que possible.Monsieur le Témoin… Monsieur le Témoin, votre contre-interrogatoire se poursuit.Monsieur Rashid ?

(Les écouteurs de la sténotypiste francophone ne fonctionnent pas)
Can you repeat your question please ?
M. RASHID :
Q. Monsieur le Témoin, hier, vous avez dit qu’après l’incursion de 1993 par le FPR, le FPR savait qu’ils allaient gagner la guerre ?
R. (Intervention inaudible : Microphone fermé)
M. RASHID : Monsieur le Président, apparemment, il y a un problème avec le microphone du Président (sic), parce que les interprètes ne l’entendent pas.
M. LE PRÉSIDENT :Visiblement, on a le voyant lumineux rouge, mais on n’entend pas de son. On ne comprend pas...(Portion d’intervention non interprétée) Répétez votre question, Monsieur Rashid.
M. RASHID :
Q. Hier, vous avez déclaré qu’après l’incursion de février 1993 par le FPR, le FPR savait qu’ils allaient gagner la guerre ?
R. Oui, je l’ai dit.
Q. Et c’était une évaluation militaire faite par le haut commandement de l’APR, n’est-ce pas ?
R. Oui, c’est exact. Mais même moi-même, je pouvais constater cela, je pouvais constater que nous avions la capacité de gagner la guerre.
Q. Vous avez également déclaré qu’en novembre 1993, l’APR a attaqué les Tutsis à Kabatwa, dans la préfecture de Gisenyi ?
R. C’est exact. Mais je dois préciser qu’il y avait aussi des Hutus parmi les victimes.
Q. Hier, vous avez déclaré que, vous-même, vous n’étiez pas un témoin oculaire de ces massacres, n’est-ce pas ?
R. Je n’étais pas physiquement présent.
Q. Vous avez ajouté que vous avez écrit sur ces événements dans votre livre ?
R. Exact.
Q. Vous avez dit ce qui suit — cela vient du transcrit du 9 mars 2006, il s’agit de la page 2, lignes 22 à 25 : « Ce n’est qu’avec le recul de l’histoire que je peux procéder à une analyse. Et il me semble que c’était un moyen de créer le chaos. Ainsi, à Kabatwa, des Tutsis ont été tués, et c’était un prétexte pour relancer la guerre. Ce qui a rendu facile pour le... l’APR d’accuser l’armée gouvernementale. Donc, en fait, c’était un prétexte pour relancer la guerre. » Vous en souvenez-vous ?
R. Je m’en souviens.
Q. En réalité, à ce moment-là, les Forces armées rwandaises et le Gouvernement rwandais ont été accusés d’avoir perpétré ces massacres ?
Q. C’est exact.
Q. Cela aurait été un prétexte pour relancer la guerre contre le Gouvernement rwandais ?
R. Oui.
Q. Et vous avez déclaré que le gouvernement de transition à base élargie devait être installé, et le FPR cherchait une occasion pour commencer la guerre ?
R. C’est exact.
Q. Vous avez dit que vous avez pensé que cet événement ou cet incident était l’occasion utilisée par le FPR ?
R. Je n’ai pas bien saisi votre question. Voulez-vous la répéter ?
Q. Quand j’essayais de comprendre votre déposition dans ce domaine, j’ai cru comprendre que cet événement-là, c’est-à-dire le massacre des Tutsis à Kabatwa, qui a été imputé à l’époque au Gouvernement rwandais, c’était l’occasion utilisée par le FPR pour commencer la guerre ?
R. Oui.
Q. Mais le FPR n’a pas attaqué le Rwanda en novembre 1993, n’est-ce pas ?
R. L’APR n’a pas attaqué les positions de l’armée gouvernementale ; cela est intervenu par la suite.
Q. Oui. Mais le FPR et l’APR n’ont pas envahi le Rwanda après cet incident qui est survenu en novembre 1993 ; la guerre n’a pas commencé au Rwanda, nous sommes d’accord là-dessus ?
R. C’est vrai qu’il n’y a pas eu reprise des hostilités en novembre 1993 ; il n’y a eu reprise des hostilités qu’en avril 1994.
Q. Vous avez donné une déclaration aux enquêteurs du TPIR en mai 2002 ?
R. Oui.
M. RASHID : Et je souhaite que le greffe remette ce document au témoin.

(Le greffier d’audience s’exécute)
Q. Ce qui vous est remis là, c’est, je crois, la version caviardée de cette déclaration que vous avez donnée, n’est-ce pas ?
R. C’est exact.
Q. Au bas de page, à gauche, et au bas de chaque page, apparaît une signature. Est-ce que vous la voyez ?
R. Oui.
Q. Il s’agit là de votre signature, n’est-ce pas ?
R. Oui, il s’agit de ma signature.
Q. Si vous passez à la page 7 de ce document, vous... le numéro de page apparaît au bas, vous avez le sixième paragraphe à partir du haut, donc six paragraphes plus bas, ça commence par les mots : « Le dernier groupe a opéré… » Vous y êtes ?
R. Oui.
Q. S’il vous plaît, ayez l’amabilité de lire ce paragraphe pour nous.
R. (Le témoin lit directement en français) « Le dernier groupe a opéré à Mutura-Gisenyi, secteur et cellule de Kabatwa. Les membres du groupe étaient... — pas de nom — Moïse Rubimbura, (IO Charlie) — in brackets —, cinq techniciens et une équipe de militaires. Point. L’opération a été menée en portant l’uniforme des FAR. Quinze familles tutsies ont été massacrées, mais au moment de l’opération, nous croyions attaquer des familles hutues. »
Q. Vous convenez avec moi qu’il y a une différence entre ce que vous avez écrit dans ces déclarations et la façon dont vous avez présenté ces événements quand vous avez témoigné hier. Êtes-vous d’accord avec moi ?
R. Je pense que la différence peut s’expliquer par l’interprétation qu’on fait.

Me ERLINDER :Monsieur le Président, s’il vous plaît ? Peut-être que je me trompe, mais j’ai cru comprendre que cette déclaration qui vient de nous être remise par le Procureur... par le Procureur... que je pensais que ça n’allait pas être utilisé pendant le contre-interrogatoire. Et je ne... Et je ne comprends pas comment on a changé d’orientation. Mais je laisse cela à la discrétion de la Chambre.
Mme GRAHAM :Je crois que Maître Erlinder est... fait une confusion ici. On n’a pas pris un tel engagement.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je crois que c’est dans le document écrit qu’on a reçu. Je pourrais le produire, si la Chambre attend quelques instants.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que vous avez d’autres questions sur ce document, Monsieur Rashid ?
M. RASHID : Sur ce point ou globalement ?
M. LE PRÉSIDENT :Globalement.
M. RASHID : Ça dépend de certaines réponses.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que vous pouvez laisser cela de côté jusqu’à ce qu’on obtienne cette confirmation écrite ?
Me ERLINDER :Je l’ai, Monsieur le Président. Il s’agit d’un document déposé le 10 novembre 2005, il s’agit d’un document confidentiel qui vient de Monsieur Jallow, le Procureur, et de Monsieur Rapp, qui était là hier. Page 25913 — je crois que c’est la cote en « K » —, et le paragraphe 5. Et c’est là qu’on en parle.
Mme MULVANEY :(Intervention inaudible : Microphone fermé)
M. LE PRÉSIDENT :Je ne peux pas écouter quelqu’un du Procureur pour le moment.
Mme MULVANEY :Est-ce que vous voulez vraiment ou non ?
Me ERLINDER :Monsieur Neremberg, essayez d’aider le Juge à retrouver ce paragraphe.
M. LE PRÉSIDENT :Je n’ai pas besoin d’aide pour retrouver cela. Voici ce que j’y vois, en ce qui concerne les deux déclarations qui ont trait aux allégations contre le FPR, les déclarations prises de personnes qui pourraient devenir des témoins à décharge : « Le Procureur s’engage par la présente à dire qu’aucune de ces déclarations ne sera utilisée pour réfuter la crédibilité du témoin. La Défense n’a pas le droit, conformément à l’Article 66, d’inspecter... »Donc, voici le paragraphe pertinent ici, et voici là les arguments du 10 novembre. Et ces arguments avaient pour titre : « Réponse à la requête de l’équipe de Ntabakuze pour la communication des moyens de preuve à décharge. »
Mme GRAHAM :Cela a peut-être… dit (sic), mais cela n’a pas été communiqué. Maintenant, plutôt, les déclarations ont été communiquées, et le témoin les a lues pendant qu’il était déjà en train de déposer. Et je crois qu’on ne l’avait pas communiqué, et maintenant, cela a été communiqué. Donc les choses changent.
M. LE PRÉSIDENT :Quelque chose à ajouter, Maître Erlinder ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, à la lumière des arguments de novembre, nous avons une objection permanente par rapport à l’utilisation de ces documents, parce qu’il n’y avait rien qui suggérait que si la Chambre ordonnait autrement, tout au moins au niveau de la forme caviardée... Parce que ces documents n’ont été communiqués que quand ce témoin était prêt à déposer. Nous étions déjà en Chambre quand cela était fait. Mais je crois que l’engagement du Procureur est... (inaudible) le même et on n’a pas été informés que l’engagement du Procureur avait changé.
M. LE PRÉSIDENT :Nous notons cette position. Mais à la lumière du fait que c’étaient là des arguments qui ont été faits à un stade antérieur, quand le Procureur avait une position différente, nous n’avons aucun fondement pour empêcher le Procureur, dans la situation actuelle, d’utiliser ces documents.Quelle est votre question suivante ?
M. RASHID :
Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit dans l’interrogatoire principal que vous étiez à Kigali de janvier à avril 1994, n’est-ce pas ?
R. Vous avez parlé de quelle période ?
Q. Janvier à avril 1994.
R. C’est correct.
Q. Et vous avez dit que c’était l’endroit où vous étiez affecté à ce moment-là, n’est-ce pas ?
R. C’est exact.
Q. Et vous avez décrit vos tâches comme étant membre d’une équipe qui avait pour but la reconnaissance, et c’était, en fait, connu comme les renseignements en vue du combat, n’est-ce pas ?
R. Correct.
Q. Et vous avez exécuté vos tâches depuis la colline de Masaka pendant trois mois, de janvier à avril 1994 ?
R. Oui, mars 94.
Q. La question était la suivante : Vous avez exécuté ces tâches-là dans la zone de la colline de Masaka pendant trois mois, entre janvier et avril 1994, n’est-ce pas ?
R. Oui.
Q. Et vous avez passé trois mois à faire du travail de reconnaissance au même endroit ?
R. Non, je faisais la reconnaissance à plusieurs endroits, dont Masaka.
Q. Et vous n’avez jamais été décelé ou détecté au cours de ces trois mois ?
R. Les gens avaient les yeux pour me voir, mais ils ne pouvaient pas reconnaître en moi un élément de l’APR. Et je dois ajouter que j’opérais pendant la nuit.
Q. Vous n’êtes pas originaire de Kigali, n’est-ce pas ?
R. Je ne suis pas originaire de la ville de Kigali, mais j’ai eu l’opportunité de me promener dans la ville de Kigali plusieurs fois, parce que ma localité d’origine n’est pas loin de cette ville.
Q. En fait, vous êtes de Kanzenze dans Kigali-Rural — le Bugesera ?
R. Exact.
Q. Et vous avez dit aujourd’hui que vous aviez quitté le Rwanda en 1980, alors que vous aviez 10 ans ?
R. C’est exact.
Q. Et vous avez grandi au Burundi ?
R. Oui, j’ai grandi au Burundi, mais je passais chaque fois mes vacances au Rwanda.
Q. Un Rwandais peut dire, sur la base de la façon dont vous parlez le kinyarwanda, que vous n’êtes pas de Kigali. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette affirmation, lorsque les Rwandais vous entendaient parler.
R. Non, cela n’était pas possible, je parlais un kinyarwanda parfait.
Q. Donc, malgré le fait que vous ayez passé 10 ans à l’extérieur du pays, vous nous déclarez qu’un Rwandais ne pouvait pas vous distinguer, sur la base de la façon dont vous parliez votre langue maternelle ?
R. J’ai vécu au Rwanda jusqu’à l’âge de 10 ans ; par la suite, j’ai habité la région de Kirundo, au Burundi, et les habitants de cette partie du Burundi parlent le kinyarwanda. Je vivais dans une famille qui parlait uniquement le kinyarwanda, et je passais au moins trois mois chaque année au Rwanda. Je ne pouvais donc pas avoir de problème avec cette langue.
Q. Le 6 avril 1994, vous dites que vous avez réalisé des missions de reconnaissance à partir de la colline de Masaka ?
R. Oui.
Q. Et, selon vous, cette mission avait pour objectif de... d’observer les mouvements des troupes ennemies à partir de la colline de Masaka, donc vous parlez des troupes de l’ancienne armée rwandaise, n’est-ce pas ?
R. Oui.
Q. Et vous avez dit hier — et vous l’avez répété aujourd’hui — que cette mission que vous dites avoir réalisée s’est faite entre 6 et 8 heures dans la soirée, alors qu’il faisait déjà nuit ?
R. C’est exact.
Q. Alors, comment est-ce que vous pouviez voir les mouvements des troupes sur la colline de Masaka alors qu’il faisait nuit entre 18 heures et 20 heures ? Il fait déjà très sombre à cette heure-là au Rwanda, n’est-ce pas ?
R. Les éléments de l’APR faisaient des reconnaissances de jour ou de nuit en fonction du terrain où nous comptions installer nos forces. Et chaque fois que nous faisions ces mouvements de troupes, nous les... faisaient de nuit. Mais s’agissant du mouvement des troupes de l’armée gouvernementale, ces éléments se déplaçaient à bord de véhicules, et les véhicules avaient des phares, et ils portaient leur uniforme. Et si jamais une telle présence était possible, elle était en même temps détectable. Je pouvais voir... Je pouvais constater cette présence malgré l’obscurité.
Q. Et donc, vous pouvez voir dans la nuit ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, ce n’est pas une bonne représentation de la déposition du témoin. Il a dit qu’il y avait des lumières des... les phares des convois. Donc, ce n’est pas une représentation équitable de ce qu’il a dit.
M. LE PRÉSIDENT :Vous voulez des détails sur ces conditions de reconnaissance ou bien vous voulez en rester là ?
M. RASHID :
Q. Monsieur le Président... Monsieur le Témoin, vous n’avez jamais été à Kigali le 6 avril 1994, n’est-ce pas ?
R. Je me trouvais à Kigali.
Q. Voici les renseignements que j’ai reçus de vos officiers supérieurs, pourtant.
R. Et quel est le nom de ce supérieur dont vous parlez ?
Q. Eh bien, selon ces renseignements, vous n’étiez pas posté à Kigali jusqu’à 95.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, le témoin a posé une question équitable ; peut-être pourrait-il obtenir une réponse ?
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que vous pouvez répondre à cette question ?
M. RASHID : Je n’ai pas besoin de répondre à une question du témoin.
M. LE PRÉSIDENT :Je sais que ce n’est pas au témoin de poser des questions. Quoi qu’il en soit, est-ce que vous voulez partager cette information ou bien vous voulez poursuivre ?
M. RASHID : Je poursuis.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien, c’est équitable.
M. RASHID :
Q. Vous voulez que je répète ma dernière question ?
R. Oui.
Q. Selon l’information que j’ai reçue, vous n’étiez pas posté ou vous n’avez pas été posté à Kigali avant 1995 ?
R. Cette information n’est pas correcte.
Q. En 1994, pour l’ensemble de cette année, vous étiez dans la 59e compagnie basée à Ruhengeri, qui est ensuite allée à Byumba ; c’était votre unité ?
R. Le bataillon 59 n’a jamais été déployé à Byumba !
Q. En 1994, vous aviez 24 ans, n’est-ce pas ?
R. Oui.
Q. Et vous étiez sergent ?
R. Correct.
Q. Et un sergent, c’est le grade le plus bas que l’on puisse avoir dans l’armée, car juste en dessous, c’est juste un homme de troupe, un simple soldat, n’est-ce pas ?
R. Entre le grade de sergent et le soldat simple, il y a deux autres grades intermédiaires.
Q. Vous avez reçu des ordres d’autres personnes... Vous receviez des ordres d’autres personnes, n’est-ce pas, vous, vous ne donniez pas d’ordre ?
R. C’est comme cela que l’armée fonctionne.
Q. Oui, mais je parle de vous, personnellement : Est-ce que vous receviez simplement des ordres et vous les suiviez ? Vous ne donniez jamais d’ordre à qui que ce soit lorsque vous étiez à l’APR ?
R. Non, cela est impossible. Vous ne pouvez pas me dire qu’un sergent n’a personne sous ses ordres.
Q. [Sur ordre du Président, l’intervention suivante a été extraite de la transcription et produite sous scellés]
M. LE PRÉSIDENT :Nous allons expurger cette référence et la placer sous scellés. La cabine vidéo, veuillez ne pas transmettre cette partie sur la base de votre requête, Maître Erlinder. Très bien. Alors, la réponse maintenant.
R. Est-ce que le Procureur peut répéter sa question ?
M. RASHID :
Q. Vous avez dit aux autorités du pays où vous résidez maintenant, aux autorités d’immigration de ce pays, que vous n’aviez jamais donné d’ordre, alors que vous étiez un membre de l’armée... de l’APR ?
R. Mais il faut que nous nous entendions d’abord sur le genre des ordres dont nous parlions. On me posait la question à l’effet de savoir si je pouvais donner des ordres pour la commission de crimes de guerre, et j’ai répondu que je n’étais pas en mesure de donner de tels ordres.
Q. Et lorsque vous étiez sergent, aucune de vos tâches ne consistait à surveiller les mouvements des troupes de l’APR ; ça ne faisait pas partie de vos fonctions ?
R. Cela est correct.
Q. Et vous n’avez pas non plus participé aux décisions stratégiques du haut commandement de l’APR ? Ça ne faisait pas partie de vos tâches ?
R. Mais vous oubliez que les décisions d’ordre stratégique sont basées sur l’information qui est collectée par les militaires au plus bas échelon, et cela signifie que je suis donc impliqué, en quelque sorte.
Q. Mais ce n’est pas vous qui preniez les décisions ; elles étaient prises par d’autres personnes ?
R. Cela est correct, du moins pour ce qui est des décisions importantes.
Q. Et en 1994, vous n’aviez pas de connaissances ou très peu de connaissances quant à la nature de ces décisions alors qu’elles étaient prises ?
R. Les décisions d’ordre militaire sont communiquées au militaire du plus bas échelon parce que c’est lui qui doit les mettre en application, et vous ne pouvez mettre en application que ce qui vous a été communiqué.
Q. Et en 1994, vous n’aviez pas d’influence politique sur les plus hauts niveaux du FPR ?
R. Voulez-vous répéter votre question ? Elle n’est pas claire pour moi.
Q. En 1994, vous n’aviez pas d’influence politique sur les plus hauts niveaux de commandement du FPR ?
R. Je n’avais pas d’influence. Je leur transmettais tout simplement l’information que j’avais collectée et il leur revenait de prendre des décisions. Je ne sais pas si c’est de cela que vous voulez parler quand vous parlez d’influence ?
Q. Et en 1994, vous aviez peu ou pas de connaissances sur les décisions politiques qui étaient prises dans les cercles les plus fermés du FPR ?
R. Entendons-nous. D’abord, la branche armée était tenue de mettre en application les décisions politiques, c’est-à-dire, donc, que les décisions qui nous concernaient devaient au moins nous être communiquées.
Q. Très bien. Écoutez bien ma question, je vais la reposer. Ce que je vous suggère, c’est qu’en 1994, vous n’aviez pas de connaissances ou très peu de connaissances des décisions politiques qui étaient prises au sein des cercles les plus fermés du FPR ? Est-ce que vous comprenez ma question ?
R. À moins que vous ne me demandiez si je participais à la prise de ces décisions politiques... Sinon, je ne savais pas les décisions politiques qui étaient prises. Je n’en étais qu’informé.

