Tuesday, May 09, 2006

Lettre ouverte au General de Brigade Leonidas Rusatira

Par



Arusha, le 24 avril 2006

Lettre ouverte au Général de Brigade Léonidas Rusatira

Au Général Rusatira,
Email: ramukal@ayahoofr

Veuillez trouver en annexe les observations faites par vos
anciens camarades d' arme sur votre récent livre intitulé

« Rwanda, Le droit à l'espoir ».

Amitiés !







OBSERVATIONS SUR LE LIVRE
DU GÉNÉRAL DE BRIGADE LÉONIDAS RUSATIRA
« R WANDA, LE DROIT A L ’ESPOIR »














Table de matières
1. Introduction--------------------------------------------------------------------------------------------- 3
2. Sur l’identité de l’auteur du livre------------------------------------------------------------------ 4
3. A propos du rôle joué auprès du Président Juvénal Habyarimana.------------------------ 4
4. Le Général Rusatira face à l’invasion du Rwanda---------------------------------------------- 6
5. Sur le rôle de Rusatira dans la conduite de la guerre----------------------------------------- 8
6. Sur les négociations de paix----------------------------------------------------------------------- 14
7. Sur la définition de l’ennemi----------------------------------------------------------------------- 15
8. Sur la mise en place du comité de crise--------------------------------------------------------- 17
9. Sur le remplacement du Général Déogratias Nsabimana ----------------------------------- 18
10. Sur les tentatives d’assassinat dirigées contre Rusatira ----------------------------------- 20
11. Au sujet de l’opération « SOS Butaro »--------------------------------------------------------- 22
12. Sur les propos divisionnistes---------------------------------------------------------------------- 23
13. Son rôle de rassembleur---------------------------------------------------------------------------- 24
14. Conclusion--------------------------------------------------------------------------------------------- 25

OBSERVATIONS SUR LE LIVRE DU GENERAL LEONIDAS RUSATIRA « RWANDA, LE DROIT A L’ESPOIR », EDITIONS L’HARMATTAN, 2005

1. Introduction


En lisant l’annonce de la sortie du livre intitulé « Rwanda, le Droit à l’espoir », tout Rwandais ou toute autre personne qui a connu les tragédies récentes survenues dans ce pays, a sans doute été tentée de se le procurer et de le lire. Elle est immédiatement portée à le parcourir pour voir ce que son auteur propose comme solution capable de redonner l’espoir qui a déserté les cœurs des Rwandais, voilà plus de quinze ans. C’est cette curiosité qui nous a incités à lire attentivement ce récent livre du Général de Brigade Léonidas Rusatira, paru aux Editions L’Harmattan, à Paris, au cours de l’ année 2005. Après la lecture, nous n’avons pas voulu demeurer indifférents face aux impressions que nous avons ressenties parce que le Rwanda reste notre mère patrie et que tout ce qui nous rapproche de lui, nous touche profondément.

Tout au début du livre, l’auteur dit qu’il n’a pas l’intention de parler du mal de lui-même et qu’il laisse cette tâche aux autres. Nous savons que la perfection n’est pas de ce monde. Nous admettons que chaque personne a ses qualités et ses défauts. Il est aussi normal que Rusatira ait connu des succès mais aussi, comme tout homme faillible, des échecs et des défaillances au cours de sa vie. Il n’aurait pas dû avoir honte de parler de tout cela pour autant qu’il avait décidé de parler de lui-même à moins d’accepter qu’il a sciemment travesti la vérité pour sauver sa face. Nous voulons d’emblée préciser que nous n’entendons pas répondre à l’appel qu’il a fait à l’endroit de ceux qui l’on connu pour étaler son côté faible.

Cependant nous devons dire que nous avons constaté que son amour propre démesuré constitue un obstacle important qui l’empêche de rétablir correctement et objectivement les faits surtout ceux dans lesquels il a eu à jouer un rôle. C’est pour cela que nous avons décidé d’apporter des éclaircissements sur quelques-uns des nombreux sujets qui frisent des demi vérités quand ils ne sont pas manifestement des contrevérités.

Pour commencer, nous partageons l’approche intellectuelle de l’auteur qui dit que les historiens sont des fleuves dont nous sommes les sources et qu’ils nous enseignent ce que nous leur avons appris.

Notre modeste contribution à ce gigantesque chantier de la restitution des événements nous demande de rompre certaines barrières des à-peu-près, des hypothèses et des spéculations.

Qui plus est, nous devons garder à l’esprit que nos propos sont reçus par des milliers de personnes dont l’immense majorité risque de les prendre pour argent comptant surtout quand tous les lecteurs ne disposent pas des outils nécessaires qui leur permettent de faire une analyse objective.

Dès lors, nous nous sentons dans le devoir de leur fournir des éléments de nature à leur permettre de placer correctement les faits dans leur vrai contexte et de connaître ainsi la vérité.
Pour ce faire, il est indispensable de résister à ses états d’âme qui peuvent induire en erreur ceux qui croient puiser à de bonnes sources. Même si la nature humaine a tendance à se dérober à cette éthique, l’honnêteté intellectuelle nous y soumet.

2. Sur l’identité de l’auteur du livre

S’il est vrai que l’auteur a amplement donné son identification dans le chapitre 1 de son ouvrage, intitulé « Ma carte de visite », il a délibérément omis de dire qu’à l’école primaire et à l’école secondaire, au Collège du Christ Roi de Nyanza, il portait le nom que ses parents lui avaient donné, Nturanyeninkiko, nom qui signifie : « j’habite parmi les rivaux ou je vis avec les gens qui ne me veulent pas du bien ». Dans le langage courant, on pourrait être tenté de penser faussement qu’il signifierait aussi : « j’habite tout près de la frontière ». En classe de poésie1, il a pris le nom de Rusatira (Rusatirantambara). Il va donc sortir du Collège avec un autre nom pour entrer à l’École d’Officiers avec le nouveau nom que nous lui reconnaissons aujourd’hui.

Les gens de sa région se rappellent des embarras qu’ils ont eus pour s’accoutumer à ce nouveau nom dont ils n’ont pris connaissance que lorsque l’intéressé avait le grade de sous-lieutenant. A cette époque, un sous-lieutenant était une personnalité importante. Ils n’ont pas oublié les engueulades de Rusatira contre ceux qui, par ignorance, avaient le malheur de le saluer par son nom de Nturanye (diminutif de Nturanyeninkiko), à l’occasion de ses visites dans la région. Ces engueulades n’ont pas manqué de révolter les plus sensibles.

Pourquoi n’a-t-il pas mentionné cet élément important de sa carte de visite et informé ses lecteurs sur les raisons qui ont motivé ce changement de nom? L’auteur aurait probablement des raisons de cette grande omission.

Au milieu des années 1980, au moment où l’appellation de Chef de Cabinet devint Secrétaire Général du Ministère de la Défense (MINADEF), le Général Rusatira a changé sa date de naissance et sa signature. Alors qu’il était enregistré dans son dossier, avec pièces ad hoc à l’appui, qu’il était né en 1943, il a fait modifier cette date pour dire qu’il est né en 1944.

Pour chercher à être dans les normes, il est retourné dans sa commune d’origine pour réclamer les pièces d’identité, lesquelles ont été visées par le Notaire, avant d’être versées dans les dossiers en remplacement de celles remises au moment du recrutement. Il est clair que la Commune, en complicité avec le Général Rusatira, a falsifié ces nouveaux documents, qui ont été par la suite visés par le Notaire qui ne comprenait rien dans ce jeu pour le moins sournois. Nous laissons aux curieux le soin de s’adresser à lui pour lui demander les raisons à la base de ces changements à tout le moins bizarres !

Enfin, un autre fait tout à fait étrange est celui-ci. En avril 1994, Rusatira est promu au grade de Général de Brigade par le Gouvernement intérimaire dirigé par le Premier Ministre, Jean Kambanda. En juillet 1994, le Gouvernement de Jean Kambanda perd la guerre déclenchée par le FPR /NRA. Après un très court séjour en exil à Bukavu2, Rusatira rentre au Rwanda pour rejoindre l’Armée Patriotique Rwandaise, vainqueur de la guerre. Dès son arrivée, en août 1994, le Gouvernement FPR le rétrograde au grade de Colonel. Depuis lors jusqu’à sa désertion ou à son renvoi du FPR, il a toujours porté le grade de Colonel. C’est seulement dans son exil au Kenya, en 1996, qu’il a commencé à se présenter encore une fois comme Général de Brigade dans ses déclarations. Ayant été nommé Général de Brigade par le Gouvernement intérimaire, il a été rétrogradé au grade de colonel par le gouvernement FPR. Il devrait donc expliquer comment il a pu recouvrer par après le grade de Général de Brigade.

3. A propos du rôle joué auprès du Président Juvénal Habyarimana.

En abordant ce point, nous allons centrer nos observations sur les fonctions de Léonidas Rusatira en tant que Chef de cabinet, appellation devenue plus tard Secrétaire général, au Ministère de la Défense. Pendant vingt-deux ans, Léonidas Rusatira s’y était imposé comme

1 La classe de poésie correspond à l’avant dernière année avant de terminer le cycle complet de l’école secondaire.
2 Dans son Livre, Rwanda, l’espoir, Rusatira a dit que c’était le représentant du FPR à Bukavu qui a facilité à son équipe de rejoindre Gisenyi, à partir de Bukavu, via Goma.

le dépositaire légitime et irremplaçable qu’aucun autre officier des FAR ne pouvait rêver occuper ce poste.

S’il tient à signaler qu’il fut nommé au poste de chef de Cabinet du Ministère de la Garde nationale et de la police en 1970, il devrait être plus équitable en reconnaissant que c’est le Président Habyarimana qui l’y a maintenu durant à peu près vingt ans. Comme il le confirme lui-même à la page 24 de son livre, il y est arrivé avec le grade de lieutenant et a reçu tous les autres grades dans cette même fonction jusqu’à celui de colonel.

Les FAR n’ont pas encore oublié de nombreux documents administratifs dont des lettres portant des directives et instructions du Ministre de la Défense Nationale qu’il a signées depuis 1970 jusqu’en 1992. Tout le monde sait qu’il était l’homme puissant auprès du Général Habyarimana et qu’il était parvenu à se confondre avec les acronymes DIRCAB d’abord et plus tard SEGEDEF signifiant respectivement Directeur de cabinet et Secrétaire général au MINADEF.

Curieusement, Rusatira prétend qu’il n’avait pas de poids et qu’il y est "resté assez longtemps pour tout savoir sans rien savoir 3». Vouloir faire accepter cette affirmation aux personnes qui ont été placées sous son autorité ou qui l’ont connu, serait aussi difficile que d’essayer de faire admettre à un vieillard qu’il ne va pas se brûler les doigts s’il touche dans le feu.

Tous les dossiers à destination ou en provenance du Ministre de la Défense passaient devant Rusatira. En tant que coordinateur du travail des différents services du Ministère de la Défense, il a dû émettre des avis sur beaucoup de dossiers. Mais il faut reconnaître que ce travail de coordination ne fut pas un succès. Même si chacun des différents hauts responsables avait ses qualités et ses défauts, nous savons que Rusatira a été en compétition déloyale avec ses proches collaborateurs, au lieu de rechercher l’esprit de collaboration et de complémentarité pour l’intérêt supérieur de la nation. Ces attitudes étaient quelquefois même provocatrices comme par exemple, le fait de recruter des informateurs et partisans parmi les jeunes officiers et de les monter contre certains chefs militaires tels que les Colonels Serubuga et Rwagafirita. En effet, cette situation a eu un impact très négatif sur le moral et l’efficacité des Forces Armées Rwandaises. Suite aux intrigues, aux chicanes administratives et règlements de comptes au sommet du commandement, les FAR étaient, à la veille de l’invasion d’octobre 1990, mal gérées, mal organisées, mal équipées et mal entraînées pour remplir efficacement leur mission de défense de la nation. Il faut aussi souligner que ces tares ont marqué les FAR tout au long de la guerre. Rusatira l’avoue lui-même mais sans se faire le moindre reproche.