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :Est-ce que le Procureur pourrait répéter sa question ?
M. RASHID :
Q. Vous êtes francophone, n’est-ce pas ?
R. Je parle même l’anglais.
Q. Mais le haut commandement de l’APR est anglophone, vous êtes d’accord avec moi ? Ils sont plus anglophones que francophones ; leur français n’est pas très bon, leur anglais est nettement meilleur ?
R. Il y avait au moins deux membres du haut commandement qui parlaient français. Je peux vous citer des exemples, à savoir l’exemple de Biseruka et de Lizinde qui parlaient français et qui étaient auparavant membres des FAR.
Q. Et le reste d’entre eux étaient anglophones ?
R. Il y en a que nous appelons « anglophones » qui ne savaient même pas écrire ni lire, et qui étaient membres du haut commandement de l’APR.
Q. Et le cercle le plus fermé de l’APR était aussi anglophone, n’est-ce pas ? Les gens comme Patrick Mazimpaka parlaient plus anglais que français ?
R. Si vous disposez de telles informations, ce n’est pas correct.
Q. Vous avez rédigé un livre, n’est-ce pas ?
R. C’est exact.
Q. Et vous avez écrit ce livre avec l’aide d’autres personnes ?
R. Oui, du côté technique.
Q. Et vous n’auriez pas pu avoir écrit ce livre sans cette aide ?
R. On m’a aidé en ce qui concerne la publication. Je ne suis pas un « publicateur » de livres. Je ne suis pas éditeur.
Q. Non seulement vous n’êtes pas éditeur, mais vous n’avez jamais étudié la méthodologie nécessaire pour la recherche ?
R. Je crois que la traduction n’est pas conforme à ce que vous dites.
Q. Ce que je vous ai suggéré, c’est que vous n’avez jamais étudié la méthodologie pour la recherche, ou comment est-ce qu’on doit procéder pour faire de la recherche dans un cadre universitaire ; ça, vous ne l’avez jamais étudié ?
R. Je n’avais pas besoin de techniques spéciales, parce que j’ai écrit au sujet de mon témoignage et au sujet de témoignage d’autres personnes. Et ce qui restait, relevait de l’enquête ; et je suis versé en matière d’enquête.
Q. Mais est-ce que vous conviendrez avec moi que vous n’avez jamais étudié la méthodologie de la recherche ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je crois qu’il faudrait peut-être une définition de ce terme.
R. Ça dépend du domaine dont vous parlez. En ce qui concerne le domaine militaire, j’étais versé, et je faisais le travail d’enquête au sein de l’armée, donc je connaissais les méthodes de travail au sein de l’armée.
M. RASHID :
Q. Et ce que vous avez écrit dans votre livre repose essentiellement sur ce que vous avez appris d’autres personnes ?
R. J’ai écrit ce qui relevait de mon expérience personnelle, et j’ai ajouté les témoignages d’autres personnes.
Q. Et une partie de ce que vous avez appris, vous l’avez appris de personnes que vous avez rencontrées alors que vous étiez en prison au Rwanda ; c’est bien cela ?
R. Oui, certaines d’entre ces personnes. Sinon, j’en ai rencontré d’autres au sein de mon service et j’en ai rencontré d’autres une fois « à » l’exil.
Q. Et vous avez discuté d’une grande partie de ce qui est évoqué dans votre livre avec d’autres personnes avant que ce livre ne soit publié, n’est-ce pas ?
M. LE PRÉSIDENT : Est-ce que l’on pourrait répéter l’interprétation en kinyarwanda au témoin, s’il vous plaît ?
L’INTERPRÈTE KINYARWANDA-FRANÇAIS :Monsieur le Président, le micro était allumé ; j’étais en train de traduire. Je peux peut-être reprendre la question du Procureur. Merci, Monsieur le Président.
M. RASHID :
Q. Ma dernière question était : Vous avez discuté une grande partie...
M. LE PRÉSIDENT :
Attendez, Monsieur Rashid. On va changer l’équipement du témoin.
R. Si on reprenait la question, Monsieur le Président ?
M. LE PRÉSIDENT :
Monsieur Rashid ?
M. RASHID :
Q. Oui, la question était la suivante : Vous avez discuté une grande partie de ce qui se trouve dans votre livre avec d’autres personnes avant de publier ce livre, n’est-ce pas ?
R. C’est exact.
Q. Et vous avez discuté d’événements précis qui sont relatés dans le livre, bien évidemment ?
R. Je ne sais pas ce que vous appelez « discuter ». Sinon, en ce qui me concerne, je menais des enquêtes auprès de certaines personnes et je ne leur demandais pas comment consigner ce qu’ils me disaient.
Q. Vous avez discuté de dates précises auxquelles des événements ont eu lieu ?
R. Des fois, je lisais les dates sur certains documents, et je pouvais consigner certaines dates qui étaient présentes dans ma mémoire.
Q. Et vous avez probablement posé des questions sur les différents scenarii possibles quant à la façon dont les événements se sont passés et pourquoi ils se sont passés ainsi ? Vous avez posé des questions quant à savoir pourquoi les choses s’étaient passées comme elles s’étaient passées à l’époque ?
R. Oui, souvent, je le demandais.
Q. Et certaines des personnes avec lesquelles vous avez discuté, ou auprès de qui vous avez mené ces enquêtes, ont comparu devant le présent Tribunal, n’est-ce pas ?
R. Mais soyez spécifique. J’ai mené des enquêtes auprès de plusieurs personnes. Et ici, au Tribunal, beaucoup de témoins ont comparu.
Q. Comme André Guichaoua, par exemple ; vous lui avez parlé et vous avez échangé des points de vue et des idées ?
R. De sa propre initiative, André Guichaoua m’a posé des questions... Il partait. En ce qui me concerne, j’ai rédigé mon livre ; et après, j’ai demandé à André Guichaoua de faire pour mon compte « le » postface. Rien que ça.
Q. Et donc, votre livre est en grande partie fondé non pas... ne repose pas en grande partie sur ce que vous, vous avez vécu ; est-ce qu’on peut dire cela au sujet de cet ouvrage ?
R. Mais c’est moi qui ai rédigé mon livre. Ce que je ne connaissais pas, je le demandais, je menais des enquêtes.
Q. Vous avez témoigné au sujet de... d’expériences pour lesquelles vous avez dit que vous étiez témoin oculaire, est il y en a très peu. Donc, ma suggestion, c’est que le reste de l’ouvrage concerne essentiellement ce que des gens vous ont dit, ou repose sur des documents que vous avez lus, etc., etc. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi sur ce point ?
R. Entendons-nous : Il y a une différence entre le livre et le témoignage. Dans le livre, je peux consigner des faits dont j’ai été témoin oculaire, je peux consigner les témoignages qui ne sont pas personnels, je peux donner des opinions personnelles.
Q. Et vous avez lu les dépositions faites par d’autres personnes et vous les avez inclus dans votre livre et, ensuite, vous avez tiré des conclusions sur des informations qui étaient de deuxième, si ce n’est de troisième main ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je veux m’excuser, mais Monsieur Rashid pose des questions sur un livre qui fait 400 pages. Il y a, de toute évidence, des passages qui concernent des expériences personnelles et des informations qui proviennent d’autres personnes.
Mme GRAHAM :(Intervention inaudible : Microphone fermé)
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :Micro pour Madame Graham,.
M. LE PRÉSIDENT :Nous avons compris votre propos, Maître Erlinder.
Me ERLINDER :Merci, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Donc nous tournons en rond depuis un certain temps, Monsieur Rashid. Et dans cet ouvrage — et je dirais que c’est aussi le cas pour la déposition du témoin —, le témoin, bien souvent, fait référence au fait qu’il ait vécu personnellement ou pas certains événements ; il le dit. Alors, est-ce qu’il y a quelque chose de précis que vous cherchiez à obtenir, mis à part avoir ces détails de la part du témoin ?
M. RASHID : Oui, j’ai encore deux questions sur ce sujet.
M. LE PRÉSIDENT :Écoutons la première, alors.
M. RASHID :
Q. Dans votre ouvrage, vous tirez des conclusions qui reposent sur des informations de deuxième ou troisième main. D’autres personnes vous ont dit des choses et vous avez tiré des conclusions sur cette base.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, est-ce qu’on pourrait savoir sur quels passages on demande au témoin de répondre aux questions ?
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Monsieur le Témoin, c’est une question générale. Quelle est votre réponse à cette question générale ? Et vous pouvez ajouter de nouveaux éléments, si vous le souhaitez.
R. Je ne sais pas ce que vous appelez conclusion. J’ai écrit un livre à partir de mon histoire personnelle et j’ai décrit la guerre à laquelle j’ai participé. Et j’ai relaté les faits qui m’ont été rapportés par d’autres personnes, et j’ai consigné les faits de la part des personnes qui pouvaient témoigner. Et ce qui ne me concernait pas, je le reconnaissais, et je citais les personnes qui pouvaient en témoigner.
M. LE PRÉSIDENT :La deuxième question.
M. RASHID : Je vais avancer.
Q. Monsieur le Témoin, vous déclarez que Kagame a fait tirer sur l’avion de Habyarimana ?
Me SKOLNIK :Objection. Il ne l’a jamais dit. Il n’a jamais dit cela, que Kagame a tiré sur l’avion... Il a dit que... Le témoin peut dire ce qu’il a dit, mais ce que je dis, c’est que ce que Monsieur Rashid lui soumet n’est pas vrai.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que nous sommes d’accord par rapport à ce que le témoin a dit ?
R. Je n’ai jamais dit que Kagame a tiré sur l’avion. Je ne sais même pas s’il sait tirer un missile.
M. RASHID :
Q. Mais, tout au moins, vous prétendez que l’ordre de tirer sur l’avion venait de Kagame, n’est-ce pas ? Ça, c’est le résumé de ce que vous avez dit ?
R. Ça, je l’ai dit.
Q. Je voudrais parler avec vous de la façon dont vous pouvez dire cela. J’essaie de comprendre ce que vous avez dit là-dessus. Hier, dans votre déposition, vous avez parlé de la façon dont les missiles sont arrivés à Kigali ; vous en souvenez-vous ?
R. Je m’en souviens, même si la question ne m’a pas été posée ; j’en suis au courant.
Q. Je me souviens, qu’en fait, que vous avez donné volontairement cette information. Et vous avez dit ce qui suit : « Je crois que les missiles sont venus de l’Ouganda à travers Mulindi, avant qu’ils arrivent au CND et, plus tard, Masaka. » C’est ce que vous avez dit hier ?
R. Oui, j’ai fait une telle déclaration.
Q. Donnez-nous la date à laquelle le mouvement de ces missiles a eu lieu.
R. Les missiles sont venus en provenance de l’Ouganda au mois de janvier et ont été acheminés à Mulindi ; et, de Mulindi, les missiles ont été amenés à Kigali au mois de février — si ma mémoire est bonne... Des fois, je ne me souviens pas de dates. Et à partir de l’enceinte du CND, les missiles ont été acheminés à Masaka. Et les missiles ont été transportés dans le convoi des militaires de la MINUAR.
Q. Quand est-ce qu’ils sont... ils ont été emmenés à Masaka ?
R. Le véhicule qui les a transportés du CND à Masaka ne m’est pas connu, mais je pourrais peut-être faire une approximation en considérant le temps qu’il faut pour couvrir la distance entre le CND et Masaka. Mais ces missiles sont arrivés à Masaka à 8 h 5 minutes environ, et c’était le soir. C’est donc 20 h 5.
Q. Et vous déclarez que, 17 ou 18 minutes plus tard, ces missiles ont été tirés sur cet avion, n’est-ce pas ?
R. Oui, c’est ce qui s’est passé.
Q. Est-ce que vous vous souvenez de l’identité de celui qui a transporté ces missiles initialement, c’est-à-dire en partant de l’Ouganda, à travers Mulindi, jusqu’au CND, en janvier ou février 1994 ?
R. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre le côté ougandais et le côté rwandais. Mes recherches ont concerné tout simplement la période quand ils étaient déjà sur place, et je ne peux rien vous dire concernant les véhicules à bord desquels ils ont été transportés ou les chauffeurs qui les conduisaient.
Q. Je vais vous lire ce qui suit. C’est un extrait de votre livre, et vous dites ce qui suit — à la page 245 : « Les missiles sont arrivés à Kigali vers la fin de janvier 1994. Ils étaient cachés dans un convoi de six militaires de l’APR qui étaient sous les ordres d’un capitaine qui s’appelait Gilbert Ruzibiza. »Vous vous souvenez d’avoir dit cela dans le livre ?
M. LE PRÉSIDENT :Ruzahaza, plutôt.
M. RASHID : C’est bien cela. Je suis désolé.
Q. Vous y êtes, Monsieur le Témoin ?
R. Oui.
Q. Vous venez de dire que vous avez appris cette nouvelle. Vous n’en étiez pas témoin vous-même, n’est-ce pas ?
R. Je n’ai pas été témoin oculaire.
Q. Donc, en fait, vous n’avez pas participé au déplacement physique de ces missiles-là ?
R. C’est vrai que je n’ai pas participé à cette opération.
Q. Connaissez-vous un dénommé Jean-Pierre Mugabe ? « Mugabe », c’est : M-U-G-A-B-E.
R. Je connais Mugabe de nom, mais je ne l’ai pas encore physiquement rencontré.
Q. Il a écrit ce qui suit en ce qui concerne le mouvement de... ces missiles. Je vais vous lire cela. Il dit : « Deux semaines avant ces dates — et quand il le dit, il parle du 6 avril 1994 —, le colonel James Kabarebe — « Kabarebe », c’est : K-A-B-A-R-E-B-E —, il a été envoyé par Kagame au CND à Kigali pour escorter les missiles qui étaient destinés à détruire l’avion de Habyarimana. » C’est ce qu’il écrit. Convenez-vous avec moi que sa version et votre version de la date ou de la façon dont le transport de ces missiles a été transporté (sic) à Kigali, que vos deux versions sont différentes ?
R. Je ne voudrais pas discuter des écrits ou des propos de Jean-Pierre Mugabe. Je peux, à la rigueur, donner des explications relatives à mes propres déclarations.
Q. Nous sommes ici pour évoquer les écrits. Êtes-vous d’accord avec moi que sa version est... est différente de votre propre version ? Vous êtes d’accord, oui ou non ?
R. Il y a une différence entre les deux versions. Mais je voudrais que vous sachiez d’abord qui est Mugabe et qui je suis.
Q. Peut-être qu’en temps opportun, je le saurai. « Muge »... Mugabe et vous-même, vous avez des relations différentes de la façon dont les missiles ont été transportés jusqu’à Kigali, n’est-ce pas ?
R. Je suis d’accord avec vous que les deux versions sont différentes.
Q. Il y a également une différence au niveau de la date du transport de ces missiles à Kigali, n’est-ce pas ?
R. Oui, les dates que nous donnons sont différentes.
Q. Jean-Pierre Mugabe a fait ces allégations — celles que je viens de lire — en avril 2000, après qu’il se soit enfui du Rwanda ?
R. Oui.
Q. Et vous avez écrit vos propres allégations sur le mouvement des missiles après votre départ du Rwanda en 2001, n’est-ce pas ?
R. Plus exactement, c’est en 2003 que j’ai fait une déclaration détaillée devant un tribunal français ; ce n’est donc pas en 2001.
Q. Vous convenez avec moi que, autant Mugabe que vous-même, vous aviez eu des problèmes avec l’actuel Gouvernement Rwanda... rwandais ; vous étiez tous les deux en exil ?
R. Je ne sais pas si je peux réellement dire que nous ne nous entendons plus avec le Gouvernement rwandais, parce que je ne sais pas ce que vous voulez dire par ces termes.
R. Vous êtes en exil, n’est-ce pas ?
R. Oui, je suis en exil.
Q. (Intervention non interprétée)
R. Oui.
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :Le micro du Procureur était couvert, donc on n’a pas suivi la question en français.
M. LE PRÉSIDENT : Répétez la question, Monsieur Rashid.
M. RASHID :
Q. J’ai dit que Jean-Pierre Mugabe est également en exil en ce moment.
R. Oui, c’est correct.
Q. Et, vous-même, vous n’avez pas pour projet de retourner au Rwanda, tout au moins en ce moment ?
R. Je voudrais retourner au Rwanda et... mais sous certaines conditions.
Q. Vous avez dit aux autorités d’immigration du pays où vous êtes qu’en fait, si vous rentriez au Rwanda, il y a des chances que vous soyez tué ?
R. C’est justement de cela que je parle quand je dis que je suis prêt à retourner au Rwanda sous certaines conditions. Si cette menace n’existait pas, je pourrais retourner au Rwanda même aujourd’hui.
Q. Il est donc vrai que vous n’êtes plus en grâce auprès du régime, en ce moment ?
Me ERLINDER :Objection, Monsieur le Président. Quand il dit qu’il a eu des problèmes, il doit le définir. Le témoin a déposé par rapport à sa... par rapport à son retour au Rwanda, et cela ne doit pas être qualifié par rapport à la définition de Monsieur Rashid.
M. LE PRÉSIDENT :Passez à la question suivante.
M. RASHID : Merci, Monsieur le Président.
Q. Vous vous êtes enfui du Rwanda en janvier 2001, n’est-ce pas ?
R. Février.
Q. À ce moment-là, vous étiez membre de... Vous aviez été membre de l’Armée patriotique rwandaise pendant 11 ans et votre grade le plus élevé était celui de sous-lieutenant, n’est-ce pas ?
R. J’avais atteint le grade de lieutenant.
Q. Et depuis que vous vous êtes enfui du Rwanda, vous avez commencé à faire des accusations contre des membres de l’Armée patriotique rwandaise, n’est-ce pas ?
R. Oui, c’est exact, mais cela n’a pas commencé le jour où j’ai quitté le pays.
Q. Je le sais. Vous avez donné une déclaration au TPIR en mai 2002, n’est-ce pas ?
R. C’est exact, mais je ne reconnais plus le contenu de ces déclarations que j’ai faites aux enquêteurs de ce Tribunal.
Q. Vous avez publié un article sur Internet avec les allégations sur des crimes du FPR et de l’APR ?
R. Oui.
Q. Votre nom et votre photo apparaissent dans l’article parce que vous voulez dire clairement qui sont effectivement le FPR et l’APR ?
R. C’est exact.
Q. (Intervention non interprétée)
R. Oui.
Q. Vous avez publié un livre, et vous étiez volontaire pour comparaître devant des tribunaux et des institutions pour témoigner contre... contre des membres de l’Armée patriotique rwandaise ?
R. Correct.
Q. Et vous êtes maintenant ici, au TPIR, dans le cadre du procès de quatre anciens officiers de l’armée rwandaise ; vous êtes là en tant que témoin à décharge et vous témoignez en leur faveur sans connaître l’un quelconque d’entre eux, n’est-ce pas ?
R. Je ne suis pas venu témoigner pour la défense des Accusés. Je me suis entendu préalablement avec l’Accusé que je devais être considéré comme un témoin neutre.
Q. Ainsi, voici un autre forum, une autre tribune qui vous permet de parler des crimes de l’APR et du FPR ; vous avez vous-même créé cette opportunité ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, objection. Les témoins viennent ici parce qu’ils sont cités à comparaître. Donc, il ne crée pas une opportunité.
M. LE PRÉSIDENT :On n’a pas besoin de cela, Monsieur Rashid. Est-ce qu’il y a... Est-ce qu’il reste d’autres questions ?
M. RASHID :Une seule.
Q. Votre nouveau gagne-pain, votre emploi, maintenant, consiste à porter des accusations contre l’Armée patriotique rwandaise et le Gouvernement du Rwanda ; c’est ainsi que vous gagnez votre vie aujourd’hui ?
Me ERLINDER :Objection. Il n’y a pas eu de dépositions selon lesquelles il obtient un gain financier. Depuis que le témoin a... a commencé, et depuis qu’il est allé en asile politique... Au départ, il était en Ouganda ; après, il est allé dans un pays en Europe. Donc, je crois que cette présentation des faits n’est pas équitable.
M. LE PRÉSIDENT :C’était là la dernière question.
Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez un commentaire ? C’est volontaire.
R. Je ne sais pas s’il parle français pour qu’il puisse lire mon livre. Parce que, dans mon livre, je n’accuse pas le gouvernement, j’accuse plutôt certains individus, certains membres du gouvernement ; j’accuse aussi les Interahamwe et les extrémistes hutus. Et j’accuse aussi des puissances étrangères comme la France, et j’accuse aussi les Rwandais qui se sont... qui ont une part dans les crimes commis, ainsi que les conséquences que nous souffrons à cause de ce qui s’est passé. Mais, sinon, je précise que je ne combats pas le gouvernement en place. Et je ne suis pas venu devant cette Chambre pour accuser l’APR parce que, dans ce cas-là, je serais aussi accusé par... comme membre de l’APR. Et je suis tout simplement venu ici pour dire la vérité, parce que cette Chambre et ce Tribunal ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s’est passé.
M. RASHID :
Q. Vous n’avez pas un autre emploi, en ce moment, n’est-ce pas ?
R. Mais est-ce que vous pensez que je vis des accusations que je formulerais contre le gouvernement ?
M. RASHID : J’en ai terminé pour le contre-interrogatoire.
M. LE PRÉSIDENT :Il est 13 heures moins 5, Monsieur Erlinder. Est-ce qu’on peut commencer l’interrogatoire complémentaire ?
Me ERLINDER :Oui, Monsieur le Président. Je voudrais dire que trois ou quatre nouveaux éléments ont été introduits, des éléments qui ne faisaient pas partie de l’interrogatoire principal ; cela veut dire que mon interrogatoire complémentaire sera un peu plus long, mais ce sera quand même moins d’une heure.
M. LE PRÉSIDENT :Allez-y, dans le cadre de ces cinq minutes. Est-ce que vous préférez commencer à 14 h 30 ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, peut-être que nous pouvons jeter les bases de cette déposition plus « terre »... plus tard. Je voudrais attirer l’attention du témoin sur deux pièces et on pourra prendre la pause, et il pourra réfléchir sur ces pièces-là.

INTERROGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE
PAR Me ERLINDER :Monsieur Ruzibiza, il y avait deux documents que je veux évoquer. Premièrement... Le premier, c’est un document de l’équipe de Nsengiyumva qui présente les forces de l’APR à Kigali. Je ne me souviens pas de la cote ; j’espère qu’on peut retrouver cela. Je souhaite que ce document soit remis au témoin.
M. LE PRÉSIDENT :Est-ce que c’est « D. NS 153 » ?
Me ERLINDER :Oui.
M. LE PRÉSIDENT :Que ce document soit placé sous les yeux du témoin.

(Le greffier d’audience s’exécute)
Me ERLINDER :Le deuxième document est un document qui a été introduit par nous-mêmes. Il montre les forces militaire, les... les effectifs au Rwanda le 6 avril 1994. C’est la pièce D. NT 215.
M. LE PRÉSIDENT :Autre chose, avant qu’on reprenne ?
Me ERLINDER :Je crois que cela est suffisant. On pourra prendre la pause, et on ne perdra pas de temps quand on va revenir.
M. LE PRÉSIDENT :Généralement, nous avons une pause d’une heure trente. Aujourd’hui, c’est vendredi ; est-ce qu’on ne peut pas prendre tout simplement 60 minutes et reprendre à 14 heures ?
Me ERLINDER :Cela nous convient.
M. LE PRÉSIDENT :Oui. Nous allons écouter le témoin DH133 avant l’interrogatoire complémentaire. Donc, nous allons nous (inaudible) avant... jusqu’à ce que ces deux témoins aient terminé. L’audience est suspendue.

(Suspension de l’audience : 13 heures)

(Pages 1 à 48 prises et transcrites par Joëlle Dahan, s.o)






