Il convient également de souligner qu’en plus de son rôle de numéro deux au Ministère de la Défense, Rusatira a exercé des fonctions politiques au plus haut niveau de l’Etat. En effet, Léonidas Rusatira a été membre du Comité Central du MRND, de 1983 à 1991. Avec rang protocolaire supérieur à celui des ministres, seulement cinq officiers des FAR ont occupé cette position à savoir: Colonel Kanyarengwe, Colonel Nsekarije, Colonel Serubuga, Colonel Rwagafilita et Colonel Rusatira. A ce titre, Rusatira a participé à la prise de décisions politiques au niveau le plus élevé de l’Etat.

Lui qui dit qu’il ne sait pas, peut-il oser dire combien de fois il a été en désaccord ave les grandes positions politiques dans le cadre du Comité Central du MRND ?
Rusatira a piloté les grands dossiers du Ministère de la Défense notamment ceux de la coopération soit en se rendant personnellement dans des missions à l’étranger soit en dirigeant des réunions avec différentes délégations des pays amis ?
Le nom de Rusatira est archi-connu dans les services des pays qui ont eu à coopérer militairement avec le Rwanda d’une façon ou d’une autre. Immanquablement les archives existent.

3 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 23

Avec l’avènement du multipartisme, le Président Habyarimana a cédé le ministère de la Défense depuis fin décembre 19914. Dès lors, Léonidas Rusatira ne pouvait pas monopoliser pour longtemps encore le poste de Secrétaire Général dans ce Ministère. C’est ainsi qu’il le quitta en juin 1992 pour devenir commandant de l’Ecole Supérieure Militaire (ESM), un poste aussi important au sein du Ministère de la Défense Nationale. Rusatira a donc été pendant plus de vingt-deux ans parmi les plus proches collaborateurs de Habyarimana et l’officier qui, après celui-ci, a le plus participé à la prise de décisions qui ont marqué l’histoire des FAR.

Rusatira peut ne pas vouloir se ranger parmi les admirateurs de Habyarimana pour des raisons conjoncturelles. Néanmoins, nous pensons qu’il exagère quand il traite celui-ci de « petit mégalomane»5. Tout lecteur qui connaît ces deux hommes, c'est-à-dire, Juvénal Habyarimana et Léonidas Rusatira, ne manquerait pas d’être complètement bouleversé et sidéré de lire de tels propos écrits par celui qui fut très longtemps son bras droit. Habyarimana a travaillé pour le progrès et le bonheur de son peuple jusqu’au sacrifice suprême. Il ne devrait pas mériter un tel traitement de la part d’un officier qui a passé presque toute sa carrière à ses côtés sans le dénoncer ni tenter de se démettre. N’est-ce pas un signe qu’il approuvait ce que son chef faisait ? Nous pensons que l’attitude actuelle de Léonidas Rusatira répond plutôt à d’autres calculs.

Il est acculé de prendre ses distances par rapport à Habyarimana que la propagande a cherché qu’il soit l’homme par qui le malheur des Rwandais est arrivé.

Avec cette position, Rusatira est bien dans la peau du vaincu dont il brosse le portrait dans son livre à la page 37 où nous lisons : « Le vaincu ne renonce pas seulement au pouvoir, il cède aussi son âme et son histoire. Il ne marche plus droit mais courbé pour cacher qu'il a encore la conscience et la fierté. Il n 'ose pas jeter un coup d'œil sur ce qui lui appartenait de peur d'irriter le nouveau propriétaire. Il se cache lui-même dans l'oubli. Les nouveaux détenteurs du pouvoir détruisent tout ce qui déplaît en s 'appropriant ce qui leur plaît. Ainsi les vaincus sont efacés jusqu'au nom ; ils n 'ont pas existé ; les générations futures n 'en auront aucune référence ».

Comme Habyarimana déplaît à ses assassins, il doit déplaire au vaincu pour ne pas irriter le nouveau propriétaire. Surtout il ne faut pas montrer que l’on fut son proche, son fidèle, son confident et son âme damnée. Il est riche de sens ce proverbe maghrébin qui dit : « Quand un taureau tombe, les couteaux se multiplient »6.

4. Le Général Rusatira face à l’invasion du Rwanda

Rusatira expose sur plusieurs pages de son livre une rumeur selon laquelle l’invasion du Rwanda était au départ un simulacre d’attaque convenue entre le Président Habyarimana, le Président Museveni et Rwigyema : « Les deux présidents auraient alors convenu d'un stratagème qui ne manquait ni d'imagination ni de perspectives. Il fallait un simulacre d'attaque arrêtée dès son déclenchement et suivie par des négociations avec comme résultat déjà connu l'acceptation par le Rwanda du retour de tous les réfugiés sans condition; eux-mêmes cessant, par l'entremise de Rwyigema parrainé par Museveni, tout acte d'hostilité contre le régime rwandais. Une véritable gageure pour le président Habyarimana : trouver

4 Dans la foulée, le Président Habyarimana a cédé aussi les postes de chef d’Etat Major de l’Armée et de la Gendarmerie. Le Président a renoncé au cumul de fonctions, comme il l’avait annoncé au cours de la réunion des responsables militaires du 04 décembre 1991, pour une meilleure gestion des FAR (voir La Relève N° 202 du 06 au 12/12/91 p. 3).
5 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 184.
6 Un proverbe rwandais similaire dit: « Iguye hasi ntayitayigera ihembe ». Certes Habyarimana avait des défauts comme tout être faillible, mais il faut reconnaître qu’il avait aussi des qualités intellectuelles et de chef.

une issue honorable au problème de ses réfugiés, et sauvegarder ainsi son amitié avec Museveni mais sans perdre sa popularité auprès de sa propre population. »7

Une telle rumeur vise à présenter Habyarimana comme une personne sans vision stratégique ni politique, une personne d’une naïveté excessive. Si de tels faits s’avéraient exacts, on le qualifierait même de traître.

D’aucuns se demandent quels sont les mobiles qui poussent Rusatira à répandre sans preuve une rumeur non fondée sur une ludique guerre convenue d’avance entre l’Uganda et le Rwanda, dans le but de trouver une solution à une question des réfugiés Tutsi.

Nous pensons qu’un conte de fée de ce genre n’a pas de place dans un débat portant sur un drame comme celui que le Rwanda a vécu depuis le mois d’octobre 1990, à cause de l’invasion du Rwanda par la coalition NRA/FPR à partir du territoire ougandais. Personne n’a le droit de mettre en doute la volonté politique des autorités rwandaises pour trouver une issue pacifique au problème des réfugiés rwandais. Il suffit de lire le rapport sur la visite officielle du Président Habyarimana en Uganda du 04 au 06 février 1988 et sur les pourparlers qui ont suivi cette visite dans le cadre de la commission mixte mis en place sur le problème des réfugiés pour constater que le Gouvernement rwandais voulait une solution pacifique à la question des réfugiés. Le scénario, tel qu’exposé par Rusatira, est donc inimaginable.

Malheureusement, le FPR a voulu anticiper sur les travaux de la commission mixte pour le retour pacifique de ces réfugiés en envahissant le Rwanda le 01 octobre 1990. Ni l’accélération des travaux de la commission mixte, ni la visite à Kampala du Ministre Casimir Bizimungu, fin septembre 1990, n’ont arrêté l’agression du Rwanda par la coalition NRA/FPR.

En tant que Secrétaire Général au Ministère de la Défense, Rusatira était au courant de toutes ces démarches d’autant plus qu’il était membre du Comité Central du MRND et qu’il représentait le Ministre de la Défense dans le CIC ministériel de sécurité8. Toutes les démarches entreprises par le gouvernement rwandais constituaient des signes forts que celui-ci voulait une solution rapide et pacifique de la question des réfugiés rwandais. Par contre, le FPR a court-circuité et devancé ce projet qui devait lui ôter automatiquement les arguments et les ressources humaines pour attaquer le Rwanda.

Le Général Rusatira avait reçu, à la fin des années 1980, des informations sur l’imminence de la guerre contre le Rwanda9. Beaucoup de signes avant-coureurs étaient observables, notamment à travers le Journal Impuruza du Professeur Alexandre Kimenyi qui sensibilisait les réfugiés Tutsi de la diaspora à attaquer le pays10. Les renseignements sur les préparatifs de guerre par les réfugiés Tutsi en Uganda parvenaient régulièrement au Ministre de la Défense nationale. Mais qu’a fait Rusatira de ces renseignements au delà de son livre paru à la veille de l’invasion et dont le titre est assez évocateur : La guerre des faibles? Pourquoi n’a-t-il pas contribué à la mobilisation des ressources et des moyens militaires suffisants de manière à

7 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 129
8 Le CIC (Commission interministérielle de coordination) en matière de sécurité regroupait le Ministre de la défense, celui de l’intérieur, de la justice, des affaires étrangères et le Directeur de l’ORINFOR (Office Rwandais d’Information).
9 Dans son livre “Noires fureurs, blancs menteurs”, M. Pierre Péan fait état, à la page 46, d’un télégramme envoyé par Rusatira à l’Elysée, en mars 1990, sur la menace d’une attaque contre le Rwanda par les réfugiés rwandais installés en Ouganda.
10 Selon les informations dignes de foi, Rusatira a défendu, au cours d’une réunion du Comité Central du MRND à ce sujet, l’idée selon laquelle il ne fallait pas informer la population sur les attaques éventuelles par la diaspora Tutsi. Mais curieusement, à la page 132 de son livre, il attribue cette position déplorable au Président Habyarimana au lieu de l’assumer personnellement en tant qu’auteur et défenseur devant les membres du Comité Central du MRND.

éviter au pays la surprise de l’offensive éclair de la coalition NRA/FPR du 01 octobre 1990 ? Qu’a-t-il fait personnellement pour s’attribuer de bonnes notes ?

Rusatira se souvient-il de l’exercice « Arc-en-ciel voilé » organisé en fin d’année 1987 et de la réunion de débriefing sur cet exercice au cours de la deuxième moitié de l’année suivante ? Se souvient-il des interventions des officiers et surtout de la question qui a été posée au sujet de l’urgente nécessité d’envoyer les cadres en stage pour la formation aux techniques de guérilla ?
Se rappelle-t-il de la réponse négative qu’il a lui-même donnée sur cette question précise?
Par la suite, l’État-Major de l’Armée Rwandaise a écrit une lettre au Ministre de la Défense, proposant d’envoyer en stage des cadres dans les pays bien identifiés qui avaient eu à faire avec la guérilla. Rusatira a opposé, encore une fois, une fin de non-recevoir, par une lettre signée de sa propre main. Dans sa réponse à la demande de l’État-major de l’Armée Rwandaise, il a précisé qu’il fallait apprendre aux cadres les principes contenus dans son livre « La Guerre des faibles ». Selon lui, les principes exposés dans son livre étaient amplement suffisants. S’il est vrai qu’à travers son livre, l’on y retire certaines idées qu’il a lui-même glanées ici et là dans d’autres ouvrages, peut-on vraiment croire Rusatira que les principes exposés dans son livre pouvaient remplacer un stage sur la guérilla? Et pourquoi s’est-il contenté de cette réponse évasive sans émettre des directives concernant le suivi de ce cursus ? Notre interprétation est simple : Rusatira ne voulait pas que de tels stages soient suivis.

Concernant encore une fois son conte de fée, les premières réactions des Présidents rwandais et ougandais indiquent qu’il n’y avait rien de convenu entre les deux hommes. S’il y avait eu une mise en scène entre Museveni, Habyarimana et Rwigema, Habyarimana n’aurait pas quitté New York précipitamment pour aller à Bruxelles et à Paris pour demander leur intervention. Il n’aurait pas été nécessaire que Mobutu entre dans le jeu en qualité de médiateur alors qu’une solution était déjà programmée. Museveni n’aurait pas lancé la célèbre phrase : « I know my boys ».

Aussi, s’il y avait eu un schéma arrêté d’avance, Museveni et Habyarimana auraient profité de leur première rencontre qui a eu lieu le 26 octobre 1990 à Gbadolite au Zaïre (actuelle RDC) pour régler définitivement ce problème.

Rusatira chercherait-il à se frayer les chemins pour s’attirer la sympathie de Museveni en effaçant complètement ou en allégeant drastiquement la responsabilité de ce dernier dans le drame rwandais ?

Quel que soit le but poursuivi, l’approche de Rusatira cause beaucoup de tort car elle véhicule une intoxication que les architectes de la manipulation ne tarderaient pas à relayer pour lui donner définitivement forme. Ainsi bâtie et consolidée, cette hypothèse finirait par devenir vérité. Partant, personne ne saura jamais la vérité et les vraies responsabilités des différents acteurs sur le drame rwandais. Seul Museveni en sortirait ragaillardi.

Tout au long de son livre, Rusatira Léonidas continue de ressasser son appel à la résistance lancée à la population contre l’invasion du Rwanda par le FPR le 01 octobre 1990. Il ne nous dit pas si c’est en qualité de ses fonctions qu’il a posé ce geste héroïque ou si c’est grâce aux prérogatives que lui conférait sa toute puissante position de numéro 2 au Ministère de la Défense Nationale. Pourquoi veut-il assumer ce qui l’arrange et s’éloigner de ce qui lui serait compromettant ?

5. Sur le rôle de Rusatira dans la conduite de la guerre

A la page 197 de son livre, le Général Rusatira dit : « Ma critique sur l'armée rwandaise et son commandement n'est pas tardive puisque mes avertissements avaient été formulés à
temps. On aurait dû m'éprouver en me confiant, dès le temps de paix, le commandement pour vérifier si je savais appliquer les théories que je prêchais. Mais les jalousies, les complexes et les intrigues ont paralysé la réflexion et l'esprit d'initiative. Il a été jugé que je ne méritais pas cette chance, parce qu 'on n'a envisagé que l'éventualité de me mettre en valeur. On a oublié que le commandement à la guerre est une arme à double tranchant, un jeu de quitte ou double. J'étais prêt à jouer ce jeu avec détermination en vue de gagner ou de ne pas tout perdre. »

Il est surprenant de lire ce passage à travers lequel Rusatira voudrait se mettre en dehors du commandement des FAR dont il a fait partie pendant longtemps dans le cadre de la troïka11 autour du Président Habyarimana. Ainsi, il aurait formulé des « avertissements » dont il s’est gardé de révéler le secret.

Nous pensons qu’à défaut de nous éclairer sur ces propositions, et à défaut d’informations sur les interrogations que nous posons, nous ne pouvons pas juger de la pertinence de ses propositions. Aussi, ne pouvons-nous pas accepter que Rusatira n’ait pas pu passer ses propositions au commandement des FAR dont lui-même faisait partie. Qui peut croire que Rusatira aurait fait une proposition d’une telle importance qui ait été refusée par le Président Habyarimana ? Pouvons-nous le croire sur simple parole pour conclure qu’il était « clairvoyant et soucieux de conduire son armée à la victoire » ?

Quand il dit qu’il était «prêt à jouer ce jeu avec détermination en vue de gagner ou de ne pas tout perdre», nous croyons qu’il est facile de tenir de tels propos, mais pour être plus crédible, le lecteur aurait souhaité connaître le secret caché derrière sa stratégie et sa tactique ! A-t-il déjà oublié que quand la coalition NRA/FPR attaqua le Rwanda le 1er octobre 1990, aucun pays n’a condamné cette invasion du Rwanda par des éléments venus de l’Uganda ? Que le HCR, dont les règlements interdisent aux réfugiés de prendre les armes contre leur pays d’origine, n’a pas, à notre connaissance, officiellement condamné, cette agression alors qu’il avait pourtant été associé aux négociations pour le retour pacifique des réfugiés rwandais? Rusatira a-t-il oublié que même la Belgique, puissance coloniale et amie du Rwanda, a refusé de livrer au Gouvernement Rwandais des armes qu’il avait commandées et payées ? Comment aurait-il pu contourner la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU du 17 mai 1994, qui a décrété l’embargo contre la vente d’armes au Rwanda, pays agressé depuis octobre 1990, alors que l’Ouganda approvisionnait sans cesse le FPR sous l’œil complice de ses bailleurs de fonds et des hautes institutions financières internationales ? Qu’aurait fait Rusatira pour éviter la guerre que les réfugiés rwandais voulaient à tout prix quand Habyarimana négociait pour qu’elle ne puisse pas avoir lieu ? Nous croyons que douze ans après la victoire du FPR, une analyse objective de la victoire ou de l’échec doit impérativement tenir compte de tous les paramètres qui ont porté le FPR à la victoire finale.

Il est vrai que le Général Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR, a exprimé le même regret de ne pas voir Rusatira à la tête des FAR ou du moins une partie des FAR « modérés » en vue de se soumettre à une reddition sans condition au FPR 12. Dallaire en le disant, interprétait peut-être mal la lettre des officiers des FAR dont faisait partie le Général Rusatira lui-même datée du 12 avril 1994. (Nous reviendrons sur ce communiqué du 12 avril 1994, dans les lignes qui suivent).

Rusatira qui se veut l’initiateur de ce communiqué s’estimait le seul capable de sauver le Rwanda ; mais d’autres lui auraient refusé cette opportunité par jalousie. Mais quelles recettes avait-il pour arrêter ou gagner la guerre ? D’autant qu’au niveau de l’expérience de

11 Il faut entendre par troïka les immuables adjoints du président Habyarimana (Rusatira Léonidas au Ministère de la Défense Nationale depuis 1970, Serubuga Laurent à l’Etat-Major de l’Armée Rwandaise depuis 1973, Rwagafilita Pierre Célestin à la Gendarmerie Nationale depuis 1979)
12 Voir Dallaire : « J’ai serré la main du diable. Page 373-374 »

commandement, il n’a commandé aucune opération militaire pour pouvoir revendiquer une expérience de terrain. Sur quoi Rusatira pouvait-il fonder ses assurances pour se considérer comme le messie désigné pour sauver le Rwanda ? Et s’il avait quand même des solutions salutaires pour le pays, qui est-ce qui l’a empêché de les proposer au commandement des FAR dont il faisait partie ?

Par ailleurs, Rusatira affirme qu’il n’a joué aucun rôle dans la conduite de la guerre. Il semble nous dire que puisqu’il n’a pas eu la chance de commander directement les troupes, il était d’office exclu du jeu. Il ajoute sur la même page 197 que, de ce fait, il ne devrait pas être associé à la défaite que les FAR ont connue alors qu’on a tout fait pour l’éloigner du combat de peur de devoir l’associer à la victoire à venir. Ces graves déclarations cachent mal une réalité déchirante.
Comme tout le monde le sait, le Président de la République était en dehors du pays au moment de l’invasion, le 1er octobre 1990. Juste après l’attaque, le Colonel Rusatira a présidé au Ministère de la Défense, une réunion regroupant les deux chefs d’Etat Major adjoints (armée et gendarmerie) et le secrétaire particulier du Président pour échanger des informations et des points de vue sur l’invasion. Il en a résulté un communiqué informant la population de l’invasion. Ce communiqué fut naturellement signé par le président de la réunion. Le Général Rusatira le dit dans son livre à la page 133 : « Une réunion est convoquée d'urgence par la Présidence et doit se tenir dans le bureau du Secrétaire général à la Défense. En venant d'initiative se réunir en mon bureau, ces personnalités m 'accordent brusquement une importance qui contredit leur attitude habituelle à mon égard. J'ai découvert le piège trop tard, mais sans trop de regrets. Les participants échangent des informations et des points de vue sur cette invasion. Il en résultera un communiqué controversé qui appelait la population à la vigilance, le pays ayant été attaqué de l'extérieur. Certains participants à la réunion, visiblement confiants dans la suite des événements, ne voulaient pas de ce communiqué, alléguant qu'il fallait éviter d'efaroucher la population en l'absence du chef de l'État. Je décide d'endosser la responsabilité de cette information en signant le document ».

Qui peut réellement croire que c’est un piège qu’on tendait à Rusatira? Peut-être le seul survivant de cette réunion, le Colonel Serubuga, devra nous éclairer sur cette question. Que vise Rusatira quand il prétend avoir été désapprouvé par le Président de la République pour avoir diffusé ce communiqué issu de cette réunion ?

Où est le piège tendu à Rusatira alors qu’il dit que « Certains participants à la réunion, visiblement confiants dans la suite des événements, ne voulaient pas de ce communiqué, alléguant qu'il fallait éviter d'efaroucher la population en l'absence du chef de l'État ». N’est-il pas clair que c’est lui qui avait l’initiative ? De toutes les manières, ce n’était pas pour la première fois que le SEGEDEF, indépendamment de l’ancienneté dans le grade, présidait des réunions ou des cérémonies militaires qui regroupaient les deux Chefs d’Etat-Major adjoints.

Par ailleurs, nous pensons que ce que Rusatira dit n’est pas vrai, parce que, même sans ce communiqué, la population l’aurait su en écoutant d’autres postes de radio qui reportaient à propos de cette invasion du Rwanda par des éléments venus de l’Ouganda. L’on se rappelle combien RFI s’était investie pour informer ses auditeurs à propos de cette attaque. En plus de cela, Rusatira est resté Secrétaire Général au Ministère de la Défense jusqu’en juin 1992 et il n’y a aucune preuve dans son dossier sur ce prétendu désaveu par le Président de la République. Enfin, une telle information n’a jamais filtrée au sein des FAR. De toutes les façons, on comprend mal comment le Président aurait eu une telle réaction en ces circonstances d’autant plus que ce communiqué fut le résultat d’une concertation entre quatre responsables militaires. Il aurait été plutôt irresponsable de leur part de ne pas informer la population.

Bien plus, dans l’après-midi du 04 octobre 1990, Rusatira a accordé une interview aux journalistes belges qui ont posé justement des questions en rapport avec cette attaque. Le Président HABYARIMANA étant rentré la veille dans la soirée, Rusatira avait eu le temps de le briefer sur les événements qui s’étaient passés en son absence, y compris la réunion des quatre chefs militaires tenue après l’attaque. Et s’il avait été désapprouvé par le Chef de l’État pour avoir informé la population de l’attaque du 1er octobre 1990, comment peut-il expliquer qu’il ait pu être autorisé à parler aux journalistes belges, le 04 octobre 1990, sur le même sujet ?

Rusatira va même plus loin en soutenant que suite à ce prétendu désaveu, il a échappé à un attentat dans la nuit du 04 au 05 octobre 1990. Il soutient qu’il était visé par la fusillade de cette nuit dans la ville de Kigali. Nous y reviendrons plus loin pour démontrer qu’il s’agit d’une pure fabrication de sa part.

Par contre, il y a eu, au début de la guerre, un incident dont Rusatira ne veut pas parler et qui serait à l’origine de sa frustration. A cette époque, celui-ci a voulu que la cellule des opérations soit dirigée par le Ministère de la Défense au lieu de l’État Major de l’Armée, mais le Président de la République en a décidé autrement. C’est ainsi que l’on a mis en place à l’Etat Major de l’Armée ce qui a été appelé alors « Direction des opérations13 ». La décision du Président relevait de la pure logique car la conduite de la guerre ne se limitait pas seulement à la direction des opérations militaires. Rusatira avait du pain sur la planche: il ne pouvait pas chômer en cette période de guerre. Les tâches de mobilisation des ressources humaines et matérielles, celles de recherche de renseignements stratégiques, celles liées aux actions médiatiques et psychologiques pour ne citer que ces quelques domaines seulement, étaient immenses pour le Ministère de la Défense.