(Reprise de l'audience : 14 h 10)
M. LE PRÉSIDENT :Maître Erlinder ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je crois qu'on peut être très brefs. Monsieur Ruzibiza, le document qui vous a été montré en contre‑interrogatoire — le document de Kigali — avait des mentions des positions de l'APR à Kigali ; c'est ce document que je voudrais qu'on « le » regarde tout de suite, pour qu'on puisse l'interpréter.
Q. S'agissant de chacun de ces rectangles, est‑ce que vous pouvez nous dire ce qu'ils représentent ?
M. RUZIBIZA :
R. Dans le symbole qu'on utilise dans l'armée, un rectangle avec un... des diagonales signifie « unité d'infanterie ». Les traits qui se trouvent au‑dessus du… du rectangle représentent les effectifs. Quand vous avez trois traits, vous avez une entité plus grande qu'un bataillon, mais qui n'est quand même pas une brigade. Donc, sur ce... cette carte, il y a six unités mobiles et deux bataillons. Je crois que ce serait... c'était là votre question, Maître.
M. LE PRÉSIDENT :Pour le procès‑verbal, il s'agit de « D. NS 153 ».
Me ERLINDER :C'est ça.
Q. Je me demande si on peut mettre cela en termes numériques ; ainsi, nous qui n'avons pas votre expertise militaire, on pourra comprendre les effectifs qui sont concernés. Donc, dites‑nous la différence au niveau des nombres, entre les encadrés qui ont trois tirets et d'autres qui ont deux. Donc, numériquement, donnez‑nous une estimation.
R. Le rectangle avec deux traits, c'est‑à‑dire le 5e batalion... le 5e bataillon et le 3e bataillon représentés ici, donc cela veut dire que ces bataillons avaient entre 600 et 800 hommes. Et pour les autres rectangles qui ont trois traits, il s'agit d'unités mobiles. Et, comme je vous l'ai déjà déclaré, une unité mobile compte au moins 2 000 hommes. Si on utilise le langage conventionnel, on dirait qu'il s'agit de régiment ; il ne s'agit pas d'un bataillon. Donc, si on fait les calculs... au cours de cette période, c'est‑à‑dire fin avril et mai 1994, donc pendant cette période, dans la ville de Kigali et autour de la ville de Kigali, il y avait environ 13 000 militaires de l'APR. Donc, je dirais que ce serait peut‑être 12 000 militaires de l'APR, si nous tenons compte des blessés.
Q. Parmi ces 12 000 militaires qui appartenaient à différentes unités, donnez‑nous une estimation du pourcentage de ceux qui étaient, en fait, des troupes de combat ou des troupes d'appui, ou alors ceux qui étaient dans la... les services administratifs.
R. Je ne peux pas vous donner les effectifs en termes de pourcentage ; mais, d'habitude, dans chaque unité, il y a une compagnie état‑major composée de 200 à 300 hommes, et ceux‑là ne sont pas impliqués directement dans les combats. Donc, si chaque unité mobile compte 2 000 hommes, cela veut dire qu'environ 1 800 hommes sont prêts au combat.
Q. Je suis désolé… Est-ce qu'il y a un problème avec la traduction ? Est‑ce que vous avez dit que 1 800 seraient prêts pour le combat ?
R. Oui. Dans chaque unité mobile. Et pour les bataillons, si un bataillon compte 600 hommes, environ 400 de ces effectifs sont prêts au combat.
Q. Pour mettre cela en perspective, l'autre document qui vous a été montré, c'était votre description des effectifs des FAR. Et dans le... la carte, on voit : 8 000 à Kigali, au début du mois d'avril 1994. Est‑ce que je fais une bonne interprétation ?
R. C'est correct. Mais après la prise de Byumba, la plupart des effectifs qui se trouvaient à Byumba se sont déplacés pour venir à Kigali. Et donc, les effectifs à Kigali se sont accrus.
Q. S'agissant de cette structure des Forces armées rwandaises, si on la compare aux effectifs du FPR, comment le total... le nombre total des troupes... donc, comment... quel est le pourcentage de ces personnes‑là qui étaient prêtes au combat ? Est‑ce que c'était le même pourcentage que pour le FPR ? Est‑ce que c'était plus ? Est‑ce que c'était moins ?
R. Au début de la guerre, c'est‑à‑dire juste après le 6 avril jusqu'au 13 avril, les militaires de l'APR étaient plus nombreux que ceux de... des FAR. Mais après la prise de Byumba, il y a eu un certain équilibre parce que certaines troupes du... des FAR se sont déplacées pour venir à Kigali. Pour les... l'armée gouvernementale, la structure est plus complexe parce qu'il y a beaucoup de militaires qui travaillent dans les bureaux, dans les hôpitaux, qui s'occupent de l'administration, en fait. Je ne peux pas vous donner les pourcentages. Mais en ce qui me concerne et selon ce que j'ai vu, je dirais que les unités des FAR... de l'APR étaient plus nombreuses que les unités des FAR. En fait, je ne suis pas en mesure de vous donner les pourcentages que vous demandez, Maître.
Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.S'agissant des questions qui vous ont été posées concernant Monsieur Mugabe, Monsieur Rashid a parlé des endroits où vous n'étiez pas d'accord avec Monsieur Mugabe sur la façon dont les missiles sont arrivés au CND. Donc, est‑ce qu'il y a une perception différente entre vous concernant l'identité de celui qui a tiré sur l'avion présidentiel et la cause de cela ?
R. Mugabe dit que l'avion présidentiel a été abattu par « la » APR, et je dis la même chose. La seule différence entre nous deux, c'est que je donne plus de détails sur ce qui s'est passé. La différence n'est pas vraiment grande, à part les dates qui diffèrent ; je ne vois pas d'autres différences entre nos deux versions.
Q. En ce qui concerne les questions de Monsieur Rashid par rapport au fait que le haut commandement du FPR était anglophone, et peut‑être le haut commandement de l'APR... donc... est‑ce que vous pouvez nous dire pourquoi il y avait cette différence linguistique au niveau du FPR ou de l'APR — cette distinction entre francophones et anglophones ?
R. La différence résidait dans l'endroit « où » les réfugiés provenaient. Ceux qui avaient trouvé refuge dans les pays francophones et qui avaient suivi... fait leurs études dans des écoles francophones parlaient français. Également, ceux qui venaient du Rwanda parlaient français et... tandis qu'il y en avait d'autres qui venaient de pays anglophones et, donc, qui parlaient anglais. Donc, c'est... Cela dépendait de l'endroit d'où provenaient ces membres du FPR.
Q. Monsieur Ruzibiza, est‑ce que vous avez pu constater des différences dans la façon dont les anglophones communiquaient ou traitaient avec les francophones au niveau du FPR, APR, au Rwanda, globalement ? Et s'il y avait cela, expliquez.
R. Quand le FPR a été créé, il a été créé dans des pays anglophones. Les membres fondateurs se trouvaient... se... étaient basés en Ouganda. Donc, la plupart des dirigeants militaires et politiques étaient anglophones parce qu'ils provenaient de l'Ouganda. Donc, les anglophones étaient plus représentés dans l'administration militaire et politique. Il y avait peut‑être une certaine méfiance envers ceux qui provenaient du Rwanda et qui étaient francophones. En fait, il s'agissait de dissensions personnelles ou bien de... d'opinions personnelles, de préjugés. Ce n'était pas vraiment un problème très grave.
Q. À un moment donné, Monsieur Ruzibiza, est‑ce que vous avez eu des préoccupations par rapport au fait que le commandement du FPR ne s'occupait pas, ne se souciait pas des vies des Tutsis qui étaient au Rwanda ? Et si tel est le cas, dites‑nous pourquoi.
R. Quand vous parlez du FPR et... Ce n'est pas correct, il ne faut pas généraliser. Il ne s'agit pas d'une idéologie commune. Il faut parler de... de certains membres du FPR. Il n'y a jamais eu d'idéologie commune. Vous me... me posez la question de l'attitude du FPR envers les Tutsis. Il ne s'agit pas de tout le FPR. Toutefois, il y a certains membres du FPR qui pensaient que prendre le pouvoir était plus important que tout malheur qui pouvait arriver aux Tutsis.
Q. Monsieur le Témoin, pour être clair, je... je parlais du commandement du FPR et je ne parlais pas de toute l'organisation. Donc, excusez‑moi si cela n'a pas été bien traduit. Dites‑nous quelle partie du FPR s'intéressait beaucoup plus à la prise du pouvoir et ne s'intéressait pas, en fait, aux vies des Tutsis et ce qui devait leur arriver comme conséquences de la guerre. Donc, quelle partie du FPR ?
R. Il s'agit surtout des gens qui se... qui sont provenus de l'extérieur du pays. La plupart de ces gens qui pensaient qu'on pouvait... ils pouvaient prendre le pouvoir, malgré qu'il y ait des victimes tutsies, il s'agissait surtout des personnes qui étaient originaires de l'extérieur du Rwanda et, surtout, qui provenaient principalement de l'Ouganda.
Q. Est‑ce que vous y incluez les personnes du FPR et de l'APR qui étaient plus proches de Paul Kagame ? Si je me trompe, corrigez‑moi.
R. La plupart « de » gens qui avaient ce genre d'opinion étaient ceux qui faisaient partie du commandement. Les simples soldats, eux, pensaient mener une guerre de libération. Mais pour ce qui est du... ce qui est du leadership du FPR et de l'APR, ces personnes‑là avaient d'autres visées politiques et d'autres calculs politiques que nous ne connaissions pas toujours.
Q. J'ai l'impression que vous pensiez que vous étiez trahi par votre commandement.
Mme GRAHAM :C'est suggestif et ça sort du champ du contre... du contre‑interrogatoire. Donc on perd, en fait, le temps, en cet après‑midi de vendredi.
Me ERLINDER :Je suis désolé auprès de Madame Graham, c'est la dernière question‑là dessus.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Est‑ce que vous avez un commentaire là‑dessus, Monsieur le Témoin ?
R. J'ai pu constater que nous, les militaires qui avons participé aux combats, nous avons été manipulés, au même titre que les étrangers. Il y avait beaucoup d'éléments que nous ne connaissions pas. Donc, je fais partie de personnes qui ont été déçues, parce que nous n'avons pas pu atteindre l'objectif que nous poursuivions, et principalement parce que nous n'avons pas pu protéger nos gens qui étaient en détresse. C'est dans ce sens‑là que j'ai été déçu.
Me ERLINDER :
Q. Une dernière question, Monsieur le Témoin. Vous avez parlé des effectifs à Kigali — je parle des effectifs de l'APR à la fin d'avril et mai 1994. Il s'agit de la carte que nous avons consultée plus tôt. Je voudrais attirer votre attention là‑dessus. Dites à la Chambre combien de ces effectifs du FPR qui étaient à Kigali à cette période ont été utilisés pour mettre fin aux massacres — je parle des... des effectifs utilisés par le haut commandement pour mettre fin aux massacres.
R. En vérité, je n'ai aucun exemple, à part les... des initiatives des commandants d'unités. Il n'y... Il n'y a jamais eu d'ordres donnés pour aller secourir les Tutsis ; il y a eu plutôt des ordres pour empêcher que ces militaires aillent secourir les Tutsis. Cela doit être clair. Par exemple, à Gikondo — G‑I‑K‑O‑N‑D‑O —, des militaires qui se trouvaient à Rebero et qui étaient dirigés par le lieutenant‑colonel Fred Nyamurangwa — N‑Y‑A‑M‑U‑R‑A‑N‑G‑W‑A —, donc ces militaires ont essayé d'aller secourir des habitants de Gikondo, mais on leur a donné des instructions en leur disant que si un militaire venait à être blessé dans ce genre de... dans ce genre d'opération, le commandant devrait, de son initiative, aller au cachot lui‑même s'il faisait cela. C'est un autre exemple pour vous montrer qu'au lieu de donner l'ordre aux militaires d'aller secourir les gens, on leur... on « leur » a empêché de le faire. Je vous donne un autre exemple — il s'agit d'un exemple concernant le colonel Dodo — D‑O‑D‑O : Il se trouvait à Jali, et lui aussi a voulu envoyer ses militaires pour aller arrêter les massacres à Shyrongi ; c'était en face de Jali. Et il a été suspendu, en pleine « gueure »... pleine guerre, et il a été remplacé par Charles Kayonga — le lieutenant‑colonel Charles Kayonga. Donc, ce colonel a été suspendu à cause de cette initiative qu'il avait prise d'aller secourir les Tutsis. J'ai aussi donné un autre exemple, hier : Il s'agit de l'exemple concernant la 21e unité mobile, et cette unité se trouvait à Rwesero — R‑W‑E‑S‑E‑R‑O…
M. LE PRÉSIDENT :Ne répétez pas votre déposition. Et je crois que cette unité Charlie a été couverte par l'interrogatoire principal. Est‑ce qu'il y a une autre question ?
Me ERLINDER :Je crois que j'en ai terminé pour aujourd'hui.
M. LE PRÉSIDENT :Merci.
Q. Monsieur le Témoin, vous vous souvenez que je vous ai demandé si vous maintenez ce que vous aviez écrit dans le livre et dans « D. B 136 » — la version française —, et vous avez dit « oui » ; vous en souvenez‑vous ?
R. Oui, je maintiens ma position, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Ce n'est pas un point très important, mais je voudrais éclaircir votre position. Est‑ce que la pièce D. B 136 peut être déposée sous les yeux du témoin — je parle de la version française ?

(Le greffier d'audience s'exécute)
Q. Veuillez vous reporter à la page 6. Les deux premiers mots de cette page sont les suivants : « Pas seulement ».
R. J'y suis, Monsieur le Président.
Q. Regardons maintenant le paragraphe suivant qui commence par les mots « je suis. » Vous y êtes ?
R. Oui, j'y suis.
Q. Ayez l'amabilité de lire cela en français, et on aura la version anglaise.
R. « (Début de l'intervention inaudible)... convaincu que si le FPR l'avait voulu, le génocide n'aurait pas dû avoir lieu. Je suis convaincu que si même le gouvernement et les Interahamwe avaient envisagé d'exterminer les Tutsis dans le cadre du génocide, l'APR venait d'acquérir la puissance qui lui permettait de réduire les dégâts d'un million de morts à moins de 100 000. Ceci veut dire que le FPR n'a pas apporté son assistance aux personnes menacées alors qu'il en avait les moyens. Je vais en fournir des explications. »
Q. Merci pour avoir lu ce paragraphe. Je vais lire maintenant ce que vous avez dit hier : « L'APR avait toutes les ressources militaires disponibles pour réduire de 75 % le nombre de victimes. S'il est dit qu'il y avait un million de victimes, peut‑être qu'on aurait une situation où il y aurait eu seulement 300 000 victimes. Je confirme donc que nous avions des... les ressources qu'on n'a pas utilisées pleinement. » Est‑ce qu'il y a eu une évolution dans votre point de vue depuis que vous avez donné cette déclaration écrite et jusqu'à ce que vous comparaissiez devant cette Chambre pour déposer, depuis hier ?
R. Monsieur le Président, vous parlez de la différence entre 100 000 victimes et 300 000 victimes ; c'est cela le sens de votre question, Monsieur le Président ?
Q. C'est bien cela. C'est l'essentiel.
R. Je crois peut‑être m'être trompé sur les chiffres ou les effectifs. Que ce soit 100 000 ou 300 000, ce que je veux dire, en fait, c'est que nous avions assez de moyens pour réduire l'ampleur des massacres. C'est tout ce que je voulais dire.
Q. Donc, c'est une évaluation et, en fait, vous ne mentionnez pas un nombre précis. Mais ce que vous dites, c'est que ça aurait été possible ; c'est sur ça que vous insistez, n'est‑ce pas ?
R. Oui. Je veux dire que c'était possible, qu'on aurait pu réduire le nombre de victimes.
M. LE PRÉSIDENT :Très bien. Monsieur le Témoin, nous sommes arrivés au terme de votre déposition. Nous vous remercions d'avoir fait ce long voyage pour déposer à Arusha. Nous vous souhaitons un bon voyage retour. Évitez d'évoquer votre déposition avec qui que ce soit — excepté, probablement, l'équipe de Kabiligi, s'ils voulaient se mettre en contact avec vous plus tard. Je vous remercie.
M. RUZIBIZA : J'ai une demande à faire. Je... Je ne sais pas si on peut me donner le... le procès‑verbal de ma déposition ; je ne sais pas si cela est permis. J'ai... J'ai demandé s'il était permis qu'on me donne le procès‑verbal de ma déposition.
M. LE PRÉSIDENT :Les procès‑verbaux, dans ces Tribunaux, sont publics et vous, comme toute autre personne pourrait... vous pourrez y avoir accès et les lire dès qu'ils seront finalisés.
M. RUZIBIZA : Je vous remercie, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Est‑ce qu'on peut faire escorter le témoin hors de la salle ? Et on pourra suivre le témoin DH133.

(Le témoin, Monsieur Ruzibiza, est raccompagné hors du prétoire)
Pendant que nous attendons le témoin, est‑ce que des dispositions ont été prises au cas où vous voudriez utiliser la vidéo, pour qu'on ne perde pas de temps ? Est‑ce qu'on peut... Est‑ce qu'on est prêts, techniquement ?
Mme GRAHAM :Je crois que c'est le cas.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, nous avons un problème technique avec notre CaseView ; est‑ce que les techniciens pourraient y jeter un coup d'œil avant que nous commencions la tranche suivante ?
M. LE PRÉSIDENT :En attendant l'arrivée du témoin, pourquoi ne pas entendre ce qu'il y a à dire sur les témoins pour la semaine prochaine ? Qui sera le premier témoin lundi matin ?
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, nous sommes désolés d'informer la Chambre que nous ne pouvons pas donner un ordre précis pour la comparution des témoins en ce moment. Parce que nous pensons qu'il y aura quatre témoins qui arriveront ce soir, si tout se passe comme prévu ; nous ne pouvons commencer à les préparer que demain. Et pendant la période de week-end, nous pourrions fournir des indications sur l'ordre de passage des témoins.
M. LE PRÉSIDENT :Mais vous n'avez pas d'autres renseignements en dehors de ceux que vous avez fournis le 8 mars, à savoir que ces quatre témoins arriveraient aujourd'hui ?
Me BW'OMANWA :C'est bien le cas, Monsieur le Président. Nous n'avons pas d'autres informations. Nous attendons les témoins ce soir. À part cela, nous n'avons pas d'autres renseignements.
M. LE PRÉSIDENT :Avez‑vous pris contact avec Madame Turner... Maître Turner pour savoir si vous voulez commencer le premier ? Est‑ce que vous ne pouvez pas en décider pour informer la Chambre immédiatement ?
Me TURNER :Nous pouvons commencer lundi matin par... par le major Maggen.
Me BW'OMANWA :Oui. Monsieur le Président, ces témoins, il faudrait que nous les préparions, pour savoir à quel moment.
Mme GRAHAM :Monsieur le Président, il nous faudrait un peu plus de détails de l'équipe de Nsengiyumva. Quand il dit « l'un des quatre », il faudrait qu'il décide l'ordre de passage des témoins. Il peut y travailler. Il faut que nous sachions lequel sera le premier.
M. LE PRÉSIDENT :Si tous les témoins arrivaient, quelle serait votre préférence ? Quel serait l'ordre ?
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, je ne peux pas donner des renseignements plus précis, maintenant que je me trouve dans ce prétoire. Je communiquerai l'ordre de passage pendant le week-end. Je ne peux pas prendre un engagement maintenant, parce que nous ne pourrions pas l'honorer. Je ne peux pas m'engager en ce moment précis. Ça sera l'un ou l'autre des quatre.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, mais ça, c'est ce que nous avons sur votre liste depuis... Ces témoins y sont depuis, sur votre liste. Et vous savez ce sur quoi ils vont témoigner ? Pourquoi ne pouvez‑vous pas proposer un ordre, même provisoire, maintenant ?
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, « il » est peut‑être difficile à comprendre, mais si vous vous rappelez, nous avons pris des dispositions pour faire venir ces témoins à très brève échéance parce que, vous savez, nous avions dit qu'ils pouvaient venir la semaine prochaine. Et nous avons fait des efforts, déjà, pour faire venir les témoins ici. Mais maintenant, exercer des pressions pour que nous donnions un ordre de passage sans que nous ayons rencontré les témoins... Enfin, ce sont... des témoins que nous n'avons pas vus par le passé, pour certains. Nous pensons que pour être équitables, Monsieur le Président, nous allons communiquer l'ordre le plus tôt possible pendant le week-end. Toute information maintenant pourrait induire la Chambre en erreur.
M. LE PRÉSIDENT :Vous savez, lorsqu'on dit « pendant le week-end », c'est assez lâche. Il faudrait que vous essayiez, autant que possible, d'envoyer les courriels dès demain.
Me BW'OMANWA :Je le ferai, Monsieur le Président. Et je comprends l'anxiété des uns et des autres. Je ferai de mon mieux pour communiquer cette information.
M. LE PRÉSIDENT :Allez‑vous nous dire que vos témoins, vous ne les retrouvez pas, Monsieur... Maître Tremblay ?
Me TREMBLAY :Non, non. J'ai plutôt de bonnes nouvelles à vous informer… à vous donner, Monsieur le Président. Je confirme ce que je vous avais dit le 8 mars : « DK14 » est en voyage et il arrivera demain soir, et il pourra témoigner la semaine prochaine.
M. LE PRÉSIDENT :Est‑ce que quelqu'un a vu « DH133 » aujourd'hui ?