Rusatira ne peut pas nier qu’il a assisté régulièrement aux réunions de la Direction des Opérations militaires qui se tenaient chaque matin à l’État major de l’Armée Rwandaise pour examiner la situation sur le front et les actions à mener pour la poursuite de la guerre.

A la page 184 de son livre, il soutient que pour avoir osé exprimer au Président Habyarimana, trois mois avant, ses inquiétudes sur la dérive politique en cours, il s’est vu mis sous les ordres d’un officier qui lui était inférieur en grade. Ainsi, Rusatira n’a pas digéré la désignation du Colonel Augustin Ndindiliyimana à la tête du Ministère de la Défense en décembre 1991. Cependant, on sait que Ndindiliyimana était une personnalité expérimentée, parce qu’il avait été Ministre depuis 1982. Il n’y avait donc rien d’étonnant qu’il soit nommé à la tête du Ministère de la Défense dans le gouvernement dirigé par le Premier Ministre Sylvestre Nsanzimana à la fin de l’année 1991.

Depuis 1970, plusieurs officiers supérieurs en grade avaient travaillé sous les ordres de Rusatira et avaient obéi au règlement qui prévoyait que la fonction primait sur le grade. Au lieu de se conformer à la loi comme d’autres l’ont fait à son égard, Rusatira a violemment boudé le fait de passer sous les ordres de Ndindiriyimana, moins ancien dans le grade. Peut-être pensait-il que le poste de Ministre de la Défense lui revenait pour y avoir exercé de hautes fonctions pendant 22 ans ?

Par ailleurs, si en septembre 1991 Rusatira pouvait s’approcher du Président Habyarimana pour lui faire part des choses qui n’allaient pas dans la politique du pays et de surcroît en rapport avec le parti du Président comme il le dit dans son livre, cela signifie que leurs relations sont restées bonnes. Ces bonnes relations excluent déjà l’existence de démêlés de grande ampleur avec le Président au début de la guerre. Nous allons démontrer plus loin que ce prétendu attentat contre Rusatira dans la nuit du 04 au 05 octobre 1990 n’a pas eu lieu.

Rusatira révèle dans son livre qu’il ne s’est jamais senti dans sa juste place pendant la guerre. Il y revient tellement souvent que cela paraît être une obsession. Ceci est une preuve

13 Rusatira en fait allusion à la page 133 de son livre à la note de pied de page no 3.

que l’incident relatif à la direction des opérations militaires que nous venons de relever plus haut était si bien réel et profond. Cet incident, comme la nomination du Général Ndindiliyimana à la tête du Ministère de la Défense, l’a donc sérieusement affecté.

Depuis la veille de l’avènement du multipartisme, Rusatira ne s’est pas effectivement occupé de ses tâches si importantes au Ministère de la Défense au moment crucial de l’histoire du pays. Ses déclarations à peines voilées permettent enfin de comprendre son comportement qui, tout au moins, frise la trahison. En effet, quelles que soient ses raisons personnelles, il aurait dû privilégier les intérêts supérieurs de la nation et avoir un peu de modestie de comprendre que bien loin des intrigues de cour, d’autres officiers tombaient sous les balles des envahisseurs pour défendre leur patrie. Encore une fois, son amour-propre a pris le dessus sur la raison.

En outre, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper, que Rusatira est arrivé au point de ne pas souhaiter la victoire militaire des FAR à laquelle il croyait ne pas être associé. Comment peut-on ne pas croire que Rusatira faisait partie de ceux qui ne souhaitaient pas la victoire militaire des FAR quand on sait qu’il a tenté sans succès, depuis l’avènement du multipartisme, d’inciter les militaires à la révolte et à ne pas combattre en leur disant que la cause qu’ils défendaient ne valait pas la peine. Il a ainsi fait des démarches dans ce sens auprès de certains officiers du Bataillon Para Commando, du Bataillon de Reconnaissance et du Bataillon Commando de Ruhengeri14 mais sans succès. Nous nous limitons à ces unités pour lesquelles nous disposons de preuves15. Nous savons aussi qu’il a fait les mêmes démarches auprès des civils intellectuels qu’il recrutait pour l’opposition proche du FPR mais sans beaucoup de succès. D’ailleurs, Rusatira ne cachait pas sa tendance politique MDR aile pro-FPR. Pourtant, en vertu de la constitution du 10 juin 1991, les membres des FAR, encore en activité de service, devaient être apolitiques.

A la lumière des incidents non exhaustifs ci haut relatés, nous pourrions affirmer que le Général Rusatira a sournoisement participé à la propagande de démoralisation et de démobilisation des Forces Armées Rwandaises pour compromettre leur victoire militaire qu’il ne voulait pas mais sans vouloir non plus celle du FPR. Il le confirme d’ailleurs lui-même à la page 60 de son livre. Il aura donc commis une erreur fatale car un tel comportement ne pouvait qu’encourager le FPR qui n’a jamais cru aux Accords d’Arusha, à poursuivre son objectif de conquérir le pouvoir sans partage, sachant que les divisions créées au sein des FAR, ne leur permettraient pas de résister efficacement. Rusatira devrait donc cesser de prétendre n’être pas associé aux causes de la défaite. Il devrait plutôt reconnaître qu’il est l’un des fossoyeurs des FAR et avoir le courage d’assumer sa part de responsabilité.

Avant de clôturer ce chapitre, nous pensons qu’il est indispensable de nous arrêter un peu sur le communiqué du 12 avril 1994 qui a fait couler tant d’encre et qui continue à faire l’objet de manipulation et de récupération politique pour accréditer certaines thèses et sur les contacts secrets entre Dallaire et Rusatira.

En parlant du communiqué du 12 avril 1994 à la page 55 de son livre, Rusatira dit : « Même si tous les oficiers signataires de ce document ne faisaient pas partie de l'état-major, il fut attribué au commandement des Forces armées rwandaises (FAR) à cause de la caution du chef d'état-major. ».

A la page 68, Rusatira écrit : « La conspiration de Kigeme faillit donc réussir n 'eût été la présence du contingent français. Mais tout homme épris de justice reconnaîtra que je ne

14 Rusatira se rappelle de ses démarches infructueuses auprès du Major Laurent Bizabarimana, commandant du Bataillon Commando Ruhengeri, auprès du Capitaine Anaclet Dukuzumuremyi du Bataillon de Reconnaissance, du Capitaine Hakizimana et Capitaine Shumbusho tous deux membres du Bataillon Para commando. A cette liste s’ajoute aussi le Major Gérard Ntamagezo, commandant de bataillon dans le secteur opérationnel de Ruhengeri avant de devenir officier d’Etat Major de l’Armée Rwandaise.
15 C’est peut-être pour cette raison qu’il a participé à la campagne de diabolisation de ces unités.

méritais pas ce sort. En avril 1994, je m 'étais dressé, à titre personnel puisque je ne commandais rien, contre l'abandon de la Capitale par l'Etat-major sans coup férir ni négociation. J'avais même été à l'origine d'une déclaration, le Communiqué du 12 avril déjà cité et qui proposait de négocier et réclamait l'arrêt du massacre d'innocents. On m 'avait alors accusé de chercher un prétexte pour rester avec le FPR à Kigali ».

Nous pensons que Rusatira devrait ne pas continuer à entretenir la confusion autour de ce communiqué du 12 avril 1994 en disant qu’il fut attribué au commandement des Forces Armées Rwandaises à cause de la caution du chef d'état-major.

Plutôt, quelque soit la contribution des uns et des autres, la responsabilité dudit communiqué revient complètement à l’État-major de l’Armée Rwandaise qui lui a donné tout le poids conséquent en l’endossant au nom des FAR. Non seulement c’est le Chef d’État-major (a.i.) de l’Armée Rwandaise qui était présent mais il était entouré par les quatre chefs de bureau de l’État-major. Sans autre précision, un lecteur non averti ne saura jamais qu’à ce moment précis :
- Le Colonel Joseph Murasampongo était le G1 de l’État-major de l’Armée Rwandaise ;
- Le Colonel BEMS Aloys Ntiwiragabo était le G2 de l’État-major de l’Armée;
- Le Lieutenant-colonel Emmanuel Kanyandekwe, qui remplaçait le colonel Gratien Kabiligi, G3 de l’État-major de l’Armée Rwandaise, qui était en mission à l’étranger ;
- Le Lieutenant-colonel BEMS Augustin Rwamanywa était G4 de l’État-major de l’Armée Rwandaise.
A cet Etat-major complet de l’ Armée Rwandaise, sont venus s’ajouter quelques officiers supérieurs de l’Armée Rwandaise présents à Kigali et certainement entrés en contact d’une manière ou d’une autre avec l’Etat-Major pour la circonstance. Il s’agit de:
- Le Colonel Félicien Muberuka, commandant des opérations militaires dans la ville de Kigali
- Le Colonel André Kanyamanza, commandant de l’Escadrille d’Aviation ;
- Le Colonel Léonidas Rusatira, commandant de l’Ecole Supérieure Militaire ;
- Le Colonel Edouard Hakizimana, Chef de division Coopération militaire au Ministère de la Défense ;
- Le Lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda, Officier de liaison auprès de la MINUAR.
Il sied de souligner que ce communiqué était soutenu par toutes les Forces Armées Rwandaises. Nous nous inscrivons en faux contre toute personne qui pourra nous dire si ledit communiqué aurait rencontré une quelconque désapprobation d’un commandant de secteur ou d’un commandant d’unité.

Pourquoi dès lors certains manipulateurs attribuent-ils ce communiqué aux officiers dits modérés qui se seraient désolidarisés du Gouvernement ? Peut-on nous dire tout autre officier qui aurait été contacté et qui se serait opposé à ce projet ou qui n’aurait pas adhéré à cette initiative ?

Il serait tragique et regrettable que certains officiers aient contribué à l’accouchement de ce document avec des intentions cachées de vouloir conduire les FAR sur le terrain de la reddition sans condition comme le dit Dallaire qui ne s’empêche d’ailleurs pas de tourner en dérision cette initiative en disant que « cette proposition aussi naïve qu ’elle ait pu paraître montre le courage et le désir de stopper la guerre et les massacres ».

Mais nous nous demandons si Dallaire continue à se tromper quand il parle de ses contacts suivis avec Rusatira. Ainsi au paragraphe 3 de la page 496 de son livre, le Général Dallaire parle d’une lettre confidentielle lui envoyée par les généraux Gatsinzi et Rusatira: « Tel que je l’avais deviné à la suite de mon entretien privé avec Ndindiliyimana, le mois de mai f ut témoin du dernier sursaut des modérés. Un jour, je reçus au QG une lettre de Rusatira et de Gatsinzi, qui me fut transmise en secret. Ils me racontaient qu ’ils vivaient dans le sud avec d’anciens étudiants de l’Ecole militaire. Ils me demandaient de dire à Kagame que, lorsque le FPR les rattraperait, ils ne voulaient pas qu ’on les attaque car ils n ’avaient pas l’intention de résister. Lorsque je transmis le message à Kagame, celui-ci ne fut guère impressionné. Pour lui, ces hommes auraient dû résister publiquement aux extrémistes dès le début du conflit et ils devaient donc supporter les conséquences de leur comportement, tout comme les rares survivants qui les soutenaient encore et leurs familles.»