(Concertation du Président avec le Greffe)Donc, nous avons quatre témoins de Nsengiyumva et Maggen, et « DK14 ». Est‑ce que cela suffit pour la semaine ?
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, tout ce que je puis ajouter maintenant... En fait, je ne suis pas en mesure de donner l'ordre de comparution maintenant parce que je n'ai rencontré pratiquement personne parmi ces nouveaux témoins. Le Conseil principal serait mieux informé. Et je pense que, par prudence, je n'ai pas voulu donner d'ordre de comparution. Mais l'impression que j'ai de ce que dit Maître Ogetto, c'est que certains de ces témoins seront des témoins assez courts ; ils ne prendront pas beaucoup de temps d'audience. Voilà l'information que je peux communiquer maintenant.
M. LE PRÉSIDENT :C'est une situation que nous voulons éviter. Madame le Procureur, quelle est l'information que vous avez pour « TN1 », « DAN », « LTB »... « LT1 » ?
Mme GRAHAM :Monsieur le Président, les témoins... Parmi les témoins de la Défense qui viennent la semaine prochaine, en dehors de Maggen, les autres sont nouveaux. Donc, le retard dans la communication de l'ordre de comparution retardera le contre‑interrogatoire. Et le retard dans le contre‑interrogatoire jusqu'à la semaine d'après vont... va certainement retarder la procédure. Et nous savons que maintenant... On aura les interrogatoires principaux, et nous... nous savons qu'il faudra davantage de témoins pour la semaine prochaine. Pour « DN1 » (sic) et « LT1 », « LT1 », c'est un témoin de la Défense ; nous ne savons pas ce qui se passe pour ce qui est de le ramener... de ramener ce témoin. Pour « DAN », nous avons été informés qu'il y a une procédure en cours. Cette information, c'est que la Section des témoins a pris contact avec ce témoin qui n'est pas disposé à revenir ici. Et Monsieur White ira rencontrer le témoin en suivant l'exception à la règle que l'on a accordée à Maître Tremblay pour certains de ses témoins. Voilà ce que nous pouvons dire maintenant.
M. LE PRÉSIDENT :« LT1 » est également réticent quant à revenir ?
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, je n'ai pas d'information. La dernière fois, on nous a dit de prendre contact avec la Section des témoins. La première fois, la question s'est posée au début de la semaine — je crois que c'était la semaine dernière — et on nous avait dit qu'il fallait en informer la Section des témoins. Mais plus tard dans la semaine, on nous a demandé des renseignements personnels sur le témoin, et c'est le Conseil principal qui s'en est occupé. Je n'ai pas eu d'autres éléments entre‑temps.
M. LE PRÉSIDENT :Il y a un courriel envoyé à votre Conseil principal concernant « LT1 ». Je crois qu'il vous a certainement informé qu'il y a des problèmes pour ce qui est de la comparution de cette personne.
Me BW'OMANWA :Monsieur le Président, vous êtes mieux informé que moi sur ce point.
M. LE PRÉSIDENT :C'est un courriel envoyé à plusieurs destinataires, et je l'ai reçu aussi. Mais vous dites que Van Putten arrivera la semaine prochaine ?
Me TURNER :Oui, Monsieur le Président. Le major Van Putten a accepté de venir le 15, et nous espérons pouvoir le faire comparaître vendredi, au plus tôt. Il y a également Kambanda qui a accepté et que nous voudrions programmer pour la prochaine.
M. LE PRÉSIDENT :Et Nzirorera aussi ?
Me TURNER :C'est cela, Monsieur le Président.
Me BW'OMANWA :Oui, Monsieur Nzirorera est également prévu provisoirement pour la semaine prochaine. Je dois dire que nous avons rencontré quelques difficultés pour ce qui est des formalités pour le rencontrer ; nous allons poursuivre ces formalités aujourd'hui pour savoir si nous pouvons le rencontrer cet après‑midi et demain. Et cela pourrait nous permettre de le faire passer la semaine prochaine, probablement vers la fin de la semaine. Monsieur le Président, pendant que nous parlons de Nzirorera... En fait, nous ne voulions pas évoquer ce problème, mais nous avons eu des difficultés, et c'est un problème de communication entre les parties concernées, pour ce qui est de veiller à ce que nous obtenions l'autorisation nécessaire pour le rencontrer. Nous avons tenté de le faire pendant deux semaines. Il y a eu probablement un problème de communication — nous ne savons pas où — et nous pensons qu'il serait prudent que la Chambre donne des instructions pour qu'on puisse faciliter la rencontre demain parce que nous avons, au cours des deux derniers week-ends, eu des difficultés. En fait, ce témoin aurait dû passer plus tôt.
M. LE PRÉSIDENT :Nous souhaiterions effectivement pouvoir nous réunir toute la semaine, donc nous sommes tout à fait favorables à votre demande.
Me BW'OMANWA : Je vous remercie, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :Nous pensons que ce qui reste de raisonnable à dire maintenant, c'est que le témoin est en train de revenir ; il est en route, de retour de son déjeuner. Et nous pourrions observer une petite pause de cinq minutes sans avoir à sortir du prétoire. Que proposez‑vous, Maître Tremblay ?
Me TREMBLAY :Je ne propose rien, mais je veux qu'il soit noté au procès‑verbal que j'ai téléphoné à la Section de protection des témoins à... à 13 h 15, Monsieur le Président, et je leur ai dit — c'était sous « un » forme d'ordre — d'amener le témoin à 2 heures cet après‑midi. C'était clair, et Monsieur Skolnik était témoin de cette conversation. Et je ne comprends pas, là.
M. LE PRÉSIDENT :Vous savez, il y a beaucoup de choses dans la vie qu'on a du mal à comprendre. Nous allons donc observer une pause de quelques minutes.

(Suspension de l'audience : 14 h 55)

(Reprise de l'audience : 15 heures).
M. LE PRÉSIDENT :Bonjour, Monsieur le Témoin.

LE TÉMOIN DH133 :Bonjour.

M. LE PRÉSIDENT :
Vous serez contre‑interrogé par le Procureur.Madame Graham.
CONTRE‑INTERROGATOIRE
PAR Mme GRAHAM :
Q. Monsieur le Témoin, je voudrais que vous jetiez un coup d'œil sur le document D... D. NT 207 — très brièvement. Il s'agit de votre curriculum vitæ. Et vous voyez, cette pièce a été déposée en preuve. Et vous vous souvenez avoir apporté des modifications à ce document lors de votre dernier passage ? Avez‑vous le document, Monsieur le Témoin ?
LE TÉMOIN DH133 :
R. Oui, j'ai le document.
Q. Monsieur le Témoin... Oui, Monsieur le Témoin, il s'agit de votre curriculum vitæ qui a été déposé chez vous, et il s'agit bien de la pièce D. NT 207. C'est bien le document que vous avez sous les yeux ?
R. « 207 »... Je ne pense pas.
Q. Il n'y a pas de problème. Mais est‑ce que c'est votre CV que vous avez sous les yeux — le CV auquel vous avez apporté des changements la dernière fois que vous êtes passé ici ?
R. Oui. J'ai modifié simplement mes diplômes et mes certificats.
Q. Merci. N'est‑il pas vrai que vous n'avez pas étudié en Europe, Monsieur le Témoin ?
R. Je n'ai jamais étudié en Europe.
Q. Vous avez fait toutes vos études dans votre pays d'accueil, n'est‑ce pas ?
R. Non, j'ai commencé mes études dans mon pays natal et je les ai achevées dans mon pays d'accueil.
Q. Oui, je suis d'accord, Monsieur le Témoin. En fait, je parlais de vos études supérieures ; c'était dans votre pays d'accueil, n'est‑ce pas ?
R. Oui. C'est vrai.
Q. Et vous parlez français ?
R. Bien sûr, je parle français.
Q. Et naturellement, vous parlez anglais aussi ?
R. Je parle anglais, oui.
Q. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit que le centre Mushubati était situé à quelque 10 kilomètres de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. C'est vrai.
Q. Je vous pose la question suivante : Est‑ce qu'en 1994, vous pouviez conduire... vous saviez conduire une voiture ?
R. Non, je ne conduisais pas.
Q. Avez‑vous voyagé de Kabgayi au centre de Mushubati dans un véhicule ?
R. J'ai marché à pied, j'ai... et il y a quelqu'un qui roulait à moto ; et aussi, après avoir atteint Bulinga, j'ai... j'ai voyagé en voiture. Je viens de dire que j'ai marché à pied, j'ai roulé à motocyclette et j'ai pris la voiture.
Q. Et en avril, mai 1994, lorsque vous êtes allé de Kabgayi au centre de Mushubati, vous avez utilisé un de ces... vous utilisiez un de ces moyens de locomotion, c'est‑à‑dire à pied, à bicyclette ou en voiture, n'est‑ce pas ?
R. Souvent, je marchais à pied.
Q. Et combien de temps cela vous prenait‑il d'aller à pied... jusqu'à... de Mushubati jusqu'à Kabgayi ?
R. Je n'habite pas le centre de Mushubati. Il faut avoir une clarification claire : J'habite tout près de la commune Nyamabuye et ça me prend une affaire de 40 minutes à pied ; mais ce n'est pas le centre Mushubati.
Q. Très bien. Et l'endroit où vous viviez, est‑ce que c'est plus proche ou plus loin du centre de Kabgayi ?
R. Ce n'est pas plus loin. C'est une affaire de 3 ou 4 kilomètres, parce que c'est à la... à la limite de Mushubati et Nyamabuye. Il était facile d'aller à la commune de Nyamabuye « que » d'aller à la commune de Mushubati, pour moi.
Q. En avril, mai 1994, à un certain moment, vous êtes allé au centre de Mushubati, n'est‑ce pas ?
R. Je n'ai jamais été là‑bas pendant... depuis avril 1994. Je n'avais... Je n'avais aucune raison d'aller là‑bas.
Q. Est‑ce que vous saviez qu'il y avait un barrage routier juste après le centre, lorsque vous alliez vers Gisenyi et Kibuye ?
R. Pardon ?
Q. Je demandais si vous connaissiez le barrage routier qui était juste avant le centre Mushubati, à l'endroit où la route bifurquait jusqu'à Gisenyi et jusqu'à Kibuye ?
R. Il y avait beaucoup de barrières, si vous parlez de barrières. Je ne suis pas au courant « de laquelle » vous parlez précisément. Mais il y avait beaucoup de barrières dans la route ; partout au Rwanda, si je peux dire.
Q. Je voudrais que vous consultiez une pièce en cette affaire — vous l'avez déjà consultée pendant votre interrogatoire principal, c'est « D. NT 197 ». Monsieur Matemanga va vous aider, il va vous la remettre.

(Le greffier d'audience s'exécute)

Me SKOLNIK :Est‑ce qu'elle peut nous dire en quoi consiste « D. NT 197 » ? On ne savait pas la liste des pièces qu'elle allait utiliser, on ne l'a pas apportée.
Mme GRAHAM :C'est le même croquis qui avait été utilisé pendant l'interrogatoire principal.
Me TREMBLAY :
Excusez‑moi, Monsieur le Président. Excusez‑moi, Madame Graham. Vous parlez de « D. NT 197 » : « Croquis, ville de Gitarama ». Je ne l'ai pas utilisé, Monsieur le Président. J'ai utilisé « 198 ».
Mme GRAHAM :Je suis désolée, maintenant j'utilise celui‑là.
Q. Monsieur le Témoin, est‑ce que vous l'avez sous les yeux ?
R. Ce que j'ai sous mes yeux, c'est nouveau pour moi.
Q. Oui, mais si vous le regardez, vous allez voir qu'au dessus, c'est un croquis de Gitarama-Ville, et il y a différents endroits qui sont marqués. Il y a « H » qui est Kabgayi ; est‑ce que vous voyez cela ?
R. « H »... que je vois.
Q. C'est plutôt « 8 », « 8 ». « Kabgayi, 8 ».
R. Oui, je vois. Oui, je vois.
Q. Et vous voyez, à partir du centre de Kabgayi, il y a une route qui mène vers le nord, et elle tourne à gauche et elle passe devant le camp militaire de Gitarama, elle passe devant le bureau préfectoral, et elle va vers le nord‑ouest, vers le centre de Mushubati. Vous connaissez cette route, n'est‑ce pas ?
R. Oui, je connais la route.
Q. Ce que je vous demande, c'est ceci : Vous voyez cette route, elle mène vers le centre — le centre Mushubati — et vous avez une intersection où il y a la route... mène vers Gisenyi d'un côté, et l'autre côté, la route mène vers Kibuye. Vous y êtes ?
R. Oui, j'y suis.
Q. Et je vous demande ceci — je parle des barrages routiers sur cette portion de route‑là, c'est‑à‑dire que : Combien de barrages routiers il y avait à cet endroit et à quels endroits ils se trouvaient ?
R. « J'ai » pas passé par là. Ceux et celles qui passaient par là, c'étaient ceux qui conduisaient des voitures ou bien qui sont transportés par des voitures. Moi, je suis parti à pied, j'ai pris un raccourci.
Q. Oui, mais vous avez dit que, fréquemment, vous marchiez et vous avez dit que quelquefois vous utilisiez une mobylette ou un autre véhicule. Donc, je crois qu'il y a eu une ou deux occasions où vous ne marchiez pas, à moins que vous ne vouliez changer maintenant ?
R. Non, quand je suis allé à Bulinga, j'ai pris la route... la route Gitarama‑Gisenyi. C'est de l'autre côté de la route, c'est‑à‑dire que je n'ai jamais été au centre de Mushubati depuis avril 1994.
Q. Qu'en est‑il du mois de mai ?
R. Non, j'ai dit : Depuis que la guerre a éclaté, je n'ai jamais pris cette route.
Q. Passons à autre chose, Monsieur le Témoin. Vous avez déclaré dans votre interrogatoire principal que vous étiez au centre Kabgayi entre le 15 avril jusqu'au 1er juin 1994, n'est‑ce pas ?
R. Oui, j'étais à l'hôpital. Même le 2 juin, je suis allé à Kabgayi très tôt le matin, quand Kabgayi a été pris par les assaillants.
Q. La raison que vous avez donnée pour y avoir été, c'est que vous vous occupiez de votre frère, ou de votre cousin ? Je n'ai pas très bien compris votre lien de parenté.
R. (Début de l’intervention inaudible) C'est vrai, je m'occupais de mon cousin qui avait été blessé par les événements de la guerre.
Q. Dans votre interrogatoire principal, vous avez décrit vos activités journalières pendant votre séjour à Kabgayi, n'est‑ce pas ; et vous nous avez dit que vous avez... vous vous êtes occupé d'autres personnes blessées — je parle des personnes autres que votre cousin ?
R. (Début de l’intervention inaudible) … que oui.
Q. Vous avez dit que vous avez essayé de... (inaudible) la bouillie pour eux.
R. Oui.
Q. Vous avez également dit comment certaines personnes qui avaient de l'argent vous donnaient de l'argent afin que vous alliez acheter de la nourriture pour eux. Vous les aidiez comme ça ?
R. Oui, je l'ai fait.
Q. Et cette nourriture‑là, ces vivres, vous ne les achetiez pas au centre Kabgayi ; vous deviez sortir du centre pour obtenir ces vivres, n'est‑ce pas ?
R. Il y avait des kiosques qui vendaient des choses comme du lait, du sucre, du pain ; mais la nourriture qu'on devait préparer, je devais aller à la campagne. Je viens de dire des choses comme du sucre, du pain, du lait ; il y avait des bouteilles... des petites boutiques en ville, alors je les achetais là‑bas. Mais des vivres qui « prend » beaucoup de... d'heures à cuire, comme de la patate douce, comme de la viande, ça, j'allais à la campagne pour les chercher.
Q. C'est ce que vous faisiez de temps à autre ?
R. Oui.
Q. Pour essayer d'aider ces personnes‑là ?
R. O.K.
Q. Vous avez également dit que vous alliez... vous alliez visiter le grand séminaire, le philosophicum, pour rendre visite aux réfugiés qui s'y trouvaient ; vous vous souvenez l'avoir dit ?
R. Oui, je l'ai dit et je m'en souviens très bien.
Q. Les réfugiés dont vous parliez vivaient au grand séminaire ; c'étaient des prêtres, des religieuses et certains hommes politiques, n'est‑ce pas ?
R. Oui, il y avait des prêtres, il y avait des religieux, des religieuses, il y avait des fonctionnaires d'État qui avaient été « donner » refuge au philosophicum par Monseigneur Rwigeneza (Phon.).
Q. Est‑ce que vous avez rencontré Augustin Bizimana, le Ministre de la défense, quand vous étiez à Kabgayi ?
R. J'ai pas rencontré ce monsieur, mais les gens disaient qu'il venait là‑bas. Mais moi, personnellement, je ne l'ai... je ne l'ai pas aperçu.
Q. Mais vous avez appris qu'il a rencontré le... l'évêque, n'est‑ce pas ?
R. (Intervention inaudible)
Q. Les personnes que vous avez aidées... les réfugiés que vous avez aidés, qui étaient au grand séminaire, vous avez parlé de l'aide que vous leur avez apportée ; vous avez dit que vous achetiez la bière, vous convoyiez les lettres, etc.
R. Oui.
Q. Et pour convoyer ces lettres‑là, est‑ce que vous deviez sortir du centre Kabgayi, ou alors est‑ce que vous pouviez le faire convenablement à l'intérieur du centre ?
R. C'était à l'intérieur du centre qu'on achetait du tabac, de la bière et des lettres, tout ça. C'était à l'intérieur du pays... à l'intérieur du centre.
Q. Qu'en est‑il du convoi des lettres ?
R. La lettre… C'est‑à‑dire que si quelqu'un était au philosophicum, et quelqu'un qui est hospitalisé à l'hôpital de Kabgayi, je convoyais la lettre. Mais c'est toujours à l'intérieur du centre religieux de Kabgayi.
Q. Vous avez également dit comment vous êtes allé dans d'autres institutions à l'intérieur de Kabgayi ; vous avez « parlé » comme exemple de l'école publique, des garçons qui étaient à côté de la cathédrale, ainsi vous pouviez aider les réfugiés qui se trouvaient dans cette institution, n'est‑ce pas ?
R. Je l'ai dit et je l'ai fait.
Q. Vous avez également dit que vous êtes allé dans votre commune d'origine pour obtenir des vivres afin d'aider des réfugiés ?
R. Oui, je l'ai fait aussi.
Q. Est‑il vrai qu'étant donné vos activités quotidiennes et vos sorties du centre, vous avez passé beaucoup de temps hors de l'hôpital, n'est‑ce pas ?
R. Non. Je vous ai dit que je passais à l'hôpital à peu près 15 heures par jour, parce que, comme je viens de le dire, de... de l'hôpital à la maison, il n'y a pas une grande distance. Alors, je « n'irais » pas chaque jour. Mais puisque j'étais à l'hôpital, je me concentrais à l'hôpital, bien que j'avais l'obligation morale d'aider les... les gens qui étaient dans le besoin aux alentours.
Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous vous êtes déplacé. Vous avez insisté en disant qu'en fait, vous avez marché à pied pour « regarder » chez vous, pour obtenir les vivres. Donc, cela vous prendrait quand même… cela vous prenait quelque temps pour le faire ?
R. Ça me prend quelque temps, mais comme je viens de dire, aller, c'est une affaire de 30 à 40 minutes ; le retour c'est la même chose. Et je vous ai dit que je passais 15... à peu près 15 heures à l'hôpital, par jour.
Q. Vous avez dit que cela vous prenait combien de temps pour vous rendre chez vous à pied ? J'ai pas suivi cela.
R. J'ai dit que ma colline natale, bien qu'elle se trouve dans la commune de Mushwati... — mais c'est tout près de Kabgayi —, ça me prend une affaire de 30 minutes de marche. Alors qu'aller au centre de Mushubati, c'est très loin. Il faut prendre la route de... je ne sais pas, ça prend... c'est une affaire de 10 kilomètres.
Q. Monsieur le Témoin, quand j'ai commencé à vous poser des questions, je vous ai demandé combien de temps cela vous prendrait pour vous rendre chez vous ? Vous m'avez dit « 40 minutes ». Maintenant, ce nombre a changé, maintenant, et c'est devenu 30 minutes. Donc, pourquoi ça s'est raccourci du jour au lendemain ?
R. Je ne fais pas de raccourci, je dis : Il y avait entre 30 et 40. Il n'y a pas de différence, parce que quand je dis « entre 30 et 40 », c'est‑à‑dire : Quand j'ai de la force, je peux utiliser moins de minutes, mais si je suis fatigué, je peux utiliser 40 minutes. Mais ça pouvait pas aller au‑delà.
Q. Vous déclarez donc, malgré ce que vous nous avez dit, c'est‑à‑dire ce que vous faisiez comme activités quotidiennes au centre Kabgayi, vous avez dit que vous passiez la plupart de votre temps à l'hôpital ; c'est ainsi qu'on doit comprendre ce que vous dites ?
R. Oui, j'ai passé la plupart du temps à l'hôpital. C'est ce que je dis.
Q. Et cela n'a rien à voir avec le fait que vous essayez de... d'ajuster votre déposition pour que vous disiez que vous n'avez pas vu un certain nombre de choses se passer à l'hôpital ?
R. Comme quoi, par exemple ?
Q. Vous êtes venu ici pour dire que vous n'avez pas vu 80 Tutsis se faire tuer à côté de l'hôpital. Et pour que vous puissiez le dire, c'est que vous allez dire que vous étiez à l'hôpital pendant le temps où vous étiez à Kabgayi. Et je vous suggère que la raison pour laquelle vous insistez tant là‑dessus — vous insistez pour dire que vous avez passé tout votre temps à l'hôpital —, malgré le fait que vous nous avez dit tout ce que vous avez dit sur vos activités quotidiennes, vous le faites pour que votre situation de fait selon laquelle vous n'avez pas vu 80 Tutsis se faire tuer, vous le dites pour que votre version soit judicieuse ?
R. Non. Une journée ou bien un jour compte 24 heures, et je viens de vous dire que je passais à peu près 15 heures à l'hôpital. Mais tout ce qui se passait à Kabgayi, ça se disait à la radio, à la télévision, par les ouï‑dire ; il n'y avait pas de choses qui se passaient sous silence. Dire que j'ai pas vu des choses se passer à Kabgayi, c'est‑à‑dire que ces choses n'ont pas eu lieu... Parce que, même si j'ai pas vu, j'allais écouter les gens parler de ça. Mais je n'ai jamais entendu parler de ça. Et j'ai pas vu... Parce que je vous ai parlé des affaires que j'ai entendu parler : Par exemple, la mort de Omersi (Phon.) ; je vous ai parlé de Louis Ndarunga (Phon.). La « prochaine » fois, j'avais oublié de parler d'une mademoiselle... d'une demoiselle qui s'appelait Dorothée, qui travaillait à l'école des infirmières de Kabgayi, qui était directrice. Elle a refusé de séparer les filles... les Tutsies des Hutues, alors elle a été assassinée. Moi, personnellement, je ne l'ai pas vu Mais, les gens parlent de ça, même jusqu'à présent ; c'est‑à‑dire que ce qui se passait à Kabgayi, puisqu'il y avait du monde, n'allait pas passer sous silence.
Q. Vous convenez avec moi qu'à l'intérieur du centre Kabgayi... Kabgayi, il y avait une séparation entre les Hutus et les Tutsis ?
R. J'ai entendu parler de ça à propos de ce qui s'est passé à l'école des infirmières. Et je vous ai dit, bien avant, que quand la guerre a commencé, ce n'étaient que des Tutsis qui étaient hospitalisés, mais (inaudible) les gens qui se déplaçaient étaient en majorité tutsis. Mais, par après, il n'y avait pas moyen de connaître qui est tutsi et qui est hutu, parce que tout le monde quittait son... sa maison natale ou bien là où la personne est logée. C'est‑à‑dire que je ne parlais pas de séparation, mais à l'école des infirmières, il y a eu une séparation ; c'est ce « que » j'ai entendu parler. Mais, en général, j'ai pas vu la séparation des Tutsis et des Hutus. Mais quand les gens quittaient leur maison bien avant, ils étaient des Tutsis.
Q. Qu'en est‑il des réfugiés qui étaient... qui, en fait, n'étaient dans aucun de ces bâtiments‑là ? Est‑ce que vous vous êtes occupé d'eux ?
R. Occupé des réfugiés qui faisaient quoi ?
Q. Je parlais des réfugiés à Kabgayi, des réfugiés qui n'étaient pas logés dans l'un quelconque de ces bâtiments, ceux qui sont restés à l'extérieur. Est‑ce que vous vous êtes occupé d'eux ? Est‑ce que vous les avez aidés ?
R. À l'extérieur des bâtiments, c'est‑à‑dire des institutions ou bien à la maison... à leur maison ? Qu'est‑ce que vous dites par « à l'extérieur » ?
Q. Monsieur le Témoin, vous savez très bien que nous parlons maintenant... nous sommes à l'intérieur du centre Kabgayi, et il n'y a pas de résidences dans ce centre‑là. Donc je vous demande si vous vous êtes occupé des réfugiés qui sont restés à l'extérieur, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux à l'intérieur des bâtiments institutionnels. Est‑ce que vous les avez aidés ?
R. Il y avait des gens, bien sûr, qui étaient... qui voyageaient, qui bougeaient ici et là, ces gens étaient capables de faire « ses besoins ». Mais moi, je m'occupais des gens qui étaient hospitalisés, qui étaient enfermés au philosophicum, qui ne pouvaient pas bouger. Je ne... Personne ne m'a donné une charge de s'occuper de tout le monde qui passait à Kabgayi. C'est‑à‑dire, je... j'aidais les gens qui étaient à l'intérieur des institutions. Parce que, même si c'était pendant la guerre, les gens marchaient, les gens bougeaient. On ne pouvait pas savoir qui est réfugié et qui ne l'est pas.
Q. Monsieur le Témoin, je ne parle pas des gens qui traînaient autour du centre de Kabgayi. Nous sommes d'accord qu'il y avait 25 000 êtres humains au centre pendant que vous y étiez, n'est‑ce pas ?
R. Oui.
Q. Et vous convenez avec moi que tous ces 25 000 êtres humains ne pouvaient pas être logés dans les bâtiments institutionnels. Au moins la moitié d'entre eux, sinon plus, sont restés à l'extérieur ; ils n'avaient pas d'abri.
R. Ce que je vous dis est ceci : C'était difficile de distinguer qui était réfugié ou qui ne l'était pas. C'est… La seule raison qui pouvait me convaincre que quelqu'un est réfugié, c'est... ce sont les gens qui étaient à l'intérieur des institutions. Ce ne sont que des personnes qui manifestaient le besoin d'être aidées officiellement, parce que ceux qui étaient à l'extérieur ne montraient pas qu'ils étaient réfugiés ou pas. Du moins, « en » mesure où je pouvais les aider.
Q. Monsieur le Témoin, je vais essayer de vous comprendre. Pendant que vous marchiez dans le centre Kabgayi et vous voyiez des gens à l'extérieur...
R. Oui.
Q. ... vous ne pouviez pas savoir si ces personnes‑là étaient des réfugiés qui avaient besoin d'aide ; c'est ce que vous dites ?
R. Non. Je dis que Kabgayi, bien qu'ils hébergeaient beaucoup de réfugiés, il y avait aussi des gens qui venaient de leur colline natale, qui venaient pour de... se faire soigner, qui venaient pour la messe, qui venaient pour des visites. Je dis que je m'occupais de ceux qui étaient logés à l'intérieur des institutions différentes.
Q. Vous avez déclaré dans l'interrogatoire principal que vous avez vu des militaires qui assuraient la garde des différentes institutions à l'intérieur du centre Kabgayi, dès votre arrivée là‑bas, n'est‑ce pas ?
R. Oui.
Q. Et vous avez également déclaré que les militaires étaient à Kabgayi à cause d'une demande du représentant du gouvernement, le préfet et également les diocèses ; c'est ce que vous avez dit ?
R. Oui, ça... J'ai dit, oui.
Q. Selon vous, qui s'occupait de la sécurité de la majorité des 25 000 réfugiés qui sont restés à l'extérieur ? Donc qui avait la responsabilité de s'occuper d'eux ?
R. J'ai déjà dit, mais je vais répéter. J'ai dit que le gouvernement avait senti un besoin d'envoyer les militaires pour garder les déplacés de guerre contre les milices et les... le FPR. Alors, comme le diocèse... tout... se trouvait dans le diocèse, l'évêque lui‑même avait affaire au gouvernement, et il a appelé... il a formé un comité qui « devrait » s'occuper de ces déplacés de guerre. Il y avait des prêtres, il y avait des religieux, il y avait des religieuses. Nous qui « étaient » encore étudiants, nous nous occupions de... de sécurité, d'une façon ou d'une autre. Mais ceux qui s'occupaient principalement de sécurité de ces gens étaient le gouvernement et le diocèse. Ici, je peux ajouter qu'ils ont bien travaillé, parce qu'il y avait beaucoup, beaucoup de gens, et quand le FPR est venu, beaucoup de gens étaient... beaucoup de gens étaient encore vivants parce que le FPR est venu quand j'étais encore à Gitarama.
Q. Si l'un quelconque des réfugiés qui était à l'extérieur était tué, c'était la responsabilité du gouvernement, des évêques et du comité de sécurité, y compris vous‑même en tant qu'étudiant, parce que vous venez de dire que vous étiez en charge de la sécurité ?
R. Ceux qui étaient à l'extérieur ou qui étaient à l'intérieur du centre religieux ?
Q. Je crois qu'on a établi que les militaires assuraient la garde des institutions. Donc au cours des cinq dernières minutes, nous avons parlé des réfugiés qui étaient à l'extérieur.
R. Oui, oui.
Q. Et je me demande qui s'occupait de leur sécurité. Vous avez parlé du gouvernement, des évêques et vous avez mentionné un comité. Et vous avez dit que vous vous occupiez également de la sécurité en tant qu'étudiant. Alors, je vous suggère que tous ces corps-là avaient leur responsabilité engagée chaque fois que l'un quelconque des réfugiés qui était à l'extérieur était tué, n'est‑ce pas ?
R. Non. Je vais vous dire ceci, Madame : Vous voyez que même si j'étais là, j'ai... j'avais pas de fusil, j'avais pas de machette, je n'avais aucune chose pour défendre... mais quand le FPR est venu, nous nous sommes échappés tous — tous. Alors, comment dire que les gens qui ont été tués quand le FPR est venu... « est » sous la responsabilité de l'évêque, qui a été tué lui‑même, ou bien moi‑même qui ai pris refuge ou bien le gouvernement qui a fui ? Je dis « qu'en » mesure du possible, nous avons fait ce qu'on pouvait faire. Mais quand nous avons été... été attaqués, nous avons fui. Alors, la responsabilité est de... est à celui qui a attaqué Kabgayi.
Q. (Intervention non interprétée)
R. Oui.
Q. Monsieur le Témoin, je crois qu'il y a une confusion ici, et il faut qu'on communique mieux. Je ne parle pas du FPR qui est venu tuer à Kabgayi après le 2 juin 1994 ; je sais que vous voulez en parler, mais c'est pas ce qui m'intéresse maintenant. Je parle des réfugiés qui avaient été déplacés à l'extérieur et qui... qui étaient à l'extérieur du centre... qui étaient à l'extérieur tout en étant dans le centre Kabgayi. Et je vous demande : Qui était responsable des massacres parmi ces réfugiés ?
R. O.K. Merci, Madame, je m'en excuse… de confusion. Je vais vous dire ici tout clairement que bien que le FPR est venu le 2... est venu officiellement le 2 juin, mais il y avait beaucoup « des » infiltrés du FPR, même bien avant le 2 juin. Et je suis sûr que ce n'est pas la première fois que vous venez d'entendre parler de ceci.
Q. Monsieur le Témoin, vous éludez ma question. Je vous ai posé une question très directe, et je vous dis ceci : Qui s'occupait...
R. Oui ?
Q. Qui s'occupait des massacres des réfugiés qui sont restés à l'extérieur ? Qui en avait la responsabilité ?
R. Oui. Nous avons dit que la responsabilité était sur le côté du gouvernement et du diocèse, y compris nous‑mêmes. Mais à part les militaires, nous autres, nous étions là‑bas comme des humains simples. Nous n'avions pas de fusils, nous n'avions pas de machettes, nous n'avions pas de quoi… pour défendre les réfugiés. Et comme je vous ai dit, il y avait des milices qui s'infiltraient « d'ici » et là, parce que Kabagayi est entouré par la forêt. Il y a... Des milices pouvaient venir, les infiltrés du FPR pouvaient venir. Dire que la responsabilité est au gouvernement ou bien au diocèse, ça serait injuste parce que le gouvernement et le diocèse ont fait tout ce qu'ils pouvaient faire pour défendre la sécurité de ces gens qui étaient à Kabgayi. Et je pense qu'ils ont vraiment réussi à les défendre.
Q. Oui. Et les militaires avaient des armes, n'est‑ce pas, ils avaient des fusils, même si vous, vous n'en aviez pas, vous‑même ?
R. Oui, ils avaient des fusils, ça c'est sûr, mais je viens de vous dire qu'ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient faire pour défendre la sécurité de ces gens qui étaient à Kabgayi, y compris moi‑même.
Q. Sur la base de ce que vous venez de dire, vous êtes d'accord avec moi qu'il y a eu des massacres à l'intérieur du centre Kabgayi pendant que vous y étiez ?
R. Oui, je vous ai dit que j'ai vu une tombe, quelqu'un qui a été tué et enterré à Kabgayi — une. Je vous ai dit qu'il y a eu des disparitions de personnes, comme l'incident qui s'est déroulé à Mpanda, les gens habitaient... ces gens qui ont été tués habitaient au philosophicum ; ça, c'est vrai. Je vous ai parlé des personnes différentes qui ont été tuées, comme les filles aux écoles des infirmières ; ça c'est vrai, il y a eu des massacres.
Q. À l'intérieur du centre ? Ne vous occupez pas de Mpanda, je parle à l'intérieur du centre.
R. À l'intérieur du centre, je vous ai dit que j'ai vu une tombe. C'est‑à‑dire que la personne n'a pas... Je n'ai pas vu la personne être tuée, mais j'ai vu la tombe et on m'a dit : « Quelqu'un est enterré ici. » Je présume que la personne a été tuée au centre, mais puisque je n'étais pas là, je n'ai pas vu quelqu'un qui l'a tuée.
Q. Pendant les 45 jours où vous avez séjourné au centre Kabgayi, vous avez vu un cadavre ; c'est ce que vous dites ?
R. Moi, personnellement, j'ai vu un cadavre à Kabgayi. Mais j'entendais parler d'autres personnes qui ont été enlevées de Kabgayi et tuées à l'extérieur du centre religieux de Kabgayi.
Q. Vous avez déclaré pendant l'interrogatoire principal que quand vous êtes arrivé à l'hôpital de Kabgayi, il n'y avait pas de militaires blessés ; vous souvenez‑vous avoir dit cela ?
R. Je l'ai dit parce qu'à ce moment‑là, ce n'étaient que des civils déplacés de... de guerre.
Q. Vous avez également déclaré que les militaires blessés ont commencé à arriver à l'hôpital de Kabgayi après le 15 mai 1994 ?
R. Oui.
Q. Donc, ça ne pouvait pas être le 14 mai ?
R. Vous voyez, je n'écrivais pas. Je suis en train de « faire des chiffres » approximatifs. Je ne peux pas dire exactement à telle date. Mais dès que... le jour où je suis allé à Kabgayi, il n'y avait pas de militaires blessés, mais quand j'ai quitté ou bien avant de quitter, il y avait beaucoup de militaires blessés qui étaient soignés à l'hôpital de Kabgayi.
Q. Étant donné que vous n'avez pas pris des notes, il est possible qu'en fait, ils aient été là dès le 1er mai ; vous ne pouvez vraiment pas vous en souvenir 12 ans après les faits ?
R. Oui, vraiment, je n'ai pas pris note, je ne peux pas être précis, mais je suis allé à l'hôpital vers le 15 avril, il n'y avait pas de militaires blessés. Mais par après, ils sont venus.
Q. Donc, ils auraient pu arriver le 18 avril, vous ne le sauriez pas ?
R. C'est possible, oui.
Q. Oui, je vous demande cela parce qu'il y a eu une déposition, par un autre témoin qui est venu pour la défense de Ntabakuze, et ce témoin a dit que les militaires blessés ont commencé à arriver à l'hôpital de Kabgayi vers le 14 avril 1994. Et cela correspond à ce que vous venez de dire, n'est‑ce pas ?
R. Le jour où je suis arrivé à l'hôpital... je suis allé à l'hôpital, il n'y avait pas de militaires blessés.
Q. Peut‑être que vous n'avez pas cherché à savoir s'il y en avait, ou alors, vous avez oublié ; vous étiez là pour prendre soin de votre cousin et non pas pour vous occuper des militaires blessés.
R. Non, je m'occupais aussi d'autres personnes blessées, mais je ne voyais pas de militaires à ce moment‑là.
Q. Donc, vous excluez la possibilité qu'il y avait des militaires blessés le 15, vous dites que cela est absolument impossible ; c'est cela ?
R. Oui.
Q. Monsieur le Témoin, nous allons examiner quelques éléments vidéo ensemble.
Me TREMBLAY :Monsieur le Président, avant que nous regardions ces éléments de preuve, je voudrais soulever une objection quant à l'utilisation de cet élément de preuve.Premièrement, on ne sait pas qui a réalisé le vidéo. On ne sait pas quand « le » vidéo a été réalisée. Et on ne sait pas non plus, par exemple, qui a fait la traduction de la conversation entre les deux jeunes personnes sur la vidéo et, présumément, le journaliste. On ne sait pas où a eu lieu cette conversation. Et le témoin n'apparaît pas sur « le » vidéo — le témoin DH133. Et mon client n'apparaît pas sur la vidéo. On ne connaît pas la chaîne de possession de la vidéo. Il est possible qu'il y ait eu manipulation de la vidéo. Alors, on est en face, manifestement, d'un élément de preuve éminamment discutable, et je crois que la Chambre ne devrait pas accepter cet élément de preuve... ne devrait pas accepter son utilisation dans la présente procédure.
M. LE PRÉSIDENT :Est‑ce qu'il s'agit d'une pièce déjà versée en preuve ?
Mme GRAHAM :Non, Monsieur le Président, la pièce n'a pas été versée en preuve, cela fait partie du dossier du Procureur.
M. LE PRÉSIDENT :Et quel est votre commentaire sur ce que vient de dire la Défense ?
Mme GRAHAM :Je suis quelque peu perplexe, Monsieur le Président. Maître Tremblay a fait objection quant à présenter un élément vidéo au témoin pour lui poser des questions dessus. Comment peut‑on accepter cela comme objection ? Parce qu'il a demandé : Qui en est l'auteur ? À quelle date cela a été fait ? Il a dit qu'il y a la possibilité de manipulation. Cela n'empêche pas que je puisse montrer l'élément au témoin. Tout ce qu'on sait, tout ce qu'on voudrait, c'est que le témoin dise ce qu'il sait ou ce qu'il a vu, au lieu que Maître Tremblay se lève pour lui suggérer des réponses.
M. LE PRÉSIDENT :Pourquoi ne pas poursuivre et vous laisser soulever votre objection pour la déposition de la pièce, Maître Tremblay ?
Me TREMBLAY :Monsieur le Président, je m'objecte fortement à la dernière phrase. J'étais très prudent dans la formulation de mon objection et je n'ai jamais envoyé quelque message que ce soit à ce Monsieur. Et si on veut accepter cet élément de preuve, eh bien, qu'on amène le producteur, qu'on amène le journaliste qui a produit ce document et on va lui poser des questions. L'autre jour, on n'a pas permis de soumettre au témoin un élément de preuve qu'il connaissait— vous vous souvenez, l'article du père Vénuste. Et aujourd'hui, on veut lui soumettre quelque chose qu'il ne connaît absolument pas.
Me SKOLNIK :Monsieur le Président, si vous me permettez...
Mme GRAHAM :Je voudrais soulever une objection moi‑même. Maître Tremblay vient de dire que le témoin ne connaît pas cette situation du tout. Comment le témoin le sait‑il ? Est‑ce qu'il ne s'agit pas d'une suggestion qu'on fait au témoin ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, Madame Graham a dit ce que j'avais en tête. J'ai l'impression que nous sommes en train de vouloir regarder un film Disney. Pour le moment, nous n'avons aucune idée de ce qui figure dans cet élément, nous ne savons pas la provenance. Nous pourrions regarder un élément produit n'importe où, dans n'importe quelles circonstances. Si le témoin (sic) voulait interroger le témoin sur un élément comme celui‑là, il faudrait mettre le témoin... mettre la Défense dans une situation telle qu'elle puisse évaluer l'élément vidéo pour voir si cet élément vidéo est pertinent pour notre cause ou non. Nous pensons que cet élément n'est pas pertinent parce qu'il n'y a pas de fondement, il n'y a pas de base pour utiliser cet élément. Je dis : Cela pourraît être un élément vidéo, comme elle dit, mais cela pourrait être même un film vidéo.
M. LE PRÉSIDENT :Ce que nous... Ce n'est pas un film vidéo. Nous savons qu'il y a une référence à ces autres documents, par exemple, le document du père Vénuste. Cela n'est pas la base de l'objection. Il faudrait que nous puissions poursuivre et regarder et voir comment les choses vont évoluer. Et vous avez certainement reçu une notification — mars 2006 — concernant cet élément. Commencez.
Mme GRAHAM :Monsieur le Témoin, j'ai dit que c'est un élément vidéo de trois minutes. Regardez les images, nous allons les faire défiler, et après, nous reviendrons en arrière, et je vais vous poser des questions spécifiques sur des scènes précises. Et à l'intention des interprètes, ça sera difficile pour eux de suivre et d'interpréter, il n'est pas nécessaire d'interpréter parce que nous ferons passer la bande pour la première fois.