Mais plus grave est que, naïve ou pas, cette proposition devait être portée sur les fonts baptismaux par Kagame. Dallaire ne dit-il pas que « si Kagame leur donnait la reconnaissance et l’appui dont ils avaient besoin pour créer un mouvement d’opposition à l’intérieur de l’AGR (Forces de l’Armée Gouvernementale), il existerait une possibilité qu ’ils en viennent à éliminer le mouvement des extrémistes ». Si cela était vrai, il n’y aurait aucun motif de fierté pour un général qui accepte de trahir son serment en acceptant de collaborer avec les envahisseurs. Mais là où le bât blesse est ce stratagème de soumettre à ses compagnons d’armes des suggestions qui lui serviraient de main coulante pour atteindre ce diabolique dessein.

6. Sur les négociations de paix

A la page 197 de son livre, Rusatira dit : « La guerre consiste en la bataille et en la poursuite quand on est en position de force et en la négociation quand on est en position de faiblesse. » Pour ce qui est de la négociation, il ne faudrait pas perdre de vue l’élément essentiel et indispensable pour toute négociation, celui de la bonne volonté des deux parties désireuses de mettre fin au conflit par des moyens pacifiques. Or, la partie représentée par le FPR n’en voulait pas parce que son seul objectif était de prendre le pouvoir par la force. Nous serions d’accord avec Rusatira sur ce principe s’il pouvait faire la différence entre une guerre de conquête de territoire et une guerre de conquête du pouvoir. Au Rwanda, c’est de cette dernière qu’il s’agissait : le FPR visait le pouvoir. Les responsables civils et militaires qui ne l’ont pas compris tout de suite ont justement fait des erreurs d’appréciation et de jugement.

Spécialement dans ce genre de situation de guerre de conquête du pouvoir, il faut chercher à régler le problème politique qui se pose tant que l’on est en position de force. Il ne fallait pas attendre que l’on soit dans une position de faiblesse pour négocier la paix. Nous disons donc que le gouvernement rwandais a raté la meilleure occasion de négocier sérieusement avec le FPR et de requérir pour cela l’appui de la communauté internationale. Et cette bonne occasion se situe à la veille de la promulgation de la nouvelle constitution en juin 1991. En effet, en cette période, les FAR avaient chassé les combattants du FPR de la forêt des volcans et contrôlaient complètement toute la frontière. En ce moment là, le moral des combattants du FPR était très bas à telle enseigne que certains étaient prêts à répondre directement à l’appel de déposer les armes et de rentrer au pays. On se souviendra qu’il y a eu, avec l’aide de la Croix Rouge Internationale, l’organisation des corridors de passage des soldats qui regagneraient le pays.

Nous n’ignorons pas aussi qu’en cette période, certaines personnalités de l’opposition intérieure naissante ont entrepris, par naïveté et/ou opportunisme politique, des démarches secrètes auprès du FPR pour l’encourager à poursuivre la guerre et à ne pas accepter l’offre de
se rendre sans condition tout en lui promettant au moins l’appui politique16. Les autorités civiles et politiques du pays auraient dû réaliser le danger et accélérer résolument les négociations.

En tant que Secrétaire Général au Ministère de la Défense, le Général Rusatira a bien suivi cette situation que nous rappelons ici. Il n’a sûrement pas eu cette même vision des choses et conséquemment n’a rien fait pour influer sur la situation dans le sens que nous soutenons.

Par contre, nous savons à quel point Rusatira était allergique, à la veille des négociations directes avec le FPR en 1992, à l’idée que les FAR devaient tout faire pour permettre au gouvernement de négocier en position de force17. Mais nous nous rappelons tous qu’au même moment le FPR faisait pression sur toute la ligne de front pour s’assurer de la position de force avant de s’engager dans les négociations.

7. Sur la définition de l’ennemi

Au sujet de la définition de l’ennemi par les FAR, le Général Rusatira confirme à la page 309 de son livre, qu’une commission a été mise en place lors de la réunion des chefs militaires sous la présidence du chef de l’État suite aux discussions non concluantes sur cette question18. Mais pour rester fidèle à la consigne de tenir un discours « aimable et convenable 19», il se perd dans des contradictions inimaginables pour enfin qualifier d’extrémiste la définition retenue par la commission. Ce faisant, Rusatira abonde dans le sens des commentaires de l’opposition qui avait piraté le document et en a fait des interprétations tendancieuses et erronées dans les journaux pro-FPR. Pourtant le Gouvernement intérimaire n’a cessé de faire des précisions sur le véritable ennemi.

Nous aimerions informer les lecteurs que les membres de cette commission ont été désignés séance tenante par les participants dont le Colonel Rusatira lui-même. Il s’agit de: Colonel Théoneste Bagosora, Colonel Déogratias Nsabimana, Colonel Marcel Gatsinzi, Colonel Gd Pontien Hakizimana, Colonel Félicien Muberuka, Lieutenant Colonel Anatole Nsengiyumva, Major Juvénal Bahufite, Major Augustin Cyiza, Major Aloys Ntabakuze et le Major P. Claver Karangwa.

Rusatira prétend que la peur de certains membres de cette commission a servi les plus radicaux qui auraient ainsi imposé leur point de vue extrémiste. Pourtant, Rusatira était parmi ceux qui ont désigné les membres de la Commission, et n’a jamais émis d’objection à l’égard de l’un ou l’autre officier désigné comme membre de la commission. Pourquoi y revient-il maintenant ? Qui vise-t-il et sur base de quelle preuve peut-il l’affirmer puisqu’il n’était pas membre de cette commission ? Il n’indique nulle part qu’un membre de la commission lui

16 Dans son livre “Noires fureurs, blancs menteurs” Pierre Péan affirme à la page 89 que les milieux politiques n’étaient pas à la hauteur des enjeux de la crise nationale.
17 Rusatira se souvient de la réunion regroupant les deux Chefs d’État major adjoints (Armée Rwandaise et Gendarmerie Nationale) plus les chefs de bureau au Ministère de la Défense et dans les deux états majors qu’il a dirigée au début du mois d’avril 1992 au Ministère de la Défense et dont l’objet portait sur les négociations directes avec le FPR qui devaient débuter incessamment. Il se rappelle qu’il n’a pas soutenu, contre l’avis de tous les participants à la réunion, l’idée d’approvisionner les FAR de munitions suffisantes pour pouvoir résister aux assauts éventuels du FPR à la veille des négociations afin de permettre au gouvernement de négocier en position de force. Il se souvient qu’il a soutenu que les caisses de l’État étaient vides, que les militaires étaient fatigués de la guerre, qu’il y avait risque de désertions massives et qu’il n’était donc pas question de parler de position de force. Les commandes de ces munitions n’ont effectivement pas été faites. Du reste, on connaît la suite.
18 Rusatira a participé à cette réunion du 04 décembre 1991 en tant que Secrétaire Général au Ministère de la Défense.
19 Expression empruntée à Robin Philpot, dans son livre : Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali. Les éditions des Intouchables, 2003. 1463 Boulevard Saint Joseph Est. Canada.

aurait révélé cette information. Il n’a donc aucune base pour tirer une telle conclusion. Il ne fait que spéculer dans l’intention de nuire et de conforter la thèse de ceux qui l’ont utilisé.

Il convient d’informer le lecteur que c’est par la lettre N0 1437/G2.2.4 du 21 septembre 1992, que le Colonel Déogratias Nsabimana, Chef d’état major de l’Armée Rwandaise, a transmis aux unités, l’extrait du rapport produit par la commission mise en place le 4 décembre 1991. Cet extrait comprenant 14 pages comporte deux chapitres à savoir « la définition et l’identification de l’ennemi » et « la situation de l’ennemi ». Ce dernier chapitre met particulièrement en relief l’organisation politique et militaire de l’ennemi, ses objectifs, ses moyens et ses méthodes, ainsi que ses atouts et ses faiblesses». Ceux qui pensent que c’est le Tutsi qui est considéré comme ennemi, n’ont pas pris connaissance du contenu de cet extrait dont la diffusion était par ailleurs réservée aux seules forces armées. Même là, il ne pouvait pas être question de traiter « tout Tutsi d’ennemi », parce que le document était destiné aux militaires dont certains étaient des Tutsi. Nous pensons que ceux qui soutiennent que le document visait des Tutsi en général ne sont pas sérieux. Ou ils l’ont lu de travers, ou avec certains à priori. D’autre part, le rapport de cette commission qui était plus volumineux n’a jamais été diffusé et reste inconnu du public. Or, l’extrait dont il est question ne contient ni les conclusions ni les recommandations de la commission. Il est dès lors hasardeux d’interpréter le travail de cette commission sur base de ce seul extrait.

Dans cet extrait, l’ennemi est défini comme suit : « L ’ennemi principal est le Tutsi de l’intérieur ou de l’extérieur extrémiste et nostalgique du pouvoir, qui n ’a jamais reconnu et ne reconnaît pas encore les réalités de la Révolution de 1959, et qui veut reconquérir le pouvoir au Rwanda par tous les moyens y compris les armes. Il faut noter que l’extrait précise expressément que « les opposants politiques qui veulent le pouvoir ou le changement pacifique et démocratique du régime politique actuel au Rwanda ne sont pas à confondre avec l’ennemi ou les partisans de l’ennemi. »

Il est clair que les passages ci-dessus ne suggèrent nulle part une intention globalisante à moins de faire croire que tous les Tutsi étaient extrémistes et qu’ils voulaient tous prendre le pouvoir au Rwanda par les armes. Or, c’est bien le contraire car des intellectuels, des politiciens et des hommes d’affaires Tutsi de l’intérieur ont dénoncé, par écrit et publiquement, l’agression du FPR contre le Rwanda20. L’ennemi dont il s’agissait était bien le FPR21 que tout le monde par ailleurs reconnaissait être un front majoritairement Tutsi, même si quelques Hutu appelés à juste titre des « Hutus de service », en faisaient partie22. Pour s’en convaincre davantage, il faut lire les autres parties de cet extrait. Contrairement à ce que soutient Rusatira, la définition retenue par la commission ne suggère donc pas une globalisation aveugle ni ne considère comme ennemi, tous ceux qui avaient de près ou de loin des relations avec les combattants Tutsi.

20 Pierre Péan le confirme sur les pages 81 et 82 de son livre, “Noirs fureurs, blancs menteurs” : “Ainsi la lettre ouverte de seize fonctionnaires tutsis adressée au président Habyarimana en date du 31 octobre 1990 condamnait l’attaque du Front et exprimait leur soutien au président Habyarimana et aux FAR […] le 28 décembre d’éminents responsables politiques et hommes d’afaires tutsis font la même démarche.”

21 Un autre élément qui montre qu’il s’agit bien du FPR est la précision que le Colonel Déogratias Nsabimana, Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise, a tenu à apporter dans sa lettre de transmission de cet extrait: « Certains éléments repris dans le document ont entre-temps changé. L ’ennemi se trouve par exemple sur notre territoire, alors qu’à l’époque il attaquait à partir de l’Uganda, tandis que ses efectifs qui étaient insufisants ont depuis lors sensiblement augmenté. Le cessez-le-feu a été efectif et les négociations sont en cours pour essayer de mettre fin à la guerre. ». Il convient de rappeler que le Colonel Nsabimana était membre de la commission.

22 Ces quelques Hutus ont été recrutés pour des raisons de propagande afin de cacher le caractère mono ethnique du mouvement. Après la victoire du FPR tous ces Hutus ont été évincés sans ménagement car leur rôle était terminé (certains ont été mis en prison tandis d’autres ont été tout simplement assassinés par ce front). Dans le journal Le Monde du 21 mai 2002, l’ancien Président, Pasteur Bizimungu, actuellement en prison, admet avoir été un Hutu de service, un potiche.

Rusatira ne cache d’ailleurs pas son malaise quand il dit : « C'est pourquoi la fameuse définition controversée de l'ennemi qui a défrayé la chronique depuis 1992 ne pouvait avoir mon adhésion, si l'extrémisme que lui reprochent ceux qui ont pu la lire est réel. »23 Cette déclaration ne montre-t-elle pas que Rusatira n’est pas convaincu de ce que ces nouveaux maîtres lui font dire ? Si Rusatira n’a pas lu le document, pourquoi prend-t-il position sur un document dont il n’a pas pris connaissance ?

Il dit aussi que le Colonel Déogratias Nsabimana n’était pas membre de cette commission. Il dit enfin que le compte rendu du rapport de la commission a été diffusé dans les unités par ce dernier qui avait trouvé cette lettre déjà prête à son entrée en fonction comme nouveau chef d’État Major. Comment Rusatira peut-il soutenir cela quand il sait que le Colonel Nsabimana est devenu chef d’État Major en juin 1992 et que la lettre de transmission de cet extrait date du 21 septembre 1992 ?

Concernant la prise de connaissance ou la lecture du document par Rusatira, nous sommes convaincus que Rusatira veut brouiller les pistes. Ce document était destiné à toutes les Unités et services de l’Armée Rwandaise et aux Écoles. C’est dire qu’il a donc lu le document. Nous nous demandons pourquoi il ne veut pas l’admettre.

8. Sur la mise en place du comité de crise

En parlant de la mise en place du comité de crise au cours de la réunion des officiers à l’ESM, le 7 avril 1994, le Général Rusatira dit : « La proposition fut acceptée trop facilem ent grâce à l'appui d'oficiers proches du colonel Bagosora, ce qui dépassa mes attentes de naïf invétéré. En fait, ces oficiers savaient déjà que le chef du gouvernement et ses ministres issus de l'opposition avaient été liquidés. »24

Cette présentation des faits par le Général Rusatira est tout à fait contraire à la vérité. Premièrement, Rusatira ne s’est jamais opposé à cette idée. Par contre, il a accepté volontiers de faire partie de ce comité et a participé à ses travaux jusqu’au bout. Ceci veut dire qu’il était convaincu de sa raison d’être et du bien fondé de sa mission25.

Deuxièmement, selon les déclarations des témoins devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, le Premier Ministre Agathe Uwiringiyimana a été tuée le 7 avril 1994 aux environs de 11 heures pendant que la réunion de l’ESM était en cours. Ces mêmes témoins affirment qu’elle a été tuée par une bande de militaires mutins dont les enquêtes n’ont pas jusqu’à présent déterminé avec exactitude les unités militaires aux quelles ils appartenaient.

Rusatira ne peut donc pas soutenir que ces prétendus officiers proches de Bagosora ont quitté la réunion à laquelle lui-même assistait, pour commander ces mutins. Nous pouvons donc affirmer que ni Rusatira, ni ces officiers, personne ne savait, au moment de la mise en place de ce comité de crise, que le chef du gouvernement avait été liquidé par des militaires mutins, ou par des infiltrés du FPR dont des cellules clandestines étaient aussi présentes dans la Ville de Kigali? Il est donc clair que le Général Rusatira ne dit pas la vérité.

23 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 308.
24 Idem, p. 156
25 L’auteur ne veut pas dire la vérité quand il se considère comme un naïf invétéré pour faire croire qu’il était en dehors de ce qui se passait. Ce qu’il dit n’est pas vrai. Donnons la parole au Général Roméo Dallaire dans sa réponse au juge d’instruction Damien VANDERMEERSCH, en date du 29 mai 1995. « I was slightly reassured to see some of the senior RGF moderate oficers there and, in particular, the commander of the ESM (an intelligent and prominent moderate). He was nominated to lead the production of the communiqué by a sub­crisis committee.” Ce qui se traduit en français comme suit: “J’étais légèrement rassuré de trouver en cet endroit quelques oficiers supérieurs modérés et, en particulier, le commandant de l’ESM (un homme intelligent et éminent). Il avait été nommé pour conduire la sous-commission du comité de crise chargée de la rédaction du communiqué après [cette réunion] » {Transmis au Procureur du Roi à Bruxelles le 29 mai 1995. Arrondissement de Bruxelles. Tribunal de Première instance, p.19}

9. Sur le remplacement du Général Déogratias Nsabimana

Etant donné que tout au long de son livre, le Général Rusatira fait état des frustrations successives qui ont jonché son parcours avant et durant la guerre d’octobre 1990, nous allons nous appuyer sur quelques passages de son ouvrage pour bien recentrer les débats.

A la page 53, il est dit : « Malgré un dévouement sans arrière-pensée, la suspicion battait son plein dans les rangs des forces armées rwandaises. Le climat devint plus malsain lorsque des conflits longtemps restés latents vinrent en plein jour à la faveur de la guerre et de la lutte pour les places devenues moins nombreuses à cause de l'arrivée du Front patriotique. Il s'y ajoutait que, en ce qui me concerne, je n'avais jamais cédé à la tentation du racisme ou de toute autre forme d'extrémisme. Et cette attitude était souvent tournée en dérision. Je fus exclu de toutes les fonctions prévues par l'Accord d'Arusha. La mort inopinée du président apporta un cran supplémentaire à la tension interne et qui ne pouvait plus échapper à tout observateur attentif. »

L’idée qui transparaît dans ce passage est que Rusatira se sent marginalisé depuis longtemps et parle de la lutte des places, dans laquelle il était certes engagé. Dès lors nous devons comprendre que le douloureux événement du 06 avril 1994 aurait été une occasion pour lui d’obtenir ce qu’il n’avait pas pu avoir jusque là.

Comme nous l’avons vu plus haut, Rusatira écrit à la page 197 : « On aurait dû m'éprouver en me confiant, dès le temps de paix, le commandement pour vérifier si je savais appliquer les théories que je prêchais. Mais les jalousies, les complexes et les intrigues ont paralysé la réflexion et l'esprit d'initiative. Il a été jugé que je ne méritais pas cette chance, parce qu 'on n'a envisagé que l'éventualité de me mettre en valeur. »

Tout lecteur avisé resterait pantois d’entendre cette assertion sortir de l’auteur. Comment, lui qui était dans les arcanes du pouvoir, peut venir étaler au grand jour des jalousies, les complexes et les intrigues qu’il n’ait pas eues le courage de dénoncer au moment de sa splendeur pour y porter remède ?

Ces deux extraits qui se passent de commentaires prouvent abondamment qu’on devrait être prudent avant de satisfaire aux ambitions de cet homme dont la frustration n’avait pas échappé à l’attention de ceux qui le connaissaient de près.

Nous avons suffisamment montré que cet officier était proche de Habyarimana et qu’il ne peut pas nier avoir été son bras droit du moins jusqu’au moment où il dit avoir commencé à ne pas être en odeur de sainteté avec le pouvoir suprême.

Il n’y a pas d’équivoque qu’il aurait souhaité un poste de commandement afin d’être éprouvé dès le temps de paix, c’est-à-dire à la période avant le déclenchement de la guerre de 1990. Mais il ne nous dit pas quand et quel poste de commandement il aurait demandé à son Chef, le Général-Major Habyarimana.

Au déclenchement de la guerre, aurait-il demandé au moins d’être nommé commandant d’un secteur opérationnel pour mettre en valeur ce qu’il prétend avoir prêché en temps de paix ? En tout cas s’il l’avait demandé, il n’aurait pas été le premier officier de ce grade à intervenir directement sur le terrain d’autant plus que le Colonel Nshizirungu qui était son aîné de promotion avait exercé le commandement du secteur opérationnel de Byumba. Pour éviter toute confusion, Rusatira devrait dire ce qu’il a demandé et ce qu’on lui a refusé.

A propos de Marcel Gatsinzi et d’Augustin Bizimungu qui ont occupé respectivement le poste de Chef d’État Major ad intérim et de Chef d’État Major en remplacement du Général Major Déogratias Nsabimana mort dans l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, Léonidas Rusatira déclare : «Rappelons que le nouveau chef d’état-major, d’excellent combattant qu ’il fût, n ’avait jamais exercé une fonction à ce niveau. Tout y était nouveau
pour lui ; la guerre qui faisait rage n ’allait pas lui donner assez de temps pour s’adapter à sa nouvelle charge. En plus, le général Augustin Bizimungu, tout comme Marcel Gatsinzi, son éphémère prédécesseur, n ’avaient que le commandement oficiel qui les rendait responsables, pendant que leur autorité sur certaines unités était relative. Ils n ’ont pas osé avouer ce handicap, et c ’est ce qui rendait leur position d’autant plus délicate et inconfortable. »26

Le Général Rusatira n’a pas d’argument pour soutenir que ces deux officiers n’étaient pas préparés pour occuper le poste de Chef d’État- major. En effet, Marcel Gatsinzi était breveté de l’Ecole de Guerre en Belgique. Il avait été pendant plus de dix ans le conseiller du Chef d’Etat Major de l’Armée Rwandaise pour les opérations et l’entraînement (G3) avant d’être nommé commandant de l’Ecole des Sous-officiers de Butare. Pendant la guerre, il avait assuré le commandement intérimaire du secteur opérationnel de Mutara en remplacement du Colonel Nsabimana tombé malade. Dans le cadre de la formation de la Nouvelle Armée, le Colonel Gatsinzi avait été désigné, en janvier 1994, au poste de commandant de Brigade par le gouvernement dirigé par Madame le Premier Ministre Agathe Uwiringiyimana conformément aux Accords d’Arusha27.

Quant au Général Augustin Bizimungu, celui-ci était également breveté de l’Ecole de Guerre en Belgique. A l’issue de l’Ecole de Guerre, il a commandé successivement le Centre d’Instruction de Bugesera, le Bataillon Commando Ruhengeri et le secteur Opérationnel de Ruhengeri depuis janvier 1991. Comme Marcel Gatsinzi, il avait été désigné, en janvier 1994, au poste de commandant de Brigade par le gouvernement.

Contrairement aux deux généraux, Marcel Gatsinzi et Augustin Bizimungu, Rusatira n’a jamais commandé une unité d’une taille supérieure à une compagnie. Il ne détient aucun brevet d’état major. Il convient de souligner que ce n’est pas l’occasion de faire la formation supérieure qui a manqué, mais tout simplement il ne l’a pas voulu de peur de céder momentanément sa place à d’autres personnes.

Toutes proportions gardées, les généraux Bizimungu et Gatsinzi avaient donc qualité plus que Rusatira pour assumer les fonctions qu’on leur a confiées en avril 1994. Il convient de rappeler qu’à cette période, ces fonctions n’étaient ni politiques ni administratives. La primeur des tâches était de s’engager aux combats afin de contenir le FPR, surarmé, bénéficiant de plusieurs appuis. Cette incontournable priorité aurait permis de gagner du terrain et des délais pour permettre aux politiques de faire leur devoir notamment négocier avec le FPR.

Il est vrai que ces deux chefs militaires ont hérité d’une situation chaotique suite à la décapitation au sommet de l’état et à la déstabilisation totale du pays consécutive à la reprise de la guerre par le FPR sur tous les fronts y compris dans la capitale. Il est vrai que le contrôle des unités en débandade relevait de la gageure surtout dans cette situation désordonnée. Il est aussi vrai qu’une certaine opinion même au sein de la MINUAR souhaitait que « les modérés des FAR », dont Rusatira, se rebellent pour se joindre au FPR en vue de hâter sa victoire militaire. Tout compte fait, la situation était certes très difficile à gérer, mais ces autorités ont fait de leur mieux pour être à la hauteur de leur tâche.