(Projection de la vidéo)

Q. Monsieur le Témoin, vous avez vu ces images et vous avez certainement reconnu les scènes. Ce sont des images prises au centre de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Je viens de reconnaître une seule et une seule personne. L'évêque qui vient de parler était de Kabgayi, ce Monsieur a été tué là‑bas. Mais les autres personnes me semblent étranges. Je ne...
Q. Oui. Je ne vous ai pas posé de questions sur les personnes que vous aurez reconnues. Nous reparlerons de l'évêque par la suite. J'ai demandé si vous recommencez... si vous reconnaissez ces scènes. Vous avez vu la cathédrale et vous reconnaissez que c'est la cathédrale qui était située dans le centre de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Le commentateur... Le commentateur a parlé de séminaire catholique. Moi, je voyais que c'est la cathédrale, mais il a parlé de séminaire catholique. Et nous avions des grands... des séminaires là‑bas. Moi personnellement, je ne... si l'évêque n'avait pas été sur l'écran, c'était vraiment difficile de dire que ça « me » représente quelque chose que j'ai jamais vu ou connu.
Q. Donc, vous n'avez pas reconnu la cathédrale ? Vous n'avez jamais vu ce bâtiment ?
R. Je dis que c'est une église, oui, mais dire que c'est l'église de Kabgayi, pour moi, c'est impossible. Mais j'ai pu reconnaître l'évêque.
Q. Et les réfugiés que vous avez vus tout autour de la zone boisée, est‑ce que cette scène ou le paysage vous a paru familier ? Est‑ce que c'était totalement étranger, c'est quelque chose que vous n'avez j'avais vu auparavant ?
R. Ça, c'était étrange pour moi, oui, si vous voulez, étranger.
Q. Non, je ne parle pas du paysage, Monsieur le Témoin, je parle des personnes qui se trouvaient à l'extérieur et les scènes que vous avez vues ; avez‑vous vu de pareilles scènes lorsque vous étiez à Kabgayi ? Nous allons maintenant scinder cet élément en plusieurs scènes. Nous allons prendre la première scène qui dure 15 secondes, et je vais vous poser quelques questions là‑dessus. La cabine vidéo, s'il vous plaît ?
(Protection de la vidéo)Monsieur le Témoin, vous avez sous les yeux une image, et les éléments que vous venez de voir, vous affirmez que vous ne reconnaissez pas cela comme étant la cathédrale située à l'intérieur du centre de Kabgayi ?
R. Je vois que c'est une église, mais je ne sais pas laquelle.
Q. Donc, cela pourrait être n'importe quelle église ?
R. Oui.
Q. Est‑ce que vous êtes certain que vous étiez au camp... vous étiez au centre Kabgayi ?
R. Oui, je suis né là‑bas, j'ai passé toute ma vie au Rwanda là‑bas, je suis baptisé là, dans la cathédrale, maintenant la basilique.
Q. Mais vous ne reconnaissez pas cette image ?
R. Je crois que c'est l'église, bien sûr, mais je ne vois aucun signe qui me montre que c'est Kabgayi.
Q. (Intervention non interprétée)
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Est‑ce que cela ressemble au moins à l'église de Kabgayi ? Est‑ce qu'il y a une ressemblance avec l'église de Kabgayi, Monsieur le Témoin ?
R. À moins que je voie toute l'église... et les inscriptions qui étaient là‑bas, je peux confirmer que c'est Kabgayi.
Mme GRAHAM :
Q. Monsieur le Témoin, si vous regardez l'image que vous avez devant vous, vous voyez une... vous voyez un panneau blanc. Et sur ce panneau, c'est écrit « Kabgayi ». Est‑ce que vous voyez cela ?
R. Je regrette, je ne vois pas.
Q. Oui, c'est bien ce que j'imaginais. Nous allons passer à la scène suivante.

(Projection de la vidéo) Et dans cette scène, vous voyez un groupe assez... assez nombreux de personnes. Et vous dites que vous n'avez jamais vu une foule aussi nombreuse à l'intérieur du centre de Kabgayi ?
R. Dire que j'ai pas vu la foule à l'intérieur de Kabgayi, je ne sais pas ce que vous appelez « foule », mais je ne peux pas conclure que cette vidéo a été prise à Kabgayi ; ça peut être ou pas, mais moi, personnellement, selon mes capacités de percevoir les choses, je ne vois pas que c'est Kabgayi.
Me SKOLNIK :Monsieur le Président, j'ai une objection. Madame Graham dit au témoin que sur le panneau, c'est écrit « séminaire » ou « église » ou « cathédrale de Kabgayi ». J'estime que ce que j'ai vu sur ce panneau est illisible, et je voudrais que cela figure au procès‑verbal.

M. LE PRÉSIDENT :Effectivement, il était difficile de lire ce qui était écrit sur le panneau. Question suivante.
Mme GRAHAM :
Q. Monsieur le Témoin... Monsieur le Témoin, vous avez une image fixe. Si vous regardez les arbres et la zone boisée que vous voyez sur cette image, est‑ce que ce bois ou cette zone boisée ressemble au bois que vous avez connu à l'intérieur du centre de Kabgayi ? Est‑ce qu'il s'agit d'un bois totalement différent ou est‑ce qu'il y a une similitude ?
R. Oui, à Kabgayi, il y avait deux bois, mais je pense même... que, maintenant, il y en a, mais pour moi, c'est impossible de dire qu'un tel arbre est à Kabgayi ou bien quelque part d'autre. Je dis que je sais que Kabgayi a beaucoup de bois, mais je ne vois pas de similitude... peut‑être qu'il y a, mais moi, personnellement, je ne vois pas.
Q. Nous allons passer à une autre scène, Monsieur le Témoin.

(Projection de la scène suivante) Si vous regardez l'image fixe, vous voyez un homme de race blanche qui parle ; derrière lui vous voyez une foule. Vous voyez un... Est‑ce que vous voyez un panier de basket‑ball… un panneau avec un panier de basket‑ball ?
R. Oui, je le vois. Je vois quelque chose comme un panneau, oui.
Q. Et vous savez qu'il y avait un terrain de basket‑ball avec un tel panier et un panneau à l'intérieur du centre de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Il y avait beaucoup de terrains de basket‑ball à Kabgayi, mais je ne peux pas dire lequel. Oui, il y avait beaucoup de panneaux de basket‑ball, comme à l'école Saint‑Joseph... à l'école secondaire Saint‑Joseph, au petit séminaire, il y en avait beaucoup, au grand séminaire. « Lequel » vous parlez ?
Q. Non, je ne parlais pas d'un terrain de basket spécifique, j'étais en train de vous suggérer qu'il y avait des terrains de basket‑ball au sein de Kabgayi, et vous venez de confirmer.
R. Oui, il y en avait.
Q. Je voudrais également que vous regardiez la zone boisée derrière le terrain de basket‑ball. C'est le genre d'arbres qu'il y avait au sein du centre de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Oui, je vois que c'est des arbres, mais dire que c'est le genre de... de bois qui sont plantés à Kabgayi, pour moi, je ne suis pas en mesure de conclure. C'est quelle sorte de bois, ça ?
Q. Voyez‑vous, Monsieur le Témoin, je suis ici pour vous poser des questions et vous devez simplement répondre. Nous allons maintenant parler de l'évêque de Kabgayi. D'abord une chose, avant que nous arrivions à l'évêque, et c'est une autre scène — « 02:20 ». Il faudrait avancer légèrement. Il s'agit de la scène où vous voyez le camion militaire et quelques militaires portant des armes, et encore une zone boisée et quelques bâtiments.

(Projection de la scène suivante)Vous voyez cette image maintenant, Monsieur le Témoin ?
R. Je vois.
Q. N'est‑il pas vrai, comme vous l'avez déjà dit, qu'il y avait des militaires au centre de Kabgayi portant des armes, avec des véhicules militaires aussi, n'est‑ce pas ?
R. Dire qu'il y avait des... des militaires à Kabgayi ne signifie pas que ce schéma ou ce... cette photo a été faite à Kabgayi.
Q. Non, ce n'est pas la question que j'ai posée. Vous êtes d'accord avec moi que vous avez vu des militaires portant des armes, ayant des véhicules militaires, dans le centre de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Je vous ai dit que j'ai vu des militaires garder des différentes institutions à Kabgayi, ils étaient armés. Mais je ne les ai pas vus... j'ai pas vu la voiture.
Q. Et les bâtiments peints en blanc que vous voyez en contrebas de la route sur cette image ?
R. Oui, je vois que c'est une maison… il y a des maisons, bien sûr. Les... côté droit, l'autre côté gauche, mais je ne peux pas vous dire quelle maison se « rassemble ».
Q. Vous pouvez au moins dire qu'il y avait de tels bâtiments à l'intérieur du centre de Kabgayi ; vous le savez ?
R. Il y a beaucoup, beaucoup de maisons à Kabgayi, oui, mais les deux, je ne peux pas les identifier. Les deux maisons que je vois ici, je ne peux pas les identifier.
Q. Et certaines de ces nombreuses maisons dont vous parlez à Kabgayi ressemblaient à ce que vous voyez sur l'image, n'est‑ce pas ?
R. Oui, il y a des maisons construites en différentes formes ; c'est... certaines maisons ont cette forme.
Q. Monsieur le Témoin, nous allons passer à la dernière scène. Et c'est la scène dans laquelle vous voyez le père Nsengiyumva.

(Projection de la scène suivante)Vous avez déjà dit que vous le reconnaissez comme étant l'évêque de Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. Oui.
Q. Nous allons écouter ses propos et je voudrais que vous suiviez très attentivement. Et nous allons demander aux interprètes de traduire ces... cela dure 26 secondes.

(Problème de canal : Les interprètes ne sont pas en mesure d’assurer l’interprétation) Je vais donc paraphraser et cela marchera comme cela, puisque le témoin peut suivre ce qui est dit.
Me ERLINDER :Monsieur le Président, je ne pense pas que nous avons une information indiquant que la traduction informelle du journaliste correspond à ce que dit l'évêque. La traduction du journaliste sur l'impression de ce que dit l'évêque, est‑ce que cela est une preuve ?
Mme GRAHAM :Je me fie au français, Monsieur le Président. Je peux entendre l'évêque parler français.
Me ERLINDER :Si nous voulons nous appuyer uniquement sur la version française, mon objection ne serait pas fondée. Mais je ne suis pas en mesure d'entendre clairement le français qui est couvert par l'anglais.
M. LE PRÉSIDENT :Écoutons et voyons ce que nous pouvons suivre. Il faudrait aller pas à pas. Prenez par tranche de cinq ou 10 secondes, la cabine technique.
Mme GRAHAM :Nous allons prendre phrase par phrase.

(Nouvelle projection de la scène)

(Problème de canal : Les interprètes ne sont pas en mesure d’assurer l’interprétation)
M. LE PRÉSIDENT :La solution qui nous fera éviter de... l'objection de Maître Erlinder, c'est que nous puissions suivre le français. Est‑ce que cela est possible ? Madame Graham, vous voulez poursuivre ?
Mme GRAHAM :Oui, Monsieur le Président. Je crois que nous pouvons le faire sans interprétation. Nous pourrons procéder de cette manière.

(Nouvelle projection de la scène)
Me ERLINDER :Monsieur le Président, comme j'ai dit tout à l'heure, c'est un film de Disneyland. Nous avons entendu le journaliste donnant sa version des sons que nous entendons de la bouche de l'évêque. Si nous ne suivons pas clairement ce que dit l'évêque, nous ne pouvons pas nous fier à l'interprétation du journaliste. Et on ne peut pas poser des questions au témoin sur les commentaires des journalistes, puisque nous ne savons pas si cela correspond à ce que dit l'évêque ou non.
M. LE PRÉSIDENT :Et je répète que nous ne sommes pas ici dans un film Disney. Nous avons suivi ce qu'a dit l'évêque. Est‑ce que... Quelle est votre question ?
Mme GRAHAM :
Q. Monsieur le Témoin, au début de ce clip, vous avez entendu l'évêque dire en français qu'il y a eu probablement des tueries au sein du camp... au sein du centre Kabgayi, n'est‑ce pas ?
Me TREMBLAY :Je m'objecte, Monsieur le Président. Objection. Ce n'est pas ce qui a été dit ; j'entends le français et l'évêque dit simplement que « je reconnais qu'il y a eu des cas isolés. » C'est tout ce qu'il dit.
R. « Isolés ». J'ai écrit la phrase.
Me TREMBLAY :Il a dit « c'est possible ».
Mme GRAHAM :C'est ce que j'ai dit. Quelle est donc l'objection ?
M. LE PRÉSIDENT :Oui, c'est ce que nous avons pu suivre jusqu'à présent, parce que c'était possible d'entendre. Et je ne vois pas de nuance entre la formulation que vous avez utilisée, Madame Graham, et la formulation que vous avez utilisée, Maître Tremblay. Je crois que le plus difficile est à venir. Et combien de temps allons‑nous consacrer à cette question ? Quelle est la question suivante ?
Mme GRAHAM :Je n'ai pas eu de réponse à ma première question.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Monsieur le Témoin, pouvez‑vous répondre à la question du Procureur ?
R. Oui, je peux répondre. L'évêque ne dit pas quelque chose de différent de ce que je viens de dire. Oui, il y a eu des cas... des cas isolés. Et l'évêque dit qu'il faut... il faut arrêter la guerre. Mais je ne vois aucune différence entre ce que je vous ai dit — qu'il y a eu des cas isolés ici et là — et ce que l'évêque vient de dire.
Mme GRAHAM :
Q. Est‑ce que cela signifie que vous êtes d'accord avec l'évêque qu'il y a eu cette possibilité qu'il y ait eu des tueries au sein de Kabgayi ?
Me ERLINDER :Monsieur le Président, étant donné que nous faisons des observations sur les propos du... de l'évêque en français et qu'on demande au témoin de faire des observations sur ce que dit le journaliste, il faudrait que ce soit clair qu'on demande au témoin de faire des observations sur les propos du journaliste et non pas de l'évêque.
M. LE PRÉSIDENT :Nous avons tous entendu le... l'évêque parler, en français, de quelques cas isolés. Et Madame Graham dit : « Je considère donc que vous êtes d'accord avec l'évêque, qu'il a été possible que des tueries aient eu lieu dans le centre Kabgayi. »
Q. Et quelle est votre réponse à cette question ?
R. J'ai pas encore bien compris la question.
Mme GRAHAM :
Q. Ma question était la suivante : Je considère que votre réponse signifie que vous êtes d'accord avec le prêtre, que des tueries ont été possibles dans le centre Kabgayi, n'est‑ce pas ?
R. (Intervention inaudible)
Q. Monsieur le Témoin, je vous suggère que l'évêque, sur cette image, dit aussi qu'il est difficile de maîtriser des militaires qui prennent les choses entre leurs propres mains, alors que les militaires sont chargés d'assurer la sécurité dans le pays. Quelle est votre observation ?
Me ERLINDER :Objection, Monsieur le Président. Madame Graham vient de citer ce qu'a dit le journaliste ; elle n'a pas dit ce qu'a dit l'évêque. Il faudrait qu'elle puisse reformuler la question pour parler de ce que le journaliste a dit à propos des propos de l'évêque ; là, il n'y aurait pas de problème. Mais dire que c'est l'évêque qui l'a dit, nous ne le savons pas, parce que nous ne sommes pas sûrs de la fiabilité de l'interprétation du journaliste.
M. LE PRÉSIDENT :Il s'agit ici d'un montage d'une séquence où vous entendez le journaliste qui rapporte ce qui devait être les propos de l'évêque.
Mme GRAHAM :Oui, il dit qu'il est difficile de contrôler les militaires qui prennent les choses entre leurs propres mains lorsque les militaires sont chargés, en même temps, d'assurer la sécurité dans le pays.
R. Une question à moi ? Question posée à moi ?
Mme GRAHAM :
Q. Oui, je vous donne l'occasion de faire votre observation sur ces propos.
R. Mon observation est très facile. C'est déjà connu que l'évêque a été tué par le FPR. Et l'évêque dit qu'il est très difficile de contrôler... Je vous... Je peux, moi, personnellement... personnellement conclure qu'il parlait de... du FPR. C'est... Ce sont mes commentaires. Il n'a pas dit que ce sont des... des... des Inkotanyi, il n'a pas dit que... Il a dit : « Il est difficile de contrôler les militaires. » Lui, il dit : « Il y a eu des cas isolés », ce que j'ai dit depuis le commencement.
Q. Et lorsqu'on dit « militaires », cela peut se référer aussi aux militaires de l'armée régulière... de l'armée gouvernementale, n'est‑ce pas ?
R. Les deux sont possibles.
Me SKOLNIK :Objection, Monsieur le Président. Attendez un instant, Monsieur le Témoin. J'ai soulevé une objection parce qu'il n'a pas été prouvé par ceux qui ont filmé cet élément vidéo qu'il s'agit des militaires du FPR ou de l'armée régulière.
M. LE PRÉSIDENT :Le témoin a dit que les deux sont possibles.
Mme GRAHAM :
Q. Monsieur le Témoin, vous reconnaissez que les militaires ont pris les choses en main au centre Kabgayi, pendant que vous étiez là‑bas ?
R. Oui, je reconnais qu'il y avait des militaires envoyés par le gouvernement. Mais dire que... « Pris en main », c'est trop dire, parce qu'ils... la situation était incontrôlable, si je peux dire.
Mme GRAHAM :Monsieur le Président, nous souhaiterions déposer cet élément vidéo. Et pour ce qui est du contre‑interrogatoire, nous en avons terminé.
M. LE PRÉSIDENT :Y a‑t‑il des objections ?
Me SKOLNIK :Le témoin n'a pas reconnu qu'il s'agit de Kabgayi. Parce que le but de cet exercice, c'est que Madame Graham demandait au témoin de confirmer que c'est Kabgayi. Si le témoin avait accepté qu'il s'agissait de Kabgayi, on aurait déposé cette pièce. Mais, le témoin n'ayant pas reconnu qu'il s'agit de Kabgayi, on ne peut pas déposer cette pièce en prétendant qu'il s'agit de Kabgayi.
Me TREMBLAY :Je maintiens mon objection préliminaire ; elle était fondée essentiellement sur cette proposition‑là. On ne sait pas où ont été pris ces éléments vidéo. Et je suis prêt, cependant, à faire un compromis ; je suis prêt à accepter qu'on mette en preuve la partie relative à l'évêque.

(Conciliabule entre les Juges)
M. LE PRÉSIDENT :Il s'agit là d'une vidéo de la BBC. Nous voyons l'évêque de Kabgayi, selon le témoin. Le témoin ne sait pas si c'est vraiment la cathédrale. Il a reconnu qu'il y a des similarités au niveau des forêts et des bâtiments. Il y a effectivement des structures de terrain de basket‑ball. De notre point de vue, ceci a été soumis au témoin. Donc, nous allons attribuer la valeur plus tard, mais nous ne voyons pas de raison de rejeter ceci comme pièce. Prochaine cote ?
M. MATEMANGA : « P. 382 ».
M. LE PRÉSIDENT :Très bien.
(Admission de la pièce à conviction P. 382)
Interrogatoire complémentaire ?
M. WHITE : Monsieur le Président, je... j'interviens sur le commentaire de Maître Erlinder. Cette vidéo, c'était le 31 janvier 2002 ; ça... ça apparaît sur la liste des pièces du Procureur, et la Défense obtient cela... a ça depuis juin 2003. Nous avons « KV00‑0030 » — c'est ça, la cote.
Me ERLINDER :Merci, Monsieur White. Peut‑être que ça a été introduit avant que j'arrive et je n'ai pas noté après cela.
M. LE PRÉSIDENT :Visiblement, il y a une autre remarque.
Me SKOLNIK:Je ne crois pas que cela avait été versé en preuve. Cela avait été communiqué. Mais l'une des difficultés que je vois ici, parce que j'ai été interrogé des centaines de fois à la télévision, mais on ne montre qu'une petite partie de l'interview ; et je remarque...ça fait partie d'un plus grand métrage. Et ce que Monsieur White dit, c'est que cela fait partie d'un très... de quelque chose de plus grand.Mais il y a un danger, ici. Même si, Monsieur le Président, vous avez dit… — et je suis d'accord avec vous — vous avez dit que vous avez identifié les éléments qui semblaient familiers au témoin, il n'a pas dit que c'était familier, mais il a... il ne les a pas identifiés comme étant de cet endroit. Donc... Donc, je crois que c'est... On ne peut pas faire le lien entre l'élément de preuve et l'objectif de ce métrage‑là.
M. LE PRÉSIDENT :Est‑ce qu'il y a un interrogatoire complémentaire ?
Me TREMBLAY :La réponse est négative, Monsieur le Président. Je vous remercie.
M. LE PRÉSIDENT :Je vous remercie. Monsieur le Témoin, nous sommes arrivés au terme de votre déposition. Nous vous remercions pour avoir fait ce voyage deux fois jusqu'à Arusha et nous vous souhaitons un bon voyage retour. Et évitez d'évoquer votre déposition avec qui que ce soit.
Me SKOLNIK :(Intervention non interprétée)
M. LE PRÉSIDENT :Excepté, probablement, l'équipe de Kabiligi. Autre chose, Maître Tremblay ?
Me TREMBLAY :Monsieur le Président, mon client ne connaît pas ce Monsieur et ce Monsieur ne connaît pas mon client ; cependant... mais mon client souhaiterait lui dire merci de vive voix et obtenir de lui [Sur ordre du Président, la partie de l’intervention suivante a été extraite de la transcription et produite sous scellés], si le témoin le permet... y consent.
LE TÉMOIN DH133 :Je le permets.
M. LE PRÉSIDENT :Si le témoin accepte, il faut informer la Section des témoins et ils vont examiner cet arrangement‑là. Est‑ce qu'il y a autre chose avant de terminer aujourd'hui ?
Me SKOLNIK :Étant donné [Sur ordre du Président, la partie de l’intervention suivante a été extraite de la transcription et produite sous scellés], il pourrait être identifié. Donc, il faudrait que cela soit rayé.
M. LE PRÉSIDENT :Oui, nous allons placer cela sous scellés et nous n'allons pas le transmettre. J'ai l'impression qu'il n'y a pas d'autres points à soulever aujourd'hui. Nous allons arrêter, et nous nous retrouvons dans cette salle d'audience à 8 h 45 lundi ; pas « Laïty Kama », pas le rez-de-chaussée, mais ce prétoire. Et je crois que c'est le dernier jour où nous faisons ces déménagements, et nous revenons à « Laïty Kama » mardi pour toute la journée... à partir de mardi.

(Levée de l'audience : 16 h 20)

(Pages 49 à 81, prises et transcrites par Hélène Dolin, s.o)




SERMENT D’OFFICE

Nous, sténotypistes officielles, en service au Tribunal pénal international pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes recueillies au mieux de notre compréhension.

ET NOUS AVONS SIGNÉ :



________________ _________________
Joëlle Dahan Hélène Dolin

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