Enfin, Rusatira laisse sentir qu’il était le candidat le mieux indiqué pour occuper ce poste de chef d’Etat Major. Il renchérit en soutenant que s’il avait été nommé à ce poste, les FAR n’auraient pas perdu la guerre. Il prétend donc qu’il avait une solution miracle qu’il n’a jamais voulu révéler à ses collaborateurs et compagnons d’arme. Il faut être naïf pour y croire surtout pour ceux qui savent que c’est lui-même qui avait soufflé au colonel Gatsinzi, le 12 avril 1994, le projet d’abandonner la ville de Kigali au FPR sans combattre contrairement à ce qu’il dit à la page 68 de son livre. Heureusement qu’à cette occasion, l’Etat Major a été clairvoyant.

26 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 198
27 Conformément aux accords d’Arusha, chacune des deux armées avait droit à deux postes de commandant de brigade et deux postes de commandant en second de Brigade.

Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que sa solution magique dont il prétend garder le secret, n’était autre que la reddition sans condition. Il ne faut pas être stratège pour trahir.

10. Sur les tentatives d’assassinat dirigées contre Rusatira

Le Général Rusatira fait état, à travers son livre, de plusieurs tentatives d’assassinat dont il aurait été victime depuis octobre 1990. Il dit que la première tentative aurait eu lieu pendant la nuit du 04 au 05 octobre 1990. Il soutient sans sourciller que les fusillades de cette nuit dans la ville de Kigali étaient dirigées contre sa personne et contre d’autres officiers indésirables pour justifier les arrestations massives et arbitraires qui ont suivi28. Mais en même temps, il admet qu’il n’y eut ni dégâts matériels ni victimes. Il admet aussi que c’est bien lui-même qui a été contacté par un diplomate accrédité à Kigali29 au sujet d’une attaque imminente sur la capitale. Mais il ne veut pas avouer que c’est cette information, qu’il a lui-même relayée immédiatement au Président de la République, qui a été à l’origine du dispositif de défense de la ville mis en place à la hâte à la tombée de la nuit dans un climat de panique et de tensions extrêmes. Rappelons que dans la matinée du 04 octobre 1990, certaines unités engagées au front de Mutara ont reçu l’ordre de venir défendre la capitale. Si on a pris ce risque de retirer ces unités du front, c’est que la menace sur Kigali avait été prise très au sérieux30.

Au cours de la réunion des commandants de secteur et d’unités dirigée par le Président de la République, le 04 décembre 1991, les officiers avaient informé le Président de la République d’une certaine opinion qui disait que l’attaque de la nuit du 4 au 5 octobre 1990, dans la ville de Kigali, avait été une mise en scène, et ils voulaient savoir ce qu’il fallait répondre à ceux qui tiennent ce langage. Certains participants à la réunion ont reconnu que des infiltrés FPR avaient intentionnellement provoqués des tirs sporadiques pour créer le désordre et la panique dans la capitale31. A cette occasion, le Président de la République a passé la parole à Rusatira pour donner de plus amples explications au sujet de l’information fournie par l’Ambassade des USA et qui avait été à l’origine du dispositif de défense de la capitale. A ce propos, Rusatira a tout simplement confirmé qu’il avait reçu cette information de l’Ambassade des USA sans autres détails. Le problème qui se posait en ce moment là était de savoir comment faire face à cette opinion.

Par ailleurs, au cours de la nuit du 04 au 05 octobre, il n’a jamais été question de tentative d’agression contre un quelconque officier des FAR, et certainement pas contre la personne de Rusatira. Aucune rumeur du genre n’a même pas été enregistrée dans les milieux militaires. Il paraîtrait cependant que Rusatira aurait confié ce secret à ses amis civils au cours de l’année 1991 à la veille de l’avènement du multipartisme. Aurait-il inventé cette histoire pour prendre ses distances vis-à-vis de Habyarimana pour tenter de se repositionner ?

En tout état de cause, on peut se demander comment Rusatira aurait laissé sa maman dans sa résidence privée de Kicukiro alors qu’il était informé qu’elle allait être attaquée cette même nuit. Il ne haïssait tout de même pas sa maman au point de la laisser à la merci de ses

28 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 279.
29 Pour brouiller les pistes et éviter toute vérification, Rusatira n’a pas voulu révéler qu’il s’agit d’un diplomate américain.
Bernard Lugan, signale à la page 56 de son livre « François Mitterrand, l’Armée Rwandaise et le Rwanda » que l’Ambassade de France à Kigali avait reçu la même information de la même source.
30 A la page 278, Rusatira soutient qu’il s’agissait d’une mise en scène. Dans ce cas, il devrait avouer qu’il en est le véritable architecte.
31 Il s’agissait d’infiltrés du FPR qui voulaient amplifier la panique dans le pays pour faciliter la marche des colonnes de combattants du FPR sur Kigali. Même si la capitale n’est pas tombée, le FPR a réussi son objectif car les arrestations massives et désordonnées qui ont suivi ont miné la crédibilité du gouvernement et provoqué un climat de méfiance et de malaise à l’intérieur du pays. Le FPR a ensuite exploité à son avantage cette situation sur le plan médiatique et diplomatique.

ennemis ! Nous sommes quant à nous convaincus que Rusatira a déménagé pour occuper sa maison officielle au centre ville dans le souci de se rapprocher du poste de commandement dans ces moments difficiles.

Cette attaque sur la capitale ne s’est pas déroulée comme prévu, suite aux circonstances indépendantes de la volonté des stratèges du FPR. Cet événement imprévu, c’est la mort de Rwigyema, vraisemblablement le 02 octobre 1990. Comme initialement prévu, les troupes des FAR devaient abandonner leurs positions dans le Mutara, pour venir défendre la capitale. Dans leurs mouvements vers Kigali, les troupes du FPR auraient dû les poursuivre pour s’approcher davantage de Kigali, et même pour y entrer. Parce que la mort de Rwigyema devait être tenue secrète pour éviter de saper le moral de tous les combattants, cette mauvaise nouvelle n’a pas été communiquée aux infiltrés et aux transfuges qui avaient occupé des positions de tir dans la ville de Kigali et dans les environs. C’est pour cela qu’à l’heure convenue, quelques transfuges et infiltrés ont commencé à tirer sur les objectifs initialement fixés. Dans leur riposte, bon nombre de militaires des FAR déployés dans la capitale, ont tiraillé dans la panique.

Dans cette litanie d’allégations, Rusatira prétend que des militaires excités du camp Kigali et manipulés dans l’ombre par des supérieurs ont failli, le 10 avril 1994, le détruire en même temps que son commandement à l’ESM sous prétexte d’y débusquer le Premier Ministre désigné Twagiramungu32. Mais il ne dit pas comment cette tentative aurait échoué. Il ne dit pas non plus qui sont ces supérieurs et comment ils auraient procédé. Il veut que l’on le croie sans qu’il donne un moindre élément palpable pour soutenir ce qu’il raconte. Quant aux honneurs rendus au Premier Ministre désigné Twagiramungu à l’occasion de sa rencontre avec les responsables des Forces Armées du pays, il n’y avait rien d’anormal à cela. Twagiramungu avait été désigné par arrêté présidentiel et avait droit au protocole et aux honneurs reconnus aux autorités de ce rang. Si le Ministre de la Défense ne lui reconnaissait pas cette autorité, il ne l’aurait pas invité à cette rencontre. Il était l’hôte du Ministre de la Défense et non de Rusatira. Celui-ci n’a fait que se conformer au protocole prévu par le Ministre qui était lui-même présent.
Quant au Président de la République, comment pouvait-il se sentir offusqué alors que c’est lui qui avait signé l’arrêté présidentiel nommant Faustin Twagiramungu à cette fonction et cela conformément aux accords d’Arusha ? Rusatira prétend que ces autorités auraient préféré qu’il accueille mal Twagiramungu pour l’humilier et le décourager mais tout en avouant que personne ne lui en avait donné l’ordre. Il ne dit pas comment et quand il a eu vent de ce souhait mais se contente de dire qu’il a découvert le piège à cause des reproches à peine voilés. Ici aussi il ne dit pas qui lui a fait ces reproches, quand et comment. Décidément Rusatira voudrait qu’on avale ses histoires sans mâcher. Pour les gens qui connaissent le contexte du moment, il faut être naïf pour y croire.

Un autre fait à considérer avec la plus grande précaution est que Rusatira ait été la cible d’une mitrailleuse installée au camp Kimihurura en avril 1994. Comment peut-on croire à cette histoire33? En effet, entre Kimihurura et l’ESM, il y avait au moins 3 km à vol d’oiseau et l’ESM se trouvait sur un terrain parfaitement couvert de bâtiments et d’arbres. De ce fait, on ne pouvait pas voir, du camp Kimihurura, le bâtiment abritant le bureau de Rusatira. Or, une mitrailleuse tire sur une cible que le tireur voit c’est-à-dire que la mitrailleuse effectue des tirs tendus et non des tirs courbes. De plus, une mitrailleuse a une portée efficace de 1800 mètres. Il est donc évident que cette histoire est une pure invention, un conte pour enfants. Par contre, les canons du FPR installés au mont Rebero arrosaient intensément le camp Kigali et l’ESM et c’est suite à la menace du FPR que l’ESM a dû déménager pour Nyanza et plus tard pour Kigeme. On ne peut pas comprendre pourquoi Rusatira cache cette réalité.

32 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 282.
33 Idem, p. 282.

Ce qui est curieux, c’est que pendant toute cette période Rusatira ne vivait pas retranché dans un bunker. Il ne semblait pas être traqué de l’intérieur de son camp. Il sortait de l’ESM et se déplaçait même en dehors de Kigali. C’est ainsi qu’il s’est rendu plusieurs fois à Murambi vers le milieu du mois d’avril 1994 pour quémander son grade de général auprès des membres du gouvernement intérimaire. Il se déplaçait librement, il ne peut par conséquent pas prétendre qu’on cherchait à le tuer.

Nous affirmons que toutes ces histoires de tentatives d’assassinat, relèvent de la fiction. Aucune attaque n’a été dirigée contre Rusatira et lui-même est incapable de le démontrer.

Le Général Rusatira voudrait-il se présenter comme une victime qui aurait été persécutée pendant le régime Habyarimana ? Qui peut le croire ? Veut-il se présenter comme un super homme qui a su échapper miraculeusement aux multiples attentats ? Souffre-t-il d’un complexe de persécution au point de s’imaginer que des ennemis le traquaient de partout ou s’agit-il là de sa conscience qui lui reprocherait d’avoir trahi son corps et son pays ? Ou son nom d’enfance, Nturanyeninkiko, aurait marqué son subconscient jusqu’à croire qu’il naviguerait sans cesse au milieu d’ennemis et rivaux imaginaires ?

11. Au sujet de l’opération « SOS Butaro »

L’auteur évoque des initiatives qu’il aurait faites en faveur des déplacés de Butaro. Il déclare à la page 25 de son livre qu’en 1992, il « organisait l'initiative dénommée « SOS Butaro » pour secourir les habitants de la commune de ce nom chassés par la guerre ». Ces personnes devenues « réfugiées » dans leur propre pays, suite à la guerre du FPR, avaient effectivement besoin de la charité des gens de bon cœur pour survivre. Ceux qui ont pu survivre n’oublieront certainement pas le geste de générosité posé à leur endroit.

Nous n’avons pas de raisons de douter que Rusatira ait pu participer à cette œuvre de charité mais ce n’est pas lui qui a organisé cette initiative. En effet, selon des informations dignes de foi, l’opération « SOS Butaro » a été lancée par quatre bienfaiteurs originaires de la préfecture de Ruhengeri travaillant à Kigali : Denys Ntirugirimbabazi, Gouverneur de la Banque nationale du Rwanda, Donat Munyanganizi, Directeur de l’Electrogaz, Ferdinand Nahimana, Directeur de l’Orinfor et Fabien Neretse, directeur de l’OCIR-Café, directement rejoints par Mme Marie Kampororo, de la Banque nationale du Rwanda. Celle-ci s’est beaucoup investie et a mobilisé des centaines de femmes originaires de Ruhengeri pour la collecte de denrées alimentaires, des vêtements, etc. Toujours selon ces sources, plusieurs bienfaiteurs ont répondu à l’appel à l’aide de ces déplacés de guerre; ils ont apporté de l’argent, des denrées alimentaires, des couvertures, des vêtements, etc. Certains grands commerçants et chefs d’entreprise ont mis à la disposition de cette opération des camions pour le transport des effets collectés ou achetés grâce à l’argent récolté auprès des agents de l’Etat et du secteur privé originaires de Ruhengeri travaillant à Kigali comme auprès de plusieurs Rwandais de bon cœur.

Rusatira n’a joué aucun rôle de premier plan dans l’opération « SOS Butaro ». Il n’a jamais été vu au lieu du stock et du tri des effets ; il n’a pas été parmi ceux qui se sont rendus à Butaro pour présenter et distribuer ces aides aux déplacés de guerre.

Pour son prestige, Rusatira s’attribue des rôles qu’il n’a pas joués. En relevant ce cas, nous avons voulu tout simplement montrer à quel point son amour-propre démesuré le pousse à travestir la vérité.

12. Sur les propos divisionnistes

Dans le dernier chapitre de son livre, Rusatira fait connaître sa vision sur le problème ethnique. Bien qu’il condamne la discrimination, il ne propose pas concrètement comment le pays doit sortir du cercle vicieux dans lequel il est engagé. Nous espérons qu’il y pense.

Pour ce qui concerne le problème de régionalisme, nous avons été plutôt très déçus. Non seulement il ne propose rien pour résoudre ce problème qui a eu des conséquences catastrophiques pour notre pays, mais il entretient des propos de nature à attiser le feu. Au lieu de panser les plaies provoquées par ce problème, il se plait à les remuer en donnant de fausses informations visant à attiser les sentiments régionalistes. Ainsi par exemple, il dit : « Il est à rappeler ici que le sud-ouest était, à l'époque, considéré comme la route des modérés vers Bukavu et le nord-ouest celle des durs vers Goma. »34 Ici, Rusatira fait comme si les rwandais n’avaient pris que deux directions pour échapper à la poursuite du FPR.

Pourquoi Rusatira fait-il table rase des centaines de milliers de réfugiés qui ont pris le chemin de l’exil vers la Tanzanie ? Etaient-ils des extrémistes ou des modérés ? Pourquoi ne parle-t-il pas de ceux qui, ne sachant quoi faire, n’ont eu d’autre choix que de se réfugier en Uganda qui était pourtant la base arrière du FPR ? Que dire de ceux qui ont pris le chemin vers le Burundi, dont l’armée soutenait le FPR ?

Le Général Rusatira devrait prendre en considération que l’attaque massive du FPR depuis le 6 avril 1994, a permis à ses troupes d’encercler dans les tous premiers jours, les populations du nord et de l’est du pays. Celles-ci, pour échapper à la mort, n’avaient d’autres recours que vers l’Uganda, ou vers la Tanzanie. Les axes suivis dans cette dure épreuve étaient imposés à la fois par la situation tactique sur le terrain et l’endroit où l’on se trouvait. En effet, il était impossible d’emprunter la route de Kigali vers Butare après le 29 mai 1994 car cet axe avait été coupé par le FPR au niveau de Nyanza à partir de cette date.

Nous pensons qu’il est absurde de s’appesantir sur cet exercice qui, certainement a été malencontreusement évoqué. Ceux qui enduraient ce calvaire savent ce qu’il en était. A quoi bon de vouloir chercher à frapper les morts s’il nous prête l’expression?

Plus loin, il poursuit en disant qu’il eut des initiatives intéressées pour pousser le gouvernement à déménager le 12 avril 1994 pour Gitarama parce que le Président Sindikubwabo et Premier Ministre Kambanda étaient du sud35. Cette information est non seulement fausse mais vise à susciter les sentiments régionalistes. Nous estimons à juste titre que dans cette situation dramatique, personne n’aurait pensé à ce calcul puéril. S’il fallait déménager la capitale sous la menace du FPR, il n’y avait pas de meilleur choix que Gitarama. Quelle aurait été la proposition de Rusatira à la place de Gitarama ? Au lieu de cette autre proposition, il soutient que les inconditionnels du nord qui ne l’entendaient pas de cette oreille, ont continué à faire pression pour finalement déplacer le siège du gouvernement à Gisenyi. Encore une fois, tout le monde sait dans quelles conditions le gouvernement a quitté Gitarama. Le FPR ayant capturé la localité de Nyanza le 29 mai 1994, il était impossible de se rendre à Butare ou Gikongoro à partir de Gitarama. Le FPR a ensuite capturé Kabgayi le 2 juin et le gouvernement a dû déménager ce jour vers le nord. Y avait-il un autre choix ? Si le gouvernement avait pris la direction de Kibuye, Rusatira aurait dit la même chose que pour Gitarama.

Rusatira va jusqu’à dire que les FAR n’ont pas voulu défendre les régions du sud et d’ajouter que c’est pour cette raison que lui et le Général Gatsinzi y ont été envoyés sans troupes pour les livrer aux forces adverses36. Ces propos sont non seulement contraires à la vérité mais visent encore une fois à susciter des sentiments régionalistes.

34 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 66.
35 Idem, p. 285.
36 Léonidas Rusatira, Rwanda, Le droit à l’espoir, p. 284.

En effet, l’ESM a déménagé pour Nyanza vers la fin de la première quinzaine du mois de mai 1994 pendant que la guerre faisait rage à Kigali. L’Ecole était noyée sous les bombardements du FPR et ne pouvait, dans ces conditions, conduire l’instruction. C’est pour cette raison qu’elle a dû déménager vers un lieu plus calme. En plus, en cette même période, plusieurs familles des militaires avaient également été évacuées de Kigali pour Butare afin de les mettre à l’abri des combats meurtriers. L’hôpital militaire de Kanombe avait été également évacué à Butare au courant de la deuxième moitié du mois d’avril 1994.

Quant au Général Gatsinzi, il était commandant du secteur opérationnel de Butare encore calme jusque vers la fin du mois de mai 1994. Tout ceci pour montrer que le Général Rusatira et le Général Gatsinzi étaient plutôt dans un milieu jusque là calme pendant que les autres militaires se faisaient tuer au front de Kigali et dans d’autres secteurs opérationnels actifs.

Après la chute de la région de Bugesera, le secteur opérationnel de Bugesera sous le commandement du Colonel Ndengeyinka a été déployé dans la Préfecture de Butare. Il avait installé son poste de commandement au bureau communal de Muyira. C’était vers le 23 mai 1994. Le 25 mai 1994, le Bataillon Para commando et le 31ème Bataillon ont été dépêchés en commune Muyira pour renforcer ce secteur. En ce moment, le FPR venait de traverser l’Akanyaru par le pont Rwabusoro pour investir Butare et Gitarama. Les combats se sont poursuivis dans cette région jusqu’à la prise de Nyanza par le FPR le 29 mai 1994. Après la prise de cette localité, il y a eu création du secteur opérationnel de Gitarama sous le commandement du Lieutenant Colonel Bahufite et du secteur opérationnel de Nyanza sous le commandement du Lieutenant Colonel Gasarabwe. Le Bataillon Para Commando va se retrouver alors dans le secteur Gitarama où il combattra jusqu’à la chute de cette préfecture vers le 8 juillet 1994. Il est donc faux de dire que les régions du sud n’ont pas été défendues. Les FAR ont fait tout leur possible avec les moyens disponibles pour défendre tout le territoire rwandais sans distinction.

13. Son rôle de rassembleur

Dans le dernier chapitre de son livre, Rusatira annonce pratiquement son programme politique et invite les Rwandais de tous bords de le suivre dans la marche vers l’avènement de la paix, de la concorde et du progrès au Rwanda. Il s’agit d’un objectif noble et ambitieux mais encore faut-il jouir de la crédibilité nécessaire pour jouer le rôle de rassembleur d’un peuple désemparé et qui semble avoir perdu confiance dans beaucoup de ses élites. En effet, ceux-ci n’ont pas su lui épargner tous ces malheurs et toutes ces humiliations.
Rusatira croit disposer d’un atout pour avoir servi dans les deux armées ennemies sans trahir aucune d’elles37. Puisque les deux armées ennemies défendaient des intérêts divergents, Rusatira peut-il nous dire s’il a servi loyalement chacune d’elles et pour l’intérêt de qui ? Par ailleurs, nous pensons que sa conviction qu’aucune de ces deux parties ne le porte dans son cœur comme il le dit à la page 146 de son livre, le met dans une position plutôt inconfortable. L’idéal serait qu’il ait des adeptes partout si réellement il s’est comporté dignement dans les deux camps. Nous pensons néanmoins que le fait d’avoir rompu avec les deux camps le met dans une position d’une très grande instabilité, un peu comme un moine désemparé qui ne sait plus à quel saint se vouer.

Rusatira peut avoir de bonnes idées mais nous pensons qu’à l’état actuel des choses, il a un handicap sérieux pour jouer le rôle de rassembleur ; tellement son intégrité et sa crédibilité sont mises en cause. Le peuple a besoin de leaders qui sont prêts à se mettre réellement à son service et non des opportunistes qui se cachent derrière la défense de l’intérêt général pour protéger ou assurer d’importants dividendes personnels qu’ils croient pouvoir en retirer.

14. Conclusion

En faisant cette critique, nous voulons être constructifs et aider au rétablissement de la vérité. Nous voulons partager le sentiment que nous avons éprouvé en lisant le livre. Comme nous l'avons dit au départ, nous n'entendons pas faire une attaque personnelle contre Rusatira ou parler du mal de lui. Nous n'entendons pas non plus mettre à sa charge tout ce qui n'a pas bien marché ou les conséquences désastreuses de la guerre déclenchée en octobre 1990 par le FPR. Cette guerre du FPR fut une catastrophe pour le Rwanda et le peuple rwandais. Elle était injuste et inutile et a malheureusement détruit le pays et causé d'énormes pertes en vies humaines. C'est très regrettable, mais c'est aussi une affaire nationale dans laquelle chaque Rwandais, y compris Rusatira, a sa part de responsabilité. Il était au courant de tout, il influençait grandement les décisions. Il ne doit pas continuer à vouloir imputer les fautes aux autres, en se réservant la belle part. Il doit savoir qu'il n'est pas étranger à la débâcle des FAR.

La communauté internationale en général, les États africains et plus particulièrement les voisins du Rwanda, n'ont jamais condamné l'agression du Rwanda par le mouvement FPR/NRA. Il en est de même pour les pays membres du Conseil de Sécurité et plus spécialement ses membres permanents, qui auraient pu orienter autrement le cours des événements au Rwanda. Mais pour des raisons diverses, ils ont favorisé la guerre et la victoire du FPR, dont les conséquences et les méfaits continuent de peser sur l'ensemble de la région des Grands Lacs Africains.

On ne peut pas honorer la mémoire des victimes en travestissant la vérité. Les survivants gardent une blessure profonde des douloureux événements qui ont endeuillé leur pays. Il ne faudrait pas en rajouter en leur racontant des demi-vérités ou des contrevérités. Nous estimons que les Rwandais doivent se dire la vérité pour pouvoir se réconcilier et construire ensemble l'avenir de leur pays et de leur peuple. Il s'agit ici d'un début de dialogue que Rusatira lui-même appelle de tous ses voeux.

Nous savons que dans ce dossier rwandais, il existe des gens qui ne veulent entendre qu'une seule voix : le discours aimable et convenable. Mais nous osons espérer que l'heure de la vérité a sonné et que les manipulations des faits et les affabulations vont désormais cesser pour faire la place aux faits objectifs et vérifiables.
Arusha, le 23 avril 2006

